Depuis quelques mois, le paysage politique enregistre une prolifération de partis politiques. Quand on sait qu’avant cela le pays comptait plus de cent-vingt partis politiques dont rien ne justifie la création sinon le besoin d’affirmation de soi de certains acteurs politiques enfermés dans un ego dominateur, la question à poser est de savoir pourquoi autant de partis en ces temps qui courent. La première réponse qui vient à l’esprit est sans aucun doute la proximité de l’élection présidentielle prévue pour le 28 juillet prochain. Mais avec près de cent-cinquante formations, il est inimaginable d’avoir cent-cinquante candidats à la présidentielle avec cent-cinquante projets de société différents. Surtout que beaucoup de ceux qui viennent de créer ces partis politiques de même que ceux qui existaient au préalable affirment qu’ils ne sont pas prêts pour briguer la magistrature suprême quand bien même la vocation d’un parti politique est avant tout la conquête et la gestion du pouvoir.
Alors à quoi doit-on cette boulimie effrénée de se sentir à la tête d’une formation ? Là encore, la question qui vient à l’esprit est tout naturellement l’élection présidentielle. Mais non pas pour soi-même mais pour prétendre jouer au faiseur de roi. En fait, ces « promoteurs » de parti comptent mettre leur « entreprise » à la disposition des « grands » candidats supposés être suffisamment fortunés pour les acheter. Il y a quelques années, la mode était plutôt à la création d’associations et de clubs de soutien à tel ou tel candidat à la présidentielle. Apparemment, ce créneau s’est montré très peu porteur, les candidats ayant compris qu’ils étaient choisis non pas en fonction de leur projet de société, pour ceux qui en disposent, mais de la consistance de leur fonds de campagne. La prostitution politique a donc changé de visage pour épouser celui de la création de parti politique. Ce qui fait que depuis quelques temps, les médias sont invités à couvrir des plateformes, alliances, adhésions, etc.
Mais tous ces jeux pourraient-ils changer la donne ? Rien n’est moins sûr. En règle générale, ces nouveaux partis politiques, et bien d’autres qui existent bien auparavant, ne sont même pas capables d’emplir une cabine téléphonique, selon la formule d’un acteur politique. Leurs militants se limitent aux seuls membres de leur bureau national, encore que pour beaucoup, tous les postes de ce bureau national ne sont pas pourvus. Alors que peuvent-ils apporter à un candidat à la présidentielle à part un mirage ? Rien.
L’autre tendance, c’est la présentation de candidature indépendante. Certains acteurs politiques sont en train de passer outre les consignes de leur état-major, consignes selon lesquelles leur parti ne compte pas présenter de candidat à la présidentielle du 28 juillet. Mais chacun sait qu’ici au Mali, les consignes, de vote comme de ralliement, sont rarement suivies par les militants et cadres des partis politiques, lesquels n’en font qu’à leur tête. En 2002, des cadres de l’Adema ont boudé leur propre candidat officiel, Soumaïla Cissé, pour jeter leur dévolu sur un candidat indépendant de toute formation politique, en l’occurrence Amadou Toumani Touré, vainqueur de ce scrutin. Vaincu et trahi, S. Cissé va créer sa propre formation. Un de ces cadres qui ont boycotté les mots d’ordre de l’état-major de la Ruche, c’est Soumeylou Boubèye Maïga. Cinq ans plus tard, il va récidiver et se présenter à la présidentielle contrairement à la consigne du parti de suivre ATT, en 2007. Cinq ans encore plus tard, il va tout simplement claquer la porte de son parti, dont il est membre fondateur et vice-président, pour créer sa propre famille politique. Qui, même si elle ne présentera pas de candidat à la prochaine présidentielle, c’est sûr, ne votera certainement pas pour Dramane Dembélé, candidat officiel du Pasj.
Même cas pour Oumar Ibrahima Touré, précédemment vice-président de l’Urd, qui, depuis quelques mois, a décidé de ses propres ailes, tournant le dos au candidat de son ex-parti, Soumaïla Cissé investi en grandes pompes.
Au niveau du Pdes du président déchu et exilé à Dakar, c’est la bouillante députée Aïssata Cissé Haïdara dite Chato qui a décidé de se passer de la tutelle de son parti, et de présenter, malgré tout, une candidature indépendante à la prochaine présidentielle.
Chacun de ces candidats, pris individuellement, est convaincu d’avoir le soutien de la majorité des électeurs. Et ils le sont d’autant plus que les marchands d’illusions, ces associations, clubs et partis de soutien, sont de plus en plus actifs.
Cheick TANDINA