Le Mali est un pays où la religion occupe une grande place dans la vie des populations. A ce jour, l’islam y reste le courant religieux dominant. Dans ce billet, le blogueur Bilal Saigadou se prononce sur un phénomène qu’il considère comme étant un réel problème auquel il est urgent de s’intéresser : la construction anarchique des mosquées.
Mon intention est loin de critiquer l’islam en tant que religion encore moins de proposer l’interdiction de construction des mosquées. Mais, je demande une construction des mosquées dans un cadre légal et juste, tout en dénonçant une certaine forme d’hypocrisie. De tous les lieux de culte, c’est celui des musulmans qui me semble être, souvent, hors de tout cadre légal.
Même si, d’après mes recherches, il n’y a pas à ce jour une loi spécifique qui encadre la construction des lieux de culte. Il est seulement prévu dans les morcellements de terrain, de laisser dans chaque îlot des espaces où des écoles, des centres de santé, voire des mosquées ou églises peuvent être construits, quand le besoin se fera sentir.
Des mosquées partout
Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’on puisse trouver deux mosquées qui se font face, ou plusieurs séparées les unes des autres par des maisons. Cela s’explique également par le fait que des maisons données ou achetées à usage d’habitation se transforment par la suite en mosquées où l’on tient même les séances de prière du vendredi. Or, il n’est pas normal, qu’étant dans une mosquée donnée, l’on puisse entendre l’écho d’une autre mosquée, m’explique Sambourou Sangho, un marabout.
Sangho contextualise cependant ses propos en les ramenant au temps du prophète Mahomet (PSL) où il n’y avait pas de haut-parleur : « De nos jours, avec l’usage des micros, la voix porte plus loin qu’on ne puisse l’imaginer. Donc, il n’y a pas de problème à ce que les voix puissent se mélanger ». Pour autant, ajoute-t-il, « cela ne doit pas être le cas pour la prière du vendredi. Raison pour laquelle il doit y avoir une certaine distance entre les mosquées abritant les grandes prières».
Pourtant, c’est le cas par exemple de la mosquée dite d’obédience wahhabite, en face de celle appelée la « grande mosquée » de Sébenicoro, quartier de Bamako, dans le secteur I, non loin de la place des taxis. C’est une propriété foncière à usage d’habitation d’un ancien haut fonctionnaire de la police nationale. Après avoir emménagé dans son bâtiment, bien que celui-ci soit situé à quelques pas de l’autre, appelée « grande mosquée » pour son ancienneté et son architecture, il décide de transformer son rez-de-chaussée en une mosquée.
Démonstration de force
Cette situation donne l’impression que les deux mosquées se livrent à une sorte de de démonstration de force par haut-parleurs interposés. C’est le triste constat qu’a fait Mohamed, un fidèle : « Autrefois, je passais la grande prière de vendredi dans la grande mosquée. Mais, j’avoue que j’entends et comprends très bien le sermon de l’imam de la petite mosquée. J’avais l’impression que je ne suis dans la grande que physiquement, et que toute mon attention se trouve vers l’autre tellement la puissance d eleur haut-parleur est importante ».
De ce constat de Mohamed, l’on peut conclure à une sorte de guerre entre les tenants des différents courants islamiques au Mali, notamment entre sunnites et chiites. De la même manière que les adeptes de la branche sunnite ne veulent pas poser les pieds dans les mosquées de tendance chiite, les fidèles de ces mosquées ne fréquentent pas les moquées d’obédience sunnite, faisant ainsi de l’islam une affaire personnelle.
La plus belle maison du village
« Une mosquée ne peut être construite à côté d’une autre que quand la première n’est plus en mesure d’accueillir ses fidèles et qu’il y a un manque d’espace pour étendre sa dimension. Mais malheureusement les mosquées ne se construisent plus dans cet esprit, mais suivant les intérêts personnels et matériels », se désole le marabout et commerçant Sékou Sabé, qui affirme qu’il est difficile d’avoir des statistiques sur le nombre de mosquées à Bamako. Ce que nous confirme un fonctionnaire ayant travaillé au ministère de l’Administration territoriale, chargé autrefois d’autoriser la création de mosquée.
On comprend là que l’islam même est contre cette sorte de construction de nos mosquées, mais on s’y adonne tout de même. Si dans les milieux urbains, nous assistons à une construction massive et désordonnée des mosquées, ce n’est du tout pas la même situation en milieu rural. Au village, la plus belle maison n’est autre que la maison d’Allah. Pour certains, c’est normal.
Source: benbere