Camp de Carpienne, à Aubagne. Depuis la fin décembre, le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC), le régiment de la légion étrangère spécialisé dans le combat blindé, se prépare à être projeté au Mali, mi-janvier.
Le Mali, ces soldats aguerris connaissent, ils y étaient en janvier 2013 pour libérer Tombouctou. Pour une partie d’entre eux, il s’agira cette fois de relever les troupes engagées dans le Sahel, pour l’autre, de renforcer les effectifs de Barkhane.
220 soldats supplémentaires et un commandement conjoint
Lundi 13 janvier, au sommet de Pau sur le Sahel, Emmanuel Macron a annoncé l’envoi de 220 hommes supplémentaires afin de renforcer les 4 500 engagés dans le Sahel, sans en détailler la répartition. Il s’agirait en partie, donc, du 1er REC. Selon le spécialiste des questions de défense, Florent de Saint Victor, le régiment de Carpienne enverrait quatre escadrons – autour de 400 hommes. D’autres évoquent le nombre de 700 soldats.
→ INFOGRAPHIE. Comprendre l’opération Barkhane au Sahel
Ce renforcement – modeste – de l’opération Barkhane est la principale annonce sortie du sommet de Pau, où cinq dirigeants de pays sahéliens (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) se sont retrouvés autour du président français. Avec, dans une moindre mesure, la notification d’un « commandement conjoint de la force Barkhane et de la force conjointe du G5 Sahel ». Traduction ? Désormais, Paris coordonnera ouvertement l’action militaire du G5. Pour le reste, aucune résolution nouvelle n’a été prise publiquement à Pau.
Le contre-feu au sentiment antifrançais
Sur un plan plus symbolique et politique, cette rencontre a surtout été l’occasion, pour l’Élysée, de lancer un « contre-feu » face au sentiment antifrançais qui gagne les esprits au Mali et au Burkina Faso. Les cinq présidents du G5 Sahel ont, dans une déclaration conjointe, exprimé leur « souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel ».
À la question posée, pendant la conférence de presse par un journaliste malien, au sujet des doutes exprimés par une partie de la population de son pays sur les raisons de l’intervention française dans le Sahel, Emmanuel Macron a répondu avec force : « Les discours que j’ai pu entendre ces dernières semaines sont indignes (…) parce qu’ils servent aussi d’autres intérêts, soit (ceux) des groupements terroristes (…), soit (ceux) d’autres puissances étrangères qui veulent voir les Européens plus loin, parce qu’elles ont leur propre agenda, un agenda de mercenaires. »
Le président français visait-il la Russie ? Ou l’Algérie ? Ce pays est soupçonné par de nombreux spécialistes de jouer un jeu hostile aux Français dans le Sahel comme en témoigne sa relation amicale avec Iyad Ag Ghali, leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, le principal mouvement djihadiste que combat la France au Sahel.
Une clarification à relativiser
La clarification souhaitée par l’Élysée et obtenue à Pau est toutefois à relativiser, modère Marc-Antoine de Montclos, auteur du livre Une Guerre perdue (Lattès) qui vient de paraître : « Les cinq présidents africains ont bien réitéré publiquement leur souhait de voir la France rester militairement dans le Sahel, mais seront-ils aussi clairs de retour dans leur capitale ?, interroge-t-il. On peut en douter. » Pour le chercheur, en effet, « ils font face à une opinion publique qui vit cette présence armée de l’ancien colonisateur comme une humiliation. Une présence qui génère aussi de la frustration : sept ans après le début de l’intervention française au Mali, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader alors que les Français sont toujours là. »
Au Burkina Faso, ce même lundi 13 janvier, la société civile a du reste organisé un contre-sommet dans la ville de Pô, au sud de Ouagadougou, ancien foyer de la révolution sankariste où sont formés les paracommandos burkinabés. Environ 150 personnes ont pris part à ce « sommet des peuples » destiné à rappeler aux chefs d’États africains et à Paris que le temps de la France coloniale sur le continent est révolu.