Dans le cadre d’une tournée internationale, le Groupe Magic System de la Côte d’Ivoire a séjourné le mois dernier à Bamako, où il a produit deux concerts géants, l’un au Centre international de conférence de Bamako et l’autre, au nouveau Pavillon des sports sis à l’ACI 2000. Il s’agissait pour les «Magiciens», selon leur porte-étendard, Salif Traoré dit Asalfo, d’apporter leur soutien aux populations maliennes, précisément celles du Nord, envahies en 2012 par les bandits armés et les terroristes. Suivons l’entretien !
Le Reporter Mag : Peut-on savoir les raisons de votre séjour à Bamako ?
Salif Traoré dit Asalfo : Nous sommes venus ici à Bamako dans le cadre d’une tournée internationale, car après le Mali, nous irons en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo…
En tant qu’artiste et de surcroît ambassadeur de l’Unesco pour la culture de la paix, quelle est votre vision sur la crise que vit le Mali ?
On ne peut pas fermer les yeux là-dessus. Il est de notre mission d’apporter notre modeste contribution pour le retour définitif de la paix au Mali. L’arrivée de Magic System peut être symbolique, car nous sommes venus aujourd’hui, 12 ans après. Mais, les contextes ne sont pas les mêmes, car aujourd’hui le Mali traverse l’une des plus grandes crises de son existence. C’est pourquoi Magic system est venu à Bamako pour apporter son soutien à ses fans ainsi qu’aux populations maliennes à travers deux grands concerts, pour dire au monde entier que le Mali est debout. Au cours de notre séjour, nous allons certainement rencontrer les plus hautes autorités du pays, à savoir le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, qui est un homme très respecté en Afrique et dans le monde. Aussi, nous comptons produire des clips dans le cadre de notre prochain album. D’ailleurs, ce matin, nous étions tous habillés en «donso» (chasseurs). Donc, il s’agit pour nous de nous battre pour le rayonnement de la culture africaine.
La musique a-t-elle un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme ?
Je crois que ce qu’il faut retenir, c’est que la musique est un facteur de rassemblement des masses en même temps un canal pour lancer un message très important de paix. C’est pourquoi, nous sommes appelés par des organisations internationales pour les représenter dans nos pays respectifs. Avec nos voix, nos messages peuvent aller loin. Aujourd’hui, le combat contre le terrorisme, ce n’est pas forcément qu’on doit seulement s’adresser à ceux qui ont pris les armes, mais aussi à la partie adverse et aux organisations internationales comme la Cédéao, l’UA, l’Unesco, l’UE, les Nations-unies… à venir en aide aux pays en conflit. C’est donc dire que la musique peut jouer un rôle très important. Nous avons assisté plusieurs fois aux réunions à l’Unesco, et souvent, on a l’impression que nous, artistes, sommes plus écoutés que nos chefs d’Etat. Cela est vrai, car nous sommes proches des populations, très proches de leurs préoccupations et de leurs attentes. C’est vrai que moi, petit artiste (rire), je n’irai pas à Kidal pour demander à ceux qui ont pris les armes de me les rendre, mais je peux venir au Mali pour être témoin oculaire de la gravité de la situation et lancer un message à la Communauté internationale. Voilà le rôle qu’un artiste peut jouer dans la lutte contre le terrorisme.
Comment le nom Magic System est venu ?
C’est un nom qui a été imposé à nous mais, peut-être, c’est le destin qui a voulu que ça s’impose à nous. Pour ceux qui ne le savent pas, ce n’est pas un nom qui a été choisi par stratégie. Il y avait un concours auquel nous devrions participer et chaque groupe devrait être vêtu en uniforme, alors que nous n’avions pas les moyens de nous vêtir en uniforme. Comme nous avions a eu la chance de participer au marathon de la ville d’Abidjan sponsorisé par une marque culinaire, «Cube Maggi», nous avons pris ses tee-shirts comme notre uniforme pour participer à ce concours. À l’arrivée, les organisateurs nous ont refusé ces tee-shirts, arguant que nous allons faire de la publicité gratuite pour la marque «Cube Maggi». On nous avait demandé de trouver un nom pour notre groupe, alors nous avons maintenu «Maggi» (Magie). Là aussi, on nous a fait savoir que le nom «Maggi» simplement ne signifie rien, c’est pourquoi nous avons proposé «Groupe Magic». Et, on a été appelé pendant longtemps «Groupe Magic». Avec le succès du Zouglou en son temps, il y a des groupes qui sont nés comme «System Gazel», «Dinozor System»… Nous, nous avons alors décidé d’ajouter «System» à notre «Magic» et je pense que ce «System» nous a permis de réaliser la magie (Rire). Voilà l’histoire du nom «Magic System».
Le virus Ebola gagne du terrain dans nos pays. Quel rôle comptent jouer les «Magiciens» pour éradiquer ce fléau ?
Vous savez, quand il y a ce genre de chose en Afrique, tout le monde se lève pour créer des projets. Du coup, on assiste à la naissance d’une multitude de projets, et souvent, ça va créer la confusion. Nous, nous pensons que c’est une épidémie et qu’on ne doit pas à la hâte tenter de l’éradiquer : il faut d’abord chercher à étudier la maladie. Et nous comptons élaborer un plan stratégique. C’est un gros projet sur lequel nous sommes en train de réfléchir. En fait, nous avons rapproché l’Agence française pour le développement et nous sommes en train de voir comment nous pouvons organiser un grand concert au Zénith de Paris avec tous les artistes africains pour une collecte de fonds en vue d’aider les trois pays les plus touchés, à savoir le Liberia, la Sierra-Léone et la Guinée Conakry. Donc, une telle initiative a besoin d’être bien préparée ; on ne peut pas prendre la même vitesse qu’Ebola.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Nous remercions tout le monde notamment le public bamakois pour son accueil chaleureux. Malgré tout ce qui s’est dit et se dit encore sur le Mali, sur le plan de l’insécurité, nous nous sommes rendu compte que le Mali est debout ! De retour, nous serons des ambassadeurs pour dire aux touristes européens, américains et autres, de venir voir le Mali. Nous remercions aussi la presse malienne pour son soutien aux «Magiciens».
Alhousseini TOURE
Source: Le Reporter