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RUMEURS, COLPORTAGE, DIFFAMATION, DÉNIGREMENT; que dit l’islam ?

« N’entre pas au paradis parmi les premiers celui qui rapporte les propos pour semer la discorde »

Si le fidèle musulman est tenu sur le plan des obligations d’ordre rituel de satisfaire à un certain nombre de prescriptions comme l’observance de la prière, du jeûne, de l’aumône légale, etc. il doit, également sur le plan moral, respecter un certain nombre de principes normatifs comme le fait de dire la vérité, d’être sincère, d’avoir une bonne intention, de ne pas mentir, de ne pas calomnier, de ne pas diffamer, de ne pas faire de fausse accusation ou d’insinuation gratuite ou donner de fausse information (pour ce qui nous concerne nous journalistes et animateurs), etc.

Ces principes normatifs touchent de près ou de loin tout ce qui se rapporte à la langue (Lisan), aux poids des mots. Puisque la fonction majeure de la langue est d’être l’interprète des autres organes, notamment du cœur qui est le pivot central qui structure la personnalité du fidèle musulman, l’islam accorde une importance particulière à tout ce qui émane d’elle.

De nombreux versets coraniques et de hadiths prophétiques mettent l’accent sur la nécessité d’éviter les innombrables péchés de la langue, les dégâts des mots :

1. Coran

« Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères et craignez Allah, afin qu’on vous fasse miséricorde.

Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que «perversion» lorsqu’on a déjà la foi. (4) Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes.

Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer [sur autrui], car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns les autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allah. Car Allah est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux.

Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. »

SOURATE 49, AL-ḤUJURĀT (LES APPARTEMENTS), versets 10 à 13)

2. Hadiths

Le prophète (PSL) a dit : « Quiconque accuse un croyant d’une chose qui n’est pas vraie, alors Allah le fera demeurer dans la coulée de pus des habitants de l’Enfer, et il ne quittera pas cet état jusqu’à ce qu’il se rétracte de ce qu’il a dit» (Rapporté par Ahmad (5385)).

D’après Ibn Oumar, le messager d’Allah (PSL) a dit : Celui qui profère des propos diffamatoires contre un croyant, Allah le plongera dans la sanie qui coule des gens de l’enfer. (Abou Dawud (3595))

Le Cheick Al Islam Ibn Taymiyya a dit : Mentir sur une personne est illicite (harâm), que cette personne soit musulmane, mécréante, pieuse ou perverse. Il a dit aussi : «l’homme reste prisonnier de la parole qu’il prononce « (kitâb el Jihâd, chapitre sur le mensonge)

On comprend pourquoi, nos prêcheurs invitent les fidèles, pour remédier aux dégâts des mots, à se consacrer au Zikr (mention et remémoration d’Allah et de Son Serviteur et Prophète) à la lecture du Coran et toute forme d’adoration d’Allah en général. El Hadji Sambi s’est-il reconverti dans le prêche ?

Ramadan oblige, il saisit simplement l’opportunité de se rapprocher davantage du Seigneur et de partager avec ses frères, les pertinences et les perfections émanant du Coran, des Hadiths et de l’enseignement de ceux qui savent.

CAS PRATIQUE : ACCUSATION CONTRE L’ÉGLISE

Justement, en cette période de ramadan, quelle doit être notre attitude, notamment quant à l’information qu’on donne ou celle qu’on reçoit ?

Une d’elle que beaucoup d’entre nous a reçue avant-hier a provoqué beaucoup émois, d’exaspération et d’indignation dans la communauté des croyants de notre pays, particulièrement chez les nos frères chrétiens (à travers le Conseil épiscopal du Mali) auxquels nous exprimons toute notre solidarité. Il a été dit (écrit) sans aucun discernement sur plusieurs sites internet (repris par plusieurs confrères) que nos prélats seraient engagés dans une opération de blanchiment portant sur plusieurs milliards de nos francs dans des labyrinthes suisses au détriment de l’Église du Mali.

Au moment où notre pays s’honore de la nomination de son premier Cardinal en la personne du très vénérable Jean Zerbo, la fake-news soulève interrogation et suscite une désapprobation unanime. Si l’information, la liberté d’expression et d’opinion sont un droit constitutionnel, qu’en est-il au plan de la morale sociale, de l’éthique religieuse ?

