La communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) change de chef et de stratégie face aux pays insoumis aux diktats, dits en transition par euphémisme. Le président intronisé du Nigéria et de la CEDEAO, Bola Tinubu, qui piaffe de casser du putschiste suite au mini-sommet d’Abuja du 18 juillet 2023, a mandaté le président béninois Patrice Talon au charbon : rencontrer le trio hors cadre constitutionnel et les sommer de se conformer aux protocoles pertinents de la CEDEAO et d’organiser des élections démocratiques, crédibles et inclusives.
Dans un espace communautaire où les troisièmes mandats font légion et où il y a une chasse xénophobe aux sorcières, des communiqués à géométrie variable tels que pondus par la CEDEAO ce mardi devraient faire honte. Mais voilà, la comédie se poursuit, ainsi que la détresse des populations. Avec la même musique, le même refrain ! Comme aux bons vieux temps, on se réunit en l’absence des pays souverains, comme s’ils étaient de facto sous tutelle, un GIE ou une société à participation, pour décider pour eux.
Quelle crédibilité et quelle légitimité Umaro Sissoco Embalo ou Mohamed Bazoum a-t-il pour décider en les noms de ces trois pays ? Au nom de quoi ? La démocratie de façade ? Le président Alassane Dramane Ouattara qui est à son troisième mandat en dépit des protocoles pertinents de la CEDEAO est-il plus démocrate que ces jeunes militaires, auteurs de coup d’État certes, mais en parfaite phase avec leur peuple ?
Est-ce les élections, quelles que soient les conditions de leur organisation, qui légitiment les dirigeants ou l’adhésion du peuple à leur projet ?En tout cas, la CEDEAO pense que tenir les élections dites «démocratiques crédibles et inclusives» à n’importe quel prix est gage de bonne démocratie, le président Zelenski, adulé et protégé par l’Occident à coup de milliards de dollars par mois affirme qu’il n’y aura pas d’élections présidentielles en Ukraine jusqu’à la fin du conflit contre la Russie. Et personne n’a trouvé à redire : ni ceux qui font le distinguo entre le président démocratiquement élu et putschiste ni les perroquets de la CEDEAO ou de l’Union africaine. Pourquoi ne serait-il pas alors permis aux présidents malien et burkinabè de différer leur présidentielle jusqu’à la fin des opérations contre les terroristes ?
En matière de lutte contre le terrorisme, ce serait un bon début et une crédibilité pour le nouveau président au lieu de se livrer à la chasse aux putschistes hors des frontières du Nigéria, d’œuvrer d’abord à vaincre et à éradiquer Boko-Haram !
Le plan d’action révisé de la CEDEAO pour l’éradication du terrorisme dans la région ainsi que la collaboration avec d’autres initiatives de sécurité paraît beaucoup comme un leurre, sinon un verbiage présidentiel, avec tout le respect dû à leurs augustes personnes.
Incapable d’apporter un appui direct aux États membres dans leur lutte contre le terrorisme, la très comique CEDEAO, qui ne parvient pas à financier un siège, s’engage à financer le mécanisme de sécurité régionale à partir des ressources propres de la région. On comprend dès lors qu’elle appelle les Nations unies et les autres partenaires à soutenir ses efforts dans sa région. Les présidents de la CEDEAO doivent éviter les incohérences mortelles pour la survie de l’organisation.
Est-ce que les protocoles pertinents de la CEDEAO qui prônent la libre circulation des personnes et des biens autorisent le Sénégal à expulser des guinéens, le Ghana à se livrer à la chasse aux burkinabé qu’il a renvoyés par milliers ? Qu’elle a été la réaction de la CEDEAO ?
Comme on le dit à Ségou, ici c’est le Mali. Nous avons arraché notre souveraineté à la France, parrain du terrorisme au Sahel, et l’avons proclamé devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, allons-nous nous aplatir à nouveau devant la même CEDEAO qui, au temps de Blaise, nous humiliait tous jours et nous menaçait avec sa fameuse Force en attente, qu’on attend tel le père noël, et qui n’arrive jamais.
Sans désobliger qui que ce soit, ici, au Mali nous avons notre calendrier électoral souverainement établi, en dépit de l’embargo qu’on n’a pas oublié. Nos forces de défense et de sécurité (FAMa) travaillent au prix d’énormes sacrifices à ramener la paix, la sécurité et la réconciliation sur l’ensemble du territoire national. Le gouvernement, conformément à ses engagements, est en train de tout entreprendre pour le retour à l’ordre constitutionnel, et à l’organisation des élections libres, transparentes et crédibles.
Ici, c’est le Mali, un pays souverain ! Un pays souverain qui n’attend pas la CEDEAO pour organiser son référendum et ses élections. Les défis et les urgences communautaires ont pour nom la lutte contre le terrorisme, emploi des jeunes, autosuffisance alimentaire, désenclavement… et non d’organiser les élections coûte que coûte, pardon s’immiscer dans les affaires politiques intérieures des États membres.
Que chacun balaie devant sa porte. Que chacun sécurise son pays, les terroristes sont basés dans les pays membres de la CEDEAO et partent déstabiliser d’autres pays membres. Que fait la CEDEAO pour régler ce problème ?
Sans aucune désobligeance, le Mali se passera de cet appui appâtant pour organiser des élections démocratiques, crédibles et inclusives ; toutes autres choses ne sont qu’alibi pour s’ingérer dans nos affaires intérieures souveraines. Le Burkina et la Guinée seront d’une égale vigilance. Inch Allah.
Par Abdoulaye OUATTARA
Info Matin