Le Mali franchit un nouveau cap dans le processus de transition politique. Le jeudi 3 juillet 2025, une nouvelle Charte de la Transition a été officiellement adoptée, marquant une rupture nette avec celle en vigueur depuis 2022. Parmi les changements les plus notables figure la recomposition du Conseil national de Transition (CNT), organe législatif de cette période transitoire.
Une recomposition silencieuse mais stratégique
Bamada.net-Dans la précédente charte de 2022, l’article 13 spécifiait clairement la présence de 147 membres au sein du CNT, dont une large représentativité d’acteurs politiques et sociaux : les partis politiques, le M5-RFP (Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques), les mouvements signataires de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger, ainsi que les mouvements dits de l’inclusivité. Cette architecture était perçue comme un compromis entre les différentes forces ayant façonné la transition après la chute du régime précédent.
La nouvelle Charte, en revanche, fait table rase de ces références explicites. Sans mentionner directement les partis ou mouvements politiques, le texte redéfinit les composantes du CNT en termes plus institutionnels et sociaux : Forces Armées et de Sécurité, forces vives de la Nation, organisations de la société civile, syndicats, ordres professionnels, diaspora, femmes, jeunes, personnes vivant avec un handicap, confessions religieuses, autorités traditionnelles, chambres consulaires, presse, arts et culture.
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Autre innovation majeure : l’introduction des « personnalités ayant honoré le service de la Nation », une catégorie aux contours encore flous, mais qui pourrait permettre d’élargir la composition du CNT à des figures emblématiques ou technocrates.
Une ouverture vers la compétition électorale
Au-delà de la recomposition institutionnelle, la nouvelle Charte introduit un changement de taille sur le plan politique : les membres du CNT sont désormais éligibles à l’élection présidentielle et aux élections générales de sortie de transition. Cette disposition brise un tabou précédemment en vigueur et suscite déjà des réactions diverses au sein de la classe politique malienne.
D’aucuns y voient une volonté d’encourager la participation des élites transitionnelles dans la future configuration politique du pays. D’autres, plus sceptiques, redoutent une tentative de pérennisation du pouvoir par des figures de la Transition, au mépris des engagements antérieurs.
Un recentrage qui interroge
L’exclusion explicite d’acteurs tels que le M5-RFP, les partis politiques ou les groupes signataires de l’Accord d’Alger soulève de nombreuses interrogations. Certains observateurs parlent d’un recentrage du CNT sur des corps jugés plus représentatifs ou plus consensuels, dans un souci d’efficacité. D’autres y voient une marginalisation progressive des mouvements contestataires qui ont pourtant contribué à amorcer le changement institutionnel en 2020.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte de recomposition profonde du paysage politique et institutionnel du Mali, marqué par une volonté affichée des autorités de transition de « refonder » l’État sur des bases nouvelles, quitte à opérer des ruptures parfois jugées brutales.
Une Transition toujours scrutée
Alors que le chronogramme des prochaines élections générales reste attendu, la nouvelle Charte de la Transition pourrait redessiner les contours du pouvoir au Mali pour les années à venir. Bamada.net continuera à suivre de près l’évolution de ce processus, avec un regard critique sur les implications politiques, sociales et institutionnelles de cette nouvelle orientation.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net