Mais le paradoxe, c’est que les responsables du CNSP eux-mêmes ne trouvent pas à présent un qualificatif réel à ce changement. Dans une interview exclusive accordée la semaine dernière à nos confrères de l’ORTM, le porte-parole du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), le colonel-major Ismaël Wagué, continue de soutenir qu’il n’y a eu ni coup d’Etat, ni de coup de force militaire, tout en se basant sur une prétendue démission volontaire de l’ancien président, Ibrahim Boubacar Keita. Finalement, l’on se pose la question : De quoi s’agit-il au juste ?
Pire, sans suspendre la Constitution, ni les institutions, le CNSP décide d’élaborer un document dit ‘’Acte fondamental N° 001/CNSP du 24 août 2020’’. Désormais, le Mali se trouve doté de deux textes fondamentaux qui sont : la Constitution et l’Acte fondamental. Ce qui n’est jamais arrivé dans notre pays. Ce qui est sûr, c’est qu’un acte fondamental n’est valable que lorsque la Constitution est suspendue ou dissoute. Donc, le mieux aurait été pour le CNSP de s’assumer depuis la nuit du 18 août 2020.
Aussi, le CNSP qui a toujours soutenu qu’il est à l’écoute du peuple et promis de consulter constamment les forces vives de la nation, élabore ledit acte qui lui donne des pouvoirs exceptionnels. Ce document, élaboré à l’insu du peuple, stipule dans son Article 37: « Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Président du Comité prend en accord avec le Comité national pour le Salut du Peuple les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances. Le Comité national pour le Salut du Peuple fixe la durée d’exercice des pouvoirs exceptionnels du Président. »
Un autre paradoxe ! Après avoir rassuré le peuple sur la continuité de l’Etat avec la reconnaissance de la Constitution et les différentes institutions de la Républiques, le CNSP prend des mesures pouvant étouffer les mêmes instances. « Avant l’adoption d’une Charte pour la transition, les dispositions du présent Acte qui s’appliquent comme dispositions constitutionnelles, complètent, modifient ou suppléent celles de la Constitution du 25 février 1992. Toutefois, les dispositions de la Constitution du 25 février 1992 s’appliquent tant qu’elles ne sont pas contraires ou incompatibles avec celles du présent Acte. »
Voilà autant d’incohérences qu’il faut rapidement corriger et mettre en place une vraie transition. Ce qui est évident, rassembler les Maliens aujourd’hui autour de l’essentiel demeure toujours un vrai sacerdoce. Dans la mesure où certains se croient déjà plus patriotes ou plus légitimes que d’autres. Ce qui fait que la transition inclusive annoncée par le CNSP risque de prendre plus de temps qu’on ne le croit. Des acteurs des partis et des mouvements politiques, ainsi que ceux des organisations de la société civile souhaitent tous être écoutés par la junte. D’un côté comme de l’autre, chaque organisation fait ses propositions qu’elle considère meilleures et plus légitimes. Mais la plus grosse erreur pour le CNSP serait de vouloir mettre une organisation, qu’elle soit politique ou civile, au-dessus des autres pour quelque raison que ce soit.
Ousmane BALLO
Source : Ziré