Abou Said Al Khoudri rapporte qu’il a entendu le Messager d’Allâh (PSL) dire : « Que celui d’entre vous qui voit une chose répréhensible la corrige de sa main ! S’il ne le peut pas de sa main, qu’il la corrige avec sa langue ! S’il ne le peut avec sa langue que ce soit avec son cœur et c’est là le degré le plus faible de la foi. » (Rapporté par l’Imam Mouslim ; n° 49)

S’agit-il là de la préconisation de ce que d’aucuns appellent « la dénonciation légitime » qui n’a rien à voir avec la délation ou la diffamation ? Y a-t-il une obligation d’agir, de dénoncer ? Étant entendu que si l’on ne réagit pas de peur de diffamation, d’autres personnes pourraient faire les frais de notre silence, et nous endosserions la responsabilité d’actes commis sur d’autres victimes à cause de notre inertie, ou de notre peur.

Selon l’Imam An-Nawawî (le plus grand spécialiste du Tafsir des Hadiths prophétiques), ce Hadith n’impose qu’une obligation personnelle pure celui qui se trouve dans un endroit où il est le seul à connaître le mal ou à être capable de l’éradiquer. C’est le cas de celui qui voit son épouse, son enfant ou son domestique en train de faire du mal ou de négliger le bien.

L’Islam permet-il de tout dire (infos et rumeurs, colportages et dénigrements, calomnies et diffamations…), sur tout le monde, de toutes les façons ? Comme c’est le cas malheureusement dans les réseaux sociaux de notre pays où la rumeur, le dénigrement, l’invective et l’insulte sont la règle ?

RUMEURS : FACEBOOK OU FACE-BOUCAN ?

Toutes les rumeurs qui sont propagées ne sont pas forcément vraies. Il est donc obligatoire de s’assurer de l’authenticité de l’information.

Cheikh Al Islam Ibn Taymiyya a dit : « L’information du pervers est écoutée et est vérifiée. On ne tranche pas ni de sa sincérité ni de son mensonge qu’avec une preuve comme Allah a dit dans le Coran : « Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair (de crainte) que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait » (Sourate les appartements verset 6)

Cheikh Al Islam Ibn Taymiyya a dit également : « Et Il (Allah) a également motivé cela par la peur du regret ; et le regret n’est que pour le châtiment de l’innocent comme dans le Hadith rapporté dans sa Sounna : « éloignez les ambiguïtés des peines légales, car que l’imam se trompe en pardonnant est meilleur qu’il se trompe en châtiant ». Donc, si le choix doit être fait entre se tromper en châtiant un innocent et se tromper en pardonnant à un pécheur, cette dernière est la meilleure des deux erreurs… » (Recueil de fatawas d’ibn Taymiyya tome 15, page 308).

Al Hafidh Ibn Kathir a dit : « Allah a ordonné de vérifier l’information du pervers pour être prudent envers lui pour que l’on ne juge pas avec sa parole et qu’il soit – sur le même point – menteur ou en erreur » (Exégèse d’ibnou Kathir tome 4, page 245).

L’éminent savant A-Sadi a dit :« Ceci fait partie des bienséances dont les gens doués de raison doivent se doter et appliquer ; et c’est le fait de vérifier l’information qui leur est rapportée par un pervers et de ne pas l’accepter comme elle est, car il y a en cela un grand danger et le fait de tomber dans le péché… et il y a en cela aussi la preuve sur le fait que l’information rapportée par le véridique est acceptée et l’information rapportée par le menteur est rejetée et que l’information du pervers est laissée en suspend » (Exégèse de A-Sadi page 800).

Il n’est un secret pour personne que dans les périodes troubles que vit notre pays, la propagande s’active, les passions se ravivent ; et avec elles fleurit une saison de rumeurs pernicieuses. Sur la toile, notamment les réseaux sociaux, surtout et sur tout le monde.

