Des religieux témoignent d’un sentiment d’insécurité croissant à Kinshasa. Samedi 4 février, un prêtre a été emmené par des hommes armés non identifiés à la fin de la messe, dans une église de la périphérie de la capitale. Il a été libéré quelques heures plus tard par les renseignements généraux. Cet épisode accroit le climat de « peur » dans lequel prêtres et religieux disent vivre depuis les premières marches soutenues par l’Eglise catholique, le 31 décembre, et sur fond de bras de fer entre l’église et les autorités. RFI a recueilli des témoignages.
Lors de la marche du 21 janvier, le père Joseph Bema dit avoir été obligé de ramper jusqu’à l’entrée d’une base de la Monusco pour fuir les tirs de la police. Depuis, il est devenu rare qu’il dorme dans sa paroisse.
« Je me sens en insécurité, confie ce curé de Kinshasa, avec des visites de personnes non identifiées, qui me cherchent. Parfois, ils se trompent d’adresses. Le 29, c’était la cérémonie de purification de l’église-paroisse Saint-Kisito. A la fin, je ne voulais pas sortir, et tout le monde l’a bien vu, parce qu”à l’extérieur, des gens suspects me cherchaient. Je ne connais pas leur but, mais je pense que c’est de m’avoir physiquement, et tout le monde est en alerte dans cette affaire. »
L’abbé Placide Okalema était dans les rues lui aussi le 21 janvier. Il dénonce une « persécution ». « On voudrait que les gens soient silencieux. Et nous, parce que nous parlons, nous devenons l’objet d’insécurité. Personnellement, je suis menacé. Je reçois des appels, des menaces. Par exemple, dimanche dernier, juste après la messe, deux mamans ont surpris un monsieur qui était en train de dire, menaçant : “ce prêtre-là, je vais le faire disparaître dans deux jours.” Je rentre chez moi et je reçois un appel pour me dire “on va te faire disparaître”. Mais, malgré toutes ces menaces, nous n’avons pas peur. »
D’autres prêtres ont souhaité témoigner hors micro. Raconter les appels anonymes, les pressions… Et dire aussi leur détermination à ne pas baisser les bras.
Le porte-parole de la police congolaise, le colonel Mwanamputu, n’a pas souhaité réagir.
Par ailleurs, la commission d’enquête mixte mise en place par la ministre des Droits humains et chargée d’enquêter sur la violation des droits de l’homme en marge des marches récemment organisées par le Comité laïc de coordination (CLC) a débuté ses travaux lundi. L’ONU a de son côté revu à la hausse le bilan de la marche du 21 janvier. Il passe de 6 à 7 décès après qu’un blessé a succombé à ses blessures.
■ La Fédération protestante de France s’inquiète pour les chrétiens congolais
Le pasteur François David Ekofo a quitté samedi la République démocratique du Congo pour les Etats-Unis. Selon des sources proches de lui, au sein de l’Eglise du Christ au Congo, il craignait pour sa sécurité. Lors du 17e anniversaire de la mort de Laurent-Désiré Kabila, mi-janvier, il avait créé la surprise en interpellant les autorités congolaises sur leur mauvaise gestion du pays. « L’Etat congolais n’existe pas », avait-il déclaré dans son homélie. Ce week-end, la Fédération protestante de France a fait part, dans un communiqué, de son inquiétude pour les chrétiens congolais.