Si les contempteurs de l’Accord d’Alger au Mali, et Dieu sait qu’ils sont nombreux pour ne pas dire largement majoritaires, avaient approuvé la mise en stand-by dudit accord pour raison de crise sociopolitique dans le pays, eh bien il faut dire que très bientôt les travaux du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) devront reprendre, et cela, n’en déplaise aux Maliens. En effet le jeudi 1er octobre 2020 s’est tenue, au Quartier Général (QG) de la MINUSMA sis à Sénou (Bamako), une réunion du Comité de Médiation Internationale dans le processus de paix au Mali. L’objet fondamental de cette rencontre était d’explorer les voies et moyens pour une reprise des activités du CSA qui avaient connu un temps d’arrêt pour raisons de crise postélectorale dont les péripéties ont conduit au putsch du 18 août 2020.
Si du côté des autorités maliennes, que ce soit avant ou après le putsch, on semble conférer à l’Accord d’Alger, la même valeur que les autres accords et engagements internationaux du Mali, il faut dire que du côté des forces vives de la nation, l’opinion dominante est que l’Accord d’Alger n’est ni plus ni moins qu’une manigance concoctée entre les autorités maliennes d’alors, les groupes rebelles du Nord et la communauté internationale pour conduire à la partition du Mali. En vérité, au regard des tumultes qui ont accompagné les onze mois (16 juillet 2014-20 juin 2015) de pourparlers inter maliens et qui ont été sanctionnés par l’Accord d’Alger, on concèderait volontiers que le peuple n’y a pas été associé, en tout cas pas à hauteur de souhaits. Et pire, cet Accord n’a jamais été expliqué aux populations pour que celles-ci puissent se faire au moins une idée des tenants et des aboutissants. Tout ce que les citoyens maliens retiennent de cet Accord est que sa mise en œuvre constitue un gouffre financier profitant essentiellement et uniquement aux dirigeants des groupes ex-rebelles touareg qui y trouvent, à satiété, la manne et la caille.
Il est donc tout à fait aisé de comprendre les raisons de la réticence de la vox populi au Mali, dès lors qu’il s’agit de poser des actions allant dans le sens de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. Mais le plus aberrant est que l’application de cet accord se fait à géométrie variable, avec l’onction de la communauté internationale, selon qu’il s’agisse d’interpeler le gouvernement malien ou les groupes ex-rebelles du Nord, pour des manquements constatés dans l’acheminement du processus de paix. De telle sorte que les Maliens, dans leur majorité écrasante, ne sont pas loin de s’insurger contre le fait que les partenaires poussent un peu loin le bouchon en tentant de faire de l’application de cet Accord une espèce de camisole de force pour les autorités maliennes.
A vrai dire, la vox populi au Mali éprouve un fort ressentiment à l’encontre de cet Accord d’Alger et la Communauté internationale, regroupant l’ensemble des partenaires du Mali dans ce domaine-là, n’est pas sans le savoir. Pour principale raison de ce ressentiment, le comportement inégalitaire des partenaires dans la gestion du processus de paix au Mali. Sinon comment comprendre, depuis plus de cinq ans que l’Accord d’Alger a été signé par toutes les toutes les parties prenantes, que Kidal puisse défier le monde entier en hypothéquant l’intégrité territoriale du Mali ? Si la communauté internationale, regroupant les partenaires du Mali, tient à avoir l’onction des Maliens pour la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, il faudrait absolument qu’elle rompe avec la duplicité et qu’elle joue franc jeu avec le Mali.
La Transition qui s’ouvre est une période charnière qui requiert, pour son plein aboutissement, une certaine diligence dans les actions. A l’occasion de son investiture, le Président de la Transition Bah N’DAW a affirmé que « La Transition qui s’ouvre ne remettra en cause aucun engagement international du Mali ni les accords signés par le gouvernement. L’Accord pour la Paix et la Réconciliation sera appliquée et ne sera révisé que d’accord partie… ».
Si, de par cette déclaration, le Président de la Transition engage le Mali à œuvrer pour la mise en application de l’Accord, il faudrait aussi que la Communauté internationale joue sa partition en toute équité et qu’elle ne tergiverse pas quant à l’application de sanctions à l’endroit d’éventuels contrevenants. Si le régime défunt s’est illustré par une espèce de laxisme face aux ex-rebelles touareg en se pliant toujours à leurs desiderata et autres sautes d’humeur, les autorités de la Transition, quant à elles, gagneraient plutôt à garder la tête haute devant la communauté internationale en l’interpelant quand il le faut, afin de lever cette chape de plomb qui pèse sur le processus de paix, de par les tergiversations et autres faux-fuyants des groupes ex-rebelles touareg.
El Hadj Mamadou GABA
Source : Le Soir de Bamako