S’il est de l’office du vieux journaliste d’inviter à vérifier et recouper l’information avant de la diffuser, il est de prescription divine de s’assurer de la véracité des informations que l’on reçoit. Dieu, du haut de Son Trône, nous a ordonné : « Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, vérifiez-la – ou assurez-vous-en d’après un autre lectionnaire – de crainte que, par inadvertance, vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait » ( Sourate 49 intitulée Les Appartements, Al-Hujurât, verset 6).

Allah a fortement mis en garde ses serviteurs de diffuser autour d’eux tout ce qu’ils entendent et Son Messager (PSL) a dit : « l’individu ment déjà suffisamment s’il rapporte tout ce qu’il entend ».

D’après Abou Hourayrah, le Prophète (PSL) a dit : « L’individu pèche déjà suffisamment s’il rapporte tout ce qu’il entend ». Pour la compréhension du hadith, l’Imam An-Nawawî estime que « l’individu entend généralement des propos vrais et d’autres mensongers. S’il rapporte tout ce qu’il entend, il aura menti, puisqu’il aura dit des choses non avérées. Le mensonge consiste en effet à dire ce qui n’est pas, même si c’est de manière involontaire. »

Le Prophète (PSL) a dit : « Dieu vous a rendu illicite l’ingratitude envers vos mères, l’enterrement de vos filles (vivantes), l’avarice et l’avidité ; et il vous a rendu détestable la colportation des rumeurs, les questions incessantes et le gaspillage de l’argent » (Boukari). Pour le commentaire, le Hâfidh Ibn Hajar explique que « pour ce qui est de la phrase « et il vous a rendu détestable le colportage des rumeurs », At-Tabarî a dégagé trois cas de figure pour une meilleure compréhension :

1. Il indique qu’il est détestable de trop parler, de crainte que les paroles soient sujettes à interprétation.

2. Il s’adresse aux personnes qui diffusent et cherchent à connaître les informations qui se répandent parmi les gens. L’interdiction énoncée dans le hadith vise à prévenir tout abus dans ce comportement, ou à empêcher que soient véhiculées au sujet d’une personne des informations que cette dernière n’aimerait pas voir se répandre.

3. Il s’adresse aux personnes qui discutent des divergences religieuses : un tel a dit, et tel autre a dit. Le caractère détestable de cette attitude apparaît en cas d’abus, car une personne peut d’autant plus se tromper qu’elle parle de manière abusive de ces sujets. Le hadith concerne tout particulièrement les individus qui rapportent ces informations sans s’être assurés au préalable de leur authenticité, et qui se contentent de répéter naïvement ce qu’ils ont entendu. Comme cela est corroboré par le hadith authentique rapporté par Muslim : « L’individu pèche déjà suffisamment s’il rapporte tout ce qu’il entend ». »

D’après Abû Qulâbah, Abou Masoud dit à Abou Abd Allâh : « Que pensait le Messager de Dieu (PSL) des « on dit que » ? » L’autre répondit : « J’ai entendu le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – dire : « « On dit que » est une bien mauvaise monture pour l’homme » ». Et pour cause : « la plus mauvaise habitude que peut prendre un homme est qu’il fasse de l’expression « on dit que » un moyen pour atteindre ses objectifs. Il répète ainsi ce qu’il entend sans s’assurer des informations qu’il rapporte. S’il se trompe dans une de ses allégations, il ne sera plus crédible, puisqu’il aura menti ».

C’est pourquoi notre Prophète (PSL) et ses nobles compagnons se sont toujours efforcés de s’assurer des informations qui leur parvenaient, tout en évitant de colporter des rumeurs. Par exemple Oumar donnait le conseil suivant : « prenez garde aux troubles. Car l’effet de la langue y est similaire à celui de l’épée ».

L’Histoire de l’Islam enseigne le danger que constitue la rumeur si elle se répand au sein de la Communauté. Pour preuves :

1. Lorsque les Compagnons ont émigré de La Mecque vers l’Abyssinie (Éthiopie), et qu’ils y étaient en sécurité, une rumeur se répandit parmi eux, prétendant que les païens Koureichy de La Mecque avaient embrassé l’Islam. Certains Compagnons quittèrent alors l’Abyssinie (Éthiopie) et retournèrent à La Mecque après un douloureux périple. Une fois arrivés, ils constatèrent à leur grand dam que la nouvelle était fausse, et ils furent torturés par les Koureichy.

