La construction des équipements dans les domaines de l’énergie et du transport notamment, nécessite la mobilisation
d’investissements colossaux. Le défi n’est pas hors de portée si les secteurs public et privé se donnent la main
Notre pays est membre de l’UEMOA et de la CEDEAO. Il pourrait, dans un avenir proche ou lointain, appartenir à un autre vaste ensemble commercial : la Zone de libre-échange continentale africaine. La ZLECA dont le marché compte 55 Etats membres de l’Union africaine pour une population estimée à 1,2 milliard, vise l’élimination progressive des droits de douanes et des obstacles non tarifaires au commerce intra-africain. Ce qui suppose non seulement des pertes de recettes au niveau des douanes, mais aussi des profits énormes en termes de réduction du coût des produits, de perceptions de la TVA, d’échanges commerciaux, d’opportunités pour les entreprises.
Pour préparer ce changement important dans le secteur de l’économie, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nation unies a formulé des recommandations devant permettre aux pays concernés de commercer entre eux. L’un de ces conseils est, selon les experts de la CEA, l’élaboration de stratégies nationales pour soutenir la mise en œuvre effective de la ZLECA afin de pouvoir tirer parti de ses retombées positives potentielles pour le développement industriel.
Ces stratégies devraient, selon leurs analyses, prendre en compte la technologie, les infrastructures et les compétences nécessaires pour améliorer l’efficacité, la compétitivité, la productivité et réduire les coûts de la fabrication industrielle. Les Etats devraient aussi favoriser l’accès aux finances et orienter les investissements vers les activités productives.
8.700 KM DE ROUTE ET SIX PONTS – C’est dans cette perspective que le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, a rencontré, vendredi dernier, le secteur privé national. En effet, accompagné de plusieurs membres du gouvernement, le chef de l’administration était venu présenté aux hommes d’affaires le «Programme d’infrastructures économiques : mandature 2018-2023» qui verra, à termes, la réalisation de 8.700 km de route et six ponts à travers le pays pour un coût global évalué à 5.500 milliards de Fcfa. Il s’agissait aussi de solliciter leur implication pour la mobilisation des financements appropriés en vue de la réalisation de ce vaste programme de développement, et de désenclavement intérieur et extérieur du pays.
La concrétisation de ces projets qui s’inscrivent dans le cadre du volet : «Transformer le Mali» et «Servir les Maliens» du projet de société du président de la République, exige d’être en phase avec les acteurs économiques qui ont un rôle prépondérant dans la réalisation des infrastructures et la création de richesses, a justifié le chef du gouvernement en s’adressant aux hommes d’affaires.
Rappelons que chacune de nos régions est adossée à un espace transfrontalier qui est un marché naturel. C’est pourquoi favoriser les échanges, l’évacuation de la production à l’intérieur et avec nos voisins à travers différentes chaines de valeur renforcera «la compétitivité de nos différents territoires» et drainera «un afflux d’investissement», a estimé le Premier ministre. Estimant que ce programme doit, au regard de son importance, être cristallisé dans une «Loi de programmation quinquennale de manière à ce qu’il soit admis de tous que ces infrastructures sont indispensables pour le pays et n’ont rien à voir avec les orientations politiques des uns et des autres».
PAIX, STABILITé ET VOLONTé – Il est nécessaire de «trouver une ingénierie financière» adaptée. L’une des stratégies envisagées à cet effet est la réalisation d’infrastructures à péage, a développé le ministre de l’Economie et des Finances. Pour Dr Boubou Cissé, il est, en la matière, possible de faciliter l’accès de nos opérateurs au marché financier. Par exemple, un opérateur malien pourrait, en collaboration avec un partenaire étranger, lever des fonds sur le marché financier. Les entreprises peuvent aussi utiliser les billets de trésorerie de la Banque centrale des Etat de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), a-t-il proposé. Assurant que l’Etat est prêt à les accompagner, il a précisé qu’il est utile, en amont, de prévoir des mécanismes de répartition des risques à prendre entre l’Etat et le secteur privé, surtout concernant les projets en Partenariat public-privé (PPP). Aussi, l’Etat envisage la création de la Caisse dépôt et de consignation, qui pourrait voir le jour bientôt, a révélé le patron de l’hôtel des finances, précisant que la réalisation de routes qui ne se prêtent au système à péage, sera portée par le budget national et les partenaires. Les éléments nécessaires pour espérer relever ces défis sont : paix, stabilité et volonté (l’ambition pour le pays), a insisté Soumeylou Boubèye Maiga. D’où l’importance, selon lui, de la promotion d’un environnement apaisé. «Tant que les populations en crise n’ont pas de perspectives, il y a de fortes chances que nous soyons dans un cycle interminable d’insécurité», a prévenu le chef du gouvernement qui a annoncé ensuite «une longue chaine étroite de collaboration avec le secteur privé national».
La matérialisation d’une telle ambition exige des ressources humaines capables de les porter et de les manager. Le Mali est confronté à de gros défis en la matière. A titre d’illustration, 43% de la population n’ont pas 15 ans ; 53% ont moins de 18 ans ; 65% n’ont pas 25 ans ; 70% ont moins de 30 ans. Aussi, dans six ans (2025), notre pays qui couvre une superficie de 1.241.238 km2, comptera 25 millions de personnes. Pour lui, le défi de la formation est nécessaire à relever si nous voulons construire le pays de nos rêves. Pour ce faire, «nous envisageons de promouvoir les savoirs, les innovations, les nouvelles technologies, l’entrepreneuriat jeune…», a précisé le Premier ministre.
CENTRES D’AFFAIRES INTELLIGENTS – L’objectif est de faire en sorte que le pays soit viable et attractif aux yeux de ses enfants et des visiteurs. Pour ce faire, il est prévu de créer un «hub» autour de la région de Sikasso, une zone de production agricole et minière par excellence et qui possède aussi un aéroport offrant un accès plus facile vers l’extérieur. Aussi, «nous allons tout faire pour que les unités installées à Kayes puissent, par exemple, travailler normalement et ne plus subir les obstacles non tarifaires».
Dans les régions du Nord qui regorgent de «manière avérée» des ressources immenses, ce Programme envisage d’y réaliser de gros travaux d’infrastructures pour faciliter les échanges. Il est aussi prévu la construction de Centres d’affaires intelligents à travers Bamako : du stade omnisport à la Place du cinquantenaire. Les sites ciblés sont entre autres, le lycée liberté, les deux bases, les berges du fleuve entre le pont des martyrs et le troisième pont, la Place du cinquantenaire. Pour rendre la circulation plus fluide dans la capitale, le parc de transport urbain de Bamako sera rénové et un port sec sera construit vers le pont de Kayo pour éviter l’entrée des gros porteurs dans la capitale. La liste des infrastructures présentées est loin d’être exhaustive.
A l’entame de la rencontre, le président du CNPM, Mamadou Sinsy Coulibaly avait soutenu que ce chantier, qui devra conduire le Mali vers une croissance forte, soutenue et créatrice d’emplois, pourrait être réalisé dans le cadre du PPP.
En réaction aux différentes présentations, le vice-président du Conseil national du patronat (CNPM) a invité le gouvernement à faire l’effort de réunir le secteur privé pour discuter de la faisabilité et de l’opportunité de toutes ces infrastructures. Il existe, selon Seydou M. Coulibaly, des modes de transports alternatifs, comme le transport ferroviaire, qui est connu de tous comme étant le mode de transport offrant des avantages comparatifs. Une proposition visiblement bien accueillie par le chef du gouvernement.
Cheick M. TRAORé
Source: Essor