Un évènement qui affecte l’Afrique n’est souvent que la répercussion de remous qui agitent le monde.

Autant y a des zones d’ombre qui entourent la présence française au Mali, autant il peut être contreproductif de laisser la junte prolonger son mandat à la tête de ce pays voisin, sous le couvert d’une autre puissance étrangère, qui peut être la Russie.

Cela, d’autant plus que tout se passe dans un contexte où la nouvelle bipolarité autour de l’axe Pékin-Moscou tente d’endiguer la suprématie occidentale et cette postulation chercherait à faire de Bamako un nouveau bastion pour, peut-être, dessiner une nouvelle carte géopolitique en Afrique de l’Ouest, une sorte de Conférence de Berlin bis ?

Mieux, le Mali n’intéresserait Moscou que dans la mesure où il peut être une variable d’ajustement pour, par un jeu de chantage, permettre à Poutine de négocier en position de force en Ukraine.
« En envoyant Wagner au Mali, l’un des objectifs de la Russie, c’est de challenger la France et la communauté internationale sur le terrain africain pour peser dans les négociations en Ukraine, de jouer la carte africaine pour obtenir des concessions, obtenir ce qu’ils veulent en Ukraine », nous apprend Saber Jendoubi, journaliste indépendant, spécialiste de l’Afrique centrale et des milices Wagner, dans un entretien avec Arte mis en ligne le 26 janvier 2022.

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples ». Cette citation de Charles de Gaulle, parlant des conflits moyen-orientaux, est plus qu’une clause de style. Elle est érigée en mode d’appréhension de la réalité géopolitique. Elle invite à la prudence, suivant les visées de cet autre adage dont de Gaulle était friand et qui dicte les alliances au plan international : « Les Etats n’ont pas d’amis, ils défendent des intérêts ».

Ici, on peut prendre « L’Orient », non pas pour le Monde arabe, mais pour son synonyme, « L’est ». A partir du Sénégal, « L’Est ou L’Orient », c’est le Mali. « L’Est », dans le glossaire des relations internationales, renvoie au bloc de l’Est, à des pays comme la Chine et la Russie.

La Chine et la Russie sont des empires qui tentent de reconstituer le paradis perdu de leur passé impérial en passant par l’Afrique et menacent la France dans sa sphère d’influence. Notre position doit-elle être de rouler pour camp, par pur romantisme révolutionnaire ou opportunisme politicien, sans tenir compte de nos intérêts ?

L’Ukraine aussi n’est-elle pas un Etat souverain comme le Mali ? La Russie en devient-elle moins cette nation impériale et impérialiste quand elle tente de dicter une ligne de conduite à Kiev ?

Par Thierno Diop, Journaliste

Source: senego