2. Pendant la bataille de Uhud, lorsque Moussa Ibn fut tué, on propagea la rumeur qu’il s’agissait du Messager lui-même. Au cri de « le Messager de Dieu a été tué », les rangs de l’armée musulmane se desserrèrent, les uns fuyant vers Médine et les autres abandonnant le combat.

3. Il y a également la rumeur de l’histoire de la calomnie, au cours de laquelle la pure et innocente Mère Aïcha fut accusée d’avoir commis la turpitude. Cette rumeur constitua une rude épreuve pour le Messager de Dieu (PSL) et pour les Musulmans.

DOUBLE VÉRIFICATION DE L’INFO

Alors, quelle méthodologie faut-il alors adopter dans le traitement de l’information ? Les critères professionnels ne sont pas antinomiques avec les prescriptions religieuses. L’Islam préconise de :

1. Rester calme et patient. En effet, le Prophète (PSL) enseigne que « la patience vient de Dieu et la précipitation vient du diable ».

2. S’assurer de l’authenticité de l’information : Dieu dans le Coran dit : « Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, vérifiez-la – ou assurez-vous-en d’après un autre lectionnaire – de crainte que, par inadvertance, vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait » (Sourate 49 intitulée Les Appartements, Al-Hujurât, verset 6).

Arrêtons-nous un peu sur ce verset pour évoquer sa révélation. Le Prophète (PSL) envoya un de ses compagnons (Al-Walid Ibn Ouqbah Ibn Abi Muayt) chez la tribu des Banou Al-Mustaliq pour prélever les aumônes légales. Ces derniers furent heureux d’apprendre cette nouvelle. Ils décidèrent alors de sortir pour accueillir le Messager de Dieu (PSL). Lorsqu’on informa Al-Walid que la tribu était sortie à sa rencontre, il retourna chez le Messager de Dieu (PSL) et lui tint ce propos : « Ô Messager de Dieu, les Banû Al-Mustaliq refusent de payer l’aumône ».

Le Messager de Dieu – paix et bénédiction sur lui – se mit très en colère. Pendant qu’il réfléchissait s’il devait aller les combattre, la délégation de la tribu arriva et lui dit : « Ô Messager de Dieu, nous avons appris que ton émissaire était revenu ici après être arrivé à mi-chemin. Nous avons craint qu’il ait reçu une lettre de ta part lui demandant de s’en retourner, alors que tu serais fâché contre nous. Nous demandons à Dieu de nous préserver de sa Colère et de la colère du Messager de Dieu ».

Le Messager de Dieu, peu convaincu par cette explication, les réprimanda et voulut les punir. C’est alors que Dieu révéla la probité de leur excuse dans le Coran à travers le verset.

S’assurer donc de l’authenticité d’une information consiste à fournir tout l’effort possible pour connaître la véracité de cette information : est-elle vraie ou fausse ? Vérifier l’information consiste par ailleurs à acquérir la certitude de sa véracité et de ses circonstances. C’est pourquoi i dit : “Le croyant ne se prononce pas avant d’avoir vérifié”.

LE DÉGÂT DES MOTS

Avec la chienlit innommable sur nos réseaux sociaux (avec une singulière palme pour Facebook), chacun convient que les dégâts causés par la langue (les mots, la parole) sont énormes, et rien ne peut être plus salutaire que sa retenue.

Le Prophète (PSL) a dit : « La foi d’un serviteur n’acquière la droiture que si son cœur est droit et le cœur ne peut acquérir la droiture que si la langue est droite… » (Rapporté par Ibn Abi Ad-Dunia dans son livre – Assamte (Le silence))

Mouadh Ibn Jabal demanda au Prophète (PSL) :« Ô Envoyé de Dieu serons-nous jugés pour nos paroles ? Et le Prophète lui répondit : « ô Ibn Jabal ! C’est la moisson de la langue qui le plus souvent jette les gens dans l’Enfer » (Rapporté par Tirmidhi dans le livre de La Foi).

