C’est aujourd’hui jeudi que les chefs d’État de la CEDEAO doivent se retrouver par visioconférence sur la situation du Mali. Au menu des échanges, le rapport de la médiation de la mission de l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, qui a séjourné à Bamako, du 22 au 24 août et les sanctions prises contre notre pays par l’organisation, au lendemain du putsch du 18 août. Au regard de l’évolution de la situation, notamment la position de la France qui « se tient, comme elle l’a toujours fait, aux côtés du peuple malien », et même les divergences de regard des chefs d’État eux-mêmes sur la crise malienne, apparues lors du précédent sommet, tout porte à croire que l’on s’achemine vers un assouplissement de la position de l’organisation communautaire aujourd’hui.
Au lendemain de l’intervention des militaires de Kati pour abréger le mandat du Président contesté Ibrahim Boubacar KEITA, la Commission de la CEDEAO a immédiatement pris une batterie de mesures pour sanctionner le Mali pour crime de lèse-majesté, pardon pour avoir violé le ‘’Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance’’ de la communauté. Ainsi, décide-t-elle :
– condamne avec la plus grande fermeté le renversement par des militaires putschistes du Gouvernement démocratiquement élu du Président Ibrahim Boubacar Kéita ;
– dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel ;
– rappelle aux militaires leur responsabilité sur la sûreté et la sécurité du Président Ibrahim Boubacar Kéita et des officiels arrêtés ;
– exige la libération immédiate du Président Ibrahim Boubacar Kéita et de tous les officiels arrêtés ;
– suspend le Mali de tous les Organes de décision de la CEDEAO avec effet immédiat, conformément au Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et ce, jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel ;
– décide de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les pays membres de la CEDEAO et le Mali et invite tous les partenaires à faire de même ;
– demande la montée en puissance immédiate de la Force en Attente de la CEDEAO ;
– engage la Commission de la CEDEAO à mettre en œuvre immédiatement un ensemble de sanctions contre tous les putschistes et leurs partenaires et collaborateurs ;
– décide de dépêcher une délégation de haut niveau pour assurer le retour immédiat de l’ordre constitutionnel ;
– décide de demeurer saisie de la situation au Mali.
Je propose que notre sommet examine ces différentes mesures et le cas échéant les complète dans la perspective d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel conformément au Protocole Additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie dans l’espace CEDEAO.
Les allègements
Ces sanctions connaitront des allègements suite au sommet extraordinaire par vidéoconférence, du 20 août 2020, des chefs d’État réunis sur la situation au Mali. Ainsi, l’organisation communautaire sur insistance de certains chefs d’État membres, décide de la « fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, financières et commerciales à l’exception des denrées de première nécessité, des médicaments, du carburant, et de l’électricité entre les pays membres et le Mali. Nous invitons tous les partenaires à faire de même ».
Aussi suite aux échanges du Médiateur avec la junte militaire de Kati, plus question de « la montée en puissance de la Force en Attente de la CEDEAO », le président IBK lui-même ayant annoncé définitivement et volontairement à achever son mandat.
Ballet diplomatique à Kati
De la fin de la première mission de Goodluck Jonathan à ce jour, que d’eau a coulé sous le pont. En effet, le camp Soundjata de Kati, fief du CNSP, a connu un ballet diplomatique. Selon des sources concordantes, le Président du CNSP, le colonel Assimi GOITA, a reçu l’ambassadeur de Russie au Mali, Igor Gromyko, ainsi que celui de la France, Joël MEYER, accompagné du commandant de la Force française Barkhane, le général Marc Conruyt. Il s’est aussi entretenu avec l’ambassadeur des États-Unis au Mali, Dennis B. Hankins et celui de l’Algérie, Boualem Chebihi. Selon nos informations, les différents entretiens ont porté sur la coopération bilatérale.
Également, ce 25 août 2020, le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali et Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif, s’est entretenu avec le CNSP dans la soirée sur le mandat et les opérations de la MINUSMA et la situation sociopolitique actuelle. Ces contacts diplomatiques constituent un indicateur clair que nos principaux partenaires acceptent de coopérer avec le CNSP et que la page du régime du président Ibrahim Boubacar KEITA est définitivement tournée.
La France aux côtés du peuple malien
On sait que la France, aux côtés de notre pays depuis 2013, avait clarifié sa position, depuis le 19 août 2020, à travers une déclaration assez édifiante de Jean-Yves Le Drian, ministre en charge de la diplomatie et la coopération. « La France a pris acte de l’annonce de la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. Elle appelle à sa libération immédiate ainsi que des membres du gouvernement actuellement retenus. La France se tient, comme elle l’a toujours fait, aux côtés du peuple malien. Elle s’est engagée, à la demande de ce pays, en poursuivant deux priorités : l’intérêt du peuple malien et la lutte contre le terrorisme. Elle réaffirme son attachement à la souveraineté, au respect des institutions, à la vie démocratique et à la stabilité du Mali. Elle encourage toutes les forces politiques et sociales au dialogue pour trouver une solution à la crise profonde que traverse le pays et appelle au rétablissement sans délai d’un pouvoir civil ».
Cette position conciliante de la France vis-à-vis du Mali est un indicateur qui plaide en favorable d’un assouplissement de la position des chefs d’État de la CEDEAO pour le Mali qui traverse déjà des moments difficiles avec la double crise sécuritaire au Nord et au Centre. En tout cas, comme l’a dit le Président du Niger, ‘’le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu’un affaissement de l’État et des institutions n’entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l’ensemble de notre communauté».
Sauf cas de force majeure et pour qui connaît le poids de l’ancienne puissance coloniale sur le Continent et particulièrement en Afrique de l’Ouest, cette position de la France est un grand atout pour le Mali en crise que les autorités actuelles devraient savoir exploiter. Sans langue de bois, ce qui s’est passé au Mali ces dernières semaines prouve à suffisance que le coup d’État intervenu ce 18 août est loin d’être une simple ironie du sort.
Les chefs d’État ainsi conscients de cette situation, réfléchiront par mille fois avant de prendre des mesures inappropriées au risque de discréditer davantage une organisation qui à encore du chemin à faire pour la défense de l’intérêt des peuples qui est sa raison d’être. Plutôt que d’aider un pays en faillite, les sanctions de la CEDEAO procèdent à exposer un peuple déjà au bout du souffle par la mauvaise gouvernance, la corruption, l’insécurité…
PAR SIDI DAO
Source : INFO-MATIN