Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de quitter la Cédéao, marquant une rupture historique avec l’organisation sous-régionale. Ce départ effectif, prévu pour janvier 2025, soulève des enjeux de souveraineté et des défis géopolitiques majeurs pour ces trois nations du Sahel.
Le 28 janvier 2024, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur départ de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), une décision historique qui, en plus de marquer un tournant politique, vient secouer une organisation sous-régionale déjà fragilisée. Ces trois pays, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont pris cette décision en accusant la Cédéao d’être un instrument au service de puissances étrangères, visant à les déstabiliser. Mais si cette décision sonne comme un cri d’émancipation, la réalité pourrait bien s’avérer plus complexe, car dans les faits, le retrait de la Cédéao ne sera pas effectif avant janvier 2025. Une année cruciale, marquée par de multiples défis.
Une volonté de rupture
Commençons par le contexte de cette rupture : depuis quelques années, la relation entre la Cédéao et ces trois pays était devenue tumultueuse. Des sanctions économiques contre le Mali, des menaces d’intervention militaire au Niger pour déloger le président Abdrahamane Tiani et rétablir Mohamed Bazoum, et des critiques constantes sur la gestion de la transition au Burkina Faso avaient largement contribué à ternir les relations. Il était devenu clair que le divorce était inévitable. Mais attention, se séparer d’une organisation aussi influente ne se fait pas sans conséquence.
Sur le papier, l’idée de quitter la Cédéao est séduisante pour ces États qui cherchent à retrouver leur souveraineté, loin des ingérences extérieures qu’ils reprochent à l’organisation. La Cédéao, autrefois symbole de coopération régionale, est aujourd’hui perçue comme une institution rigide, trop souvent sous l’influence d’intérêts étrangers, notamment français et occidentaux, accusée de servir des agendas cachés au détriment des populations locales. La création de l’Alliance des États du Sahel (AES) en septembre 2023, puis la décision de quitter la Cédéao quelques mois plus tard, s’inscrivent dans cette volonté de rupture. Une rupture qui symbolise l’envie de ces pays de reprendre le contrôle de leur destin, de choisir leurs propres partenaires et de décider de leur avenir sans subir des diktats extérieurs.
Année de tous les dangers
Cependant, entre les idéaux d’une souveraineté retrouvée et les réalités géopolitiques, le fossé est parfois immense. La Cédéao ne se laissera pas faire. Il serait naïf de penser que l’organisation va rester les bras croisés en attendant janvier 2025 pour acter ce départ. Ces douze mois qui précèdent la sortie effective pourraient bien être une année de tous les dangers pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso. En effet, la Cédéao, déjà échaudée par les échecs de ses sanctions contre le Mali et l’impossibilité d’agir militairement au Niger, pourrait intensifier ses efforts pour perturber cette sortie. D’ici là, les trois pays devront redoubler de vigilance, surveiller leurs frontières, et anticiper toutes les tentatives de déstabilisation. Car la Cédéao, par crainte de voir d’autres États suivre le même chemin, pourrait employer des moyens plus discrets pour empêcher cette « émancipation » en gestation.
La création de l’Alliance des États du Sahel (AES), devenue confédération en juillet 2024, marque un pas ambitieux vers une forme d’unité alternative.
Le départ de la Cédéao est loin d’être anodin. Il envoie un message clair, celui d’une volonté d’émancipation, d’une nouvelle page qui s’ouvre dans l’histoire de ces trois nations. Mais cette année 2024 sera cruciale : elle décidera si cette rupture sera le point de départ d’un véritable renouveau ou, au contraire, l’entame d’une longue période d’incertitudes et de tensions. Une chose est certaine : les regards de toute l’Afrique de l’Ouest, voire du continent, sont tournés vers le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Ces pays ont pris leur destin en main, mais ils doivent désormais prouver qu’ils sont capables de le maîtriser.
Oumarou Fomba