Et d’après Sahl Ibn Saadine As-Saïdi le Prophète (PSL) a dit : « Celui qui me garantit ce qu’il a entre ses mâchoires et ce qu’il a entre ses jambes je lui garantis le paradis ». Ce qui peut être interprété de cette façon : « Celui qui me garantit (le bon usage) de ce qu’il a entre ses mâchoires (la langue) et de ce qu’il a entre ses jambes (le sexe), je lui garantis le paradis ».

Et d’après Abu Hourayra le Prophète (PSL) a dit : « Celui qui croit en Dieu et au jour du jugement, qu’il dise du bien ou qu’il garde le silence » (rapporté par Bukhari et Muslim).

On a dit à Nabilaye Issa (Jésus) : « montre-nous une œuvre qui nous fait entrer au paradis ? » Il leur répondit : « ne parlez jamais », on lui a dit : « On ne peut pas se retenir de parler ». II leur a dit : « alors, ne parlez que pour dire du Bien ». Nabilaye Souleymane (Salomon) fils de Daouda (David) a dit : « Si la parole est en Argent, le silence est en Or ».

Dans les traditions des compagnons du Prophète, on rapporte qu’Abou Bakr mettait une petite pierre dans sa bouche, pour s’empêcher de parler, et il disait en faisant allusion à sa langue : « C’est elle qui me fait engager dans les sentiers dangereux ».

Abdallah Ibn Massoud a dit : « Par Dieu, qui, il n’y a d’autre divinité que Lui, nul organe n’a besoin d’être emprisonné plus que la langue qui est déjà enfermée derrière deux obstacles ; les lèvres et les dents ! ».

Taouss a dit : « Ma langue est un lion, si je le libère, il me dévorera ».

Pourquoi ces préconisations en faveur du mutisme ?

Dans leur grande sagesse, tous ces prophètes et dignes serviteurs d’Allah ont voulu nous prémunir contre les pêchés de langue comme le mensonge, la médisance, la calomnie, la diffamation, l’ostentation, l’hypocrisie, la perversion, la vilenie, la vanterie, les vaines discussions, les disputes…

Arrêtons-nous sur quelques-uns de ces maux.

LES PÉCHÉS DE LA LANGUE

Allah : « Pas une parole qu’il prononce sans que soit auprès de lui Raqib et Âtid » (sourate Qaf/8).

Dans ce verset, il y a une preuve que tout ce que l’homme prononce en bien ou en mal est noté par deux anges, l’un nommé Raqib et l’autre Atid. Il convient que l’homme raisonnable garde sa langue de tout ce qui est mauvais. Parmi les mauvaises choses, il y a la médisance, la calomnie et rapporter les paroles des uns aux autres pour semer la discorde. Elles font partie des péchés de la langue et constituent des comportements blâmables.

Il a été rapporté qu’un des compagnons s’est adressé à sa langue et lui a dit : « Ô langue, dis du bien et tu gagneras et abstiens-toi de dire du mal et tu seras sauvée avant de le regretter ; j’ai entendu le Messager de Allah dire : « La plupart des péchés du fils de ‘Adam provient de sa langue » (rapporté par At-Tabaraniyy).

1 – LA MÉDISANCE (GHIBAH) : c’est le fait de mentionner le musulman en son absence en citant ce qui lui déplaît des choses qui sont en lui. Ainsi, si quelqu’un dit d’un musulman de petite taille en son absence : « Untel est petit », alors que cette personne n’aime pas que l’on dise cela d’elle, cela fait partie de la médisance interdite que le Messager de Allah nous a défendu de faire.

Allah dit : « Ne faites pas de médisance les uns envers les autres » (sourate Al-Houjourat/12).

La médisance est un très grand péché. Dans la sourate Hujrat, verset 12, Allah dit : «Ô vous qui croyez, éviter les soupçons trop fréquents , il

y a des soupçons qui sont des crimes ; ne cherchez point à épier les uns des autres , ne médisez point les uns des autres. Qui de vous voudrez manger la chair de son frère mort ?» (49 : 12).

Imam Raza a dit : «Une personne ne fait pas preuve de médisance si elle parle d’une (autre) personne absente en lui lançant une accusation qui est véridique et dont tout le monde est au courant. Par contre, si l’accusation est vraie, mais que les gens ne le savent pas, il s’agit ici

de médisance. Si l’accusation est fausse, c’est de la calomnie».

Notre prophète (PSL) a dit : «La médisance est pire que l’adultère.»

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il répondit : «Allah pardonne une personne ayant commis l’adultère, mais Allah ne pardonne jamais un médisant jusqu’à ce que et à condition que la victime de son acte malveillant lui pardonne.»

2 – LA CALOMNIE (al-bouhtan) : c’est mentionner le musulman par ce qui lui déplaît et qui n’est pas en lui. Le crime de ce péché est plus grave que celui de la médisance.

La calomnie qui est le fait de rapporter malicieusement des paroles à propos d’une personne, souvent dans l’intention de créer un malentendu et l’hostilité entre deux vieux amis ou deux familles. C’est le plus haut degré de la mesquinerie que d’essayer d’allumer le feu de l’inimitié et de la rancune entre deux personnes, et de les inciter à être à couteaux tirés.

Le Coran nous encourage à ne pas écouter ces colporteurs de mal qui font courir la calomnie : « Et n’obéis à aucun grand jureur, méprisable, grand diffamateur, grand colporteur de médisance, grand empêcheur du bien, transgresseur, grand pécheur » (Sourate 68. La plume (Al-Qalam), versets 10,11 et 12)

Le Messager de Allah (PSL) en s’adressant à certains compagnons a dit : « Savez-vous ce qu’est la médisance ? » Ils dirent : « Allah et Son Messager savent plus ». Il dit alors : « C’est mentionner ton frère par ce qui lui déplaît ». Ils dirent : « Et si cela est vraiment en lui ? » Il dit : ce qui signifie : « Si ce que tu dis est en lui, tu as commis la médisance à son propos et si cela n’est pas en lui, tu l’as certes calomnié ».

Celui qui écoute la médisance interdite est tombé dans un des péchés de l’oreille et c’est son devoir de l’empêcher. (Rapporté par Mouslim)

La plus grande sorcellerie est le cafardage qui éloigne les amis les uns des autres et sème l’inimitié entre eux. Il provoque l’effusion de sang et ruine les familles. Cette action débouche sur la divulgation des secrets et la mise à nu des gens. Le calomniateur est le pire homme de la Terre.Parce que «le pire d’entre vous est celui qui calomnie et qui sème, discorde entre les amis. Il trouve à redire même contre les innocents».

Un Musulman décent ne tolère jamais la calomnie.

3 – LE COLPORTAGE (an-namimah). Rapporter la parole des uns aux autres pour semer la discorde (an-namimah) : c’est colporter les propos des gens les uns aux autres dans le but de semer la discorde entre eux, comme par exemple colporter des paroles afin de séparer deux personnes qui s’aiment pour corrompre leur relation, entraî¬ner la rupture ou l’animosité entre eux.

Allah dit : « … grand diffamateur, qui va en colportant pour semer la discorde » (sourat Al-Qalam/1). Le Messager de Allah a dit : « N’entre pas au paradis parmi les premiers celui qui rapporte les propos pour semer la discorde » (rapporté par Al-Boukhariyy). Celui qui rapporte les propos pour semer la discorde est celui qui commet an-

namimah. Ce hadith signifie qu’il n’entre pas parmi les premiers au paradis, mais seulement après avoir reçu le châtiment qu’il mérite dans le feu de l’enfer.

4 – LA DIFFAMATION (BUHTAN) : La calomnie est l’une des pires immoralités que l’Islam méprise et condamne. Elle est pire que le Ghibah (la médisance) car c’est une fausse accusation.

La calomnie est le fait de répéter avec malveillance quelque chose que l’on a entendu à propos de quelqu’un souvent dans le but de créer un malentendu (une mésentente) entre deux vieux amis , deux familles ou dans la société en général.

Le Coran dit dans la sourate Al-Qalam (versets 10-11) : «Mais toi, n’écoute pas celui qui jure à tout moment et qui est méprisable. N’écoute point le calomniateur qui va médisant des autres.»

Imam Al Sadiq a dit : «Un calomniateur est le pire homme sur la terre». «Les médisants et les calomniateurs seront privés du paradis».

Un musulman décent ne se permettra jamais la diffamation. Il refusera même d’écouter les histoires d’un calomniateur.

5 – LE DÉNIGREMENT

Le Prophète (PSL) dit : «le croyant n’est pas une personne prompte à dénigrer les autres, à les maudire, à proférer des propos obscènes ou indécents. » (rapporté par at-Tirmidhi)

Le dénigrement des gens relève, en principe, des mauvaises mœurs et habitudes. Qu’on l’exprime verbalement ou en entretienne le sentiment. C’est une tare qui affecte le langage ou le cœur et y laisse une marque qui se traduit par la haine, la détestation, le mépris pour les gens et l’irrespect à l’égard de leurs conditions de vie.

Ce sentiment détourne l’âme des nobles dessins pour lesquels elle a été créée, notamment l’animation de l’univers grâce à l’accomplissement de bonnes œuvres et à la promotion des vertus. En effet, le cœur dominé par la haine envers les gens qui s’exprime à travers des injures, calomnies, diffamations, mensonges, ce cœur-là est loin d’être purifié et de baigner dans la tranquillité que procure la proximité d’Allah Très-haut. Qui sont proches d’Allah ? Il s’agit « Certes ceux qui croient, font de bonnes œuvres et s’humilient devant leur Seigneur, voilà les gens du Paradis où ils demeureront éternellement. » (Coran, 11:23).

L’imam al-Ghazali ditdans un chapitre qu’il a consacré à l’interdiction de la médisance : « De même qu’il vous est interdit d’évoquer avec un autre les défauts d’une tierce personne, de même il ne vous est pas permis de penser du mal de votre frère (dans la foi). Chaque fois qu’une mauvaise pensée vous traverse l’esprit à propos d’un musulman, vous devez prendre soin de lui davantage et prier pour lui. Ce serait une manière de contrarier Satan et de le chasser loin de vous de sorte qu’il ne recommence à vous inspirer de mauvaises pensées.

En effet, il aurait peur que vous vous mettiez de nouveau à invoquer Allah et à prendre soin de votre frère (victime de médisance). Quand vous découvrez un faux pas chez un musulman, donnez-lui des conseils dans la discrétion. Ne vous laissez pas tromper par Satan qui pourrait vous inciter à le médire. » (Ihyaa ouloumiddine (3/150)).

6 – LE MENSONGE : Le mensonge est un vice honteux et un grand péché qui mène à la corruption personnelle et sociale.

C’est l’origine (la racine) de beaucoup de mauvaises choses comme la calomnie, la supercherie, l’escroquerie, l’hypocrisie et bien d’autres.

Un menteur perd la confiance des gens. Un menteur ne peut pas cacher son mensonge pour toujours et lorsqu’un jour la vérité éclate, le menteur est découvert et sa crédibilité est ruinée.

Imam Ali a dit : «Un musulman devrait s’abstenir d’avoir des relations amicales et fraternelles avec un menteur, car celui-ci ne cessera de mentir que lorsque plus personne ne le croira même quand il dira la vérité».

Le prophète de l’islam (PSL) a dit : «Personne ne peut avoir une vraie foi s’il n’a pas un cœur net et personne ne peut avoir un cœur net que tant qu’il ne dit pas toujours la vérité».

Le mensonge est la meilleure arme défensive des gens faibles et le moyen le plus rapide d’éviter le danger. Le mensonge est dans la plupart des cas une réaction face à la faiblesse et l’échec.

Si vous demandez à un enfant «as-tu touché ce bonbon ?» ou «as-tu cassé ce vase ?», si l’enfant se rend compte qu’en admettant son erreur il risque d’être puni, son instinct lui dit de nier sa faute.

Imam Ali expliqua clairement les avantages de la sincérité dans Usul Kafi (vol. 1 p. 460) : «Le sincère acquiert (obtient) trois choses des autres : la confiance, l’amour et le respect.

Ne soyez pas trompés par leurs prières et leurs jeûnes, car un homme peut s’habituer à tel point aux prières et aux jeûnes que s’il les abandonne il serait perdu (seul). Testez-les plutôt par leur habitude de dire la vérité et de respecter leurs promesses».

QUE RETENIR ?

Dans le souci de protéger l’honneur des individus, l’Islam a interdit la diffamation. Par exemple, quiconque accuse un homme ou une femme de débauche et n’arrive pas à le prouver est passible de la peine de diffamation qui consiste à lui administrer quatre-vingts coups de fouet, car Allah-Pureté à lui-dit : « Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire par la suite quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont les pervers » (Sourate 24, verset 4).

Dans le même ordre d’idée, l’Islam a interdit toute parole ou tout acte qui porte atteinte à la dignité et à la réputation de l’Homme, blesse ses sentiments et offense son amour-propre, Allah -Pureté à lui-dit : « Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que «perversion» lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là sont les injustes. Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer [sur autrui] car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) Vous en aurez horreur. Et craignez Allah. Car Allah est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux. »(Sourate 49, versets 11 – 12)

Le Messager d’Allah (PSL) a fait un sermon le Jour du sacrifice, où il a déclaré :

« Ôgens ! Quel jour sommes-nous ?

– Un jour sacré, ont-ils répondu.

– Sur quelle terre sommes-nous ?

– Sur une terre sacrée.

– Quel mois sommes-nous ?

– Un mois sacré.

– Votre sang, vos biens et votre honneur sont sacrés comme sont sacrés votre jour-ci, votre terre-là, et votre mois-ci.

Après l’avoir répété trois fois, il a levé ses yeux au ciel pour s’exclamer : « Ô Allah ! Ai-je transmis ? Ô Allah ! Ai-je transmis ? »

« Que la personne présente transmette à celle absente !Poursuivit le Prophète (). Surtout, ne devenez pas mécréants après moi en brandissant vos épées les uns contre les autres. » Rapporté par al Bukhârî.

Ce sermon illustre et ces justes paroles démontrent comment la vie du musulman, ses biens, et son honneur sont précieux et défendus. Il n’est pas permis de les violer, de quel que façon qu’il soit. Pour affiner la compréhension, le Cheikh de l’Islam ibn Taymiyya explique :

« En principe, le sang des musulmans ainsi que leurs biens et leur honneur sont mutuellement sacrés (défendus). Ils ne peuvent être profanés sans la permission d’Allah et de Son Messager. Le Prophète (PSL) a déclaré au cours du Pèlerinage de l’Adieu : « Votre sang, vos biens, et votre honneur vous sont sacrés comme sont sacrés ce jour-ci, sur votre terre-là, et au cours de ce mois-ci. » Il (PSL) a déclaré également : «Tout ce qui concerne le musulman est sacré (interdit) pour le musulman : son sang, ses biens, et son honneur. » (Rapporté par Mouslim (2564)) Il a dit également : « Quiconque accomplit notre prière, s’oriente vers notre direction, et mange notre viande, est musulman. Il est sous la protection d’Allah et de Son Messager. » Dans cet ordre, il a dit : « Si deux musulmans se rencontrent, l’épée à la main, le tueur et la victime sont passibles de l’Enfer.

– Cher Messager d’Allah ! Lui a-t-on demandé, pour le tueur c’est compréhensible, mais quel mal a fait la victime ?

– Il cherchait à tuer son adversaire, a-t-il expliqué.»

Il (PSL) a dit également : « Ne devenez pas mécréants après moi en brandissant vos épées les uns contre les autres. » Il a dit aussi : « Quiconque dit à son frère : mécréant, verra cette sentence s’appliquer à l’un des deux. » (Rapporté par el Boukhari (6104) et Mouslim (60))

Pour conclure, rappelons la réponse du Calife Oumar à un homme qui lui avait envoyé une lui priant de l’informer sur la science : « La science est immense, mais si tu peux rencontrer Allah le dos allégé du sang des gens, le ventre vide d’avoir consommé leurs biens, la langue exempte d’avoir atteint leur honneur, tout en étant fidèle à leur unité, alors fais-le. »

Puisse Allah, Lui qui sait, nous pardonner notre inculture.

Source: info-matin.

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