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RD Congo : à Kinshasa, le musée national renoue le fil de l’Histoire

Après trois ans de travaux de construction, c’est le président congolais Félix Tshisekedi qui a ouvert au public ce musée, fruit de la coopération entre Kinshasa et Séoul.

Le président Mobutu Sese Seko en rêvait depuis la visite officielle de Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal, en 1968. Celui-ci lui aurait demandé de voir « le musée et l’art congolais de réputation mondiale ». Mobutu dut reconnaître à contrecœur qu’il n’en avait pas (encore). Cinquante ans plus tard, ce rêve est devenu réalité avec l’inauguration ce samedi 23 novembre du musée national de la République démocratique du Congo par le chef de l’État actuel Félix Tshisekedi.

Le président congolais Félix Tshisekedi a inauguré officiellement hier le musée national de la République démocratique du Congo (MNRDC).

Le rêve de Mobutu

Entre-temps, c’est bien Mobutu qui a impulsé le mouvement en signant un accord de collaboration avec le Musée royal de l’Afrique centrale en Belgique pour ce qui deviendra l’Institut des musées nationaux du Congo (IMNC). Depuis longtemps, l’expertise belge est très reconnue dans le monde que ce soit dans la recherche ou la constitution de collections, ainsi que dans la politique muséale. En attendant ce grand musée qui redonnera la fierté à tout le peuple congolais, Mobutu fait bâtir un espace muséal provisoire sur les hauteurs du mont Ngaliema, un lieu hautement symbolique qui, à l’époque coloniale, s’appelait mont Stanley : il y avait là une statue de l’explorateur qui avait descendu le fleuve Congo pour le compte du roi Léopold II. Mobutu y avait fait installer son parc présidentiel avec un zoo. Mais le musée va rencontrer des difficultés financières et administratives, ainsi que des pertes dans sa collection alors que le pays traverse d’innombrables crises politiques. Jusqu’en 2016, année où le président Joseph Kabila prend l’initiative de doter son pays d’une institution muséale de premier plan avec l’appui de la Corée du Sud, pour un budget de 21 millions de dollars.

 

Un musée historique

L’architecture du « MNRDC », ouvert au public depuis juin, détonne avec son extérieur composé de motifs en forme de losange qui font référence aux palais royaux traditionnels des Kuba, une confédération qui regroupait plusieurs groupes ethniques et qui a prospéré au XVIIe siècle. Le bâtiment comprend trois salles d’exposition de 6 000 mètres carrés. Le tout isole le visiteur des bruits de la ville : portique d’accès avec galerie de colonnes, cour intérieure avec bassins, immenses portes coulissantes pour pénétrer dans les salles d’exposition, terrasse intérieure…

Sur deux niveaux, les trois salles présentent un tout petit échantillon du riche patrimoine culturel et cultuel congolais. Les quelque 400 œuvres sont rangées par grands thèmes (défis de l’existence, cycle de la vie, expression culturelle). Statuettes funéraires, masque en métal à l’expression profonde et mystérieuse, masque en bois aux grosses joues grotesques pour des rites d’initiation…: « Ces objets représentent le génie créateur du peuple congolais », résume le directeur général de l’Institut des musées nationaux (IMN), Paul Bakua-Lufu Badibanga. « On a essayé de montrer l’homme congolais dans son environnement, actuel et ancien », ajoute-t-il.

Des problèmes à régler

Le musée développe une approche trop « coloniale » de l’histoire et de la société, au goût du professeur d’anthropologie Placide Mumbembele : « À l’entrée, vous avez la carte ethnique du pays [NDLR : en fait l’énumération de toutes ses communautés]. On se croirait dans les musées coloniaux des années 30 ou 40. On ne présente pas une société qui évolue », analyse-t-il au micro de l’AFP.

Ce musée qui se veut « national » fait la part belle à quelques-uns des 400 peuples identifiés le long du fleuve Congo et de ses affluents (Luba, Tshokwe, Pende, Kongo…). Le musée est un miroir des paradoxes de l’identité congolaise, pays continent où persistent des réflexes communautaires (« ethniques » ou « tribaux », disent les Congolais). Les responsables de la scénographie ont choisi les 400 œuvres parmi les dizaines de milliers de pièces conservées par l’Institut des musées nationaux (45 000, dont 12 000 ont été transférées dans les réserves du nouveau musée). Les autres sont restées au siège de l’Institut, niché sur les hauteurs de Kinshasa dans l’enceinte du parc présidentiel du Mont-Ngaliema.

Quant à l’autre musée de Kinshasa, celui dédié à l’art contemporain, il expose et conserve dans des conditions « déplorables », selon l’un de ses responsables, les toiles des maîtres de la peinture populaire, très prisés sur le marché de l’art (Chéri Samba, Moke, Pili Pili…)

Les restitutions peuvent attendre

À l’occasion de cette inauguration, le président Tshisekedi a évoqué la question brûlante des restitutions des œuvres d’art. Tout en remerciant la Belgique, ancienne puissance coloniale, pour avoir aidé le Congo à préserver son patrimoine, Félix Tshisekedi s’est prononcé pour un retour « organisé » des œuvres. « Il faudra bien que ce patrimoine revienne, mais il faut le faire de manière organisée », a-t-il déclaré à des journalistes. « Il faut reconnaître que les Belges nous ont aidés à le conserver », a-t-il ajouté, au sujet du patrimoine congolais emmené en Belgique avant l’indépendance de 1960 (masques, statues…). « Cela va se faire de manière concertée. Et puis il va falloir dire un grand merci à la Belgique qui a gardé notre patrimoine », a-t-il ajouté dans un communiqué de la présidence diffusé dimanche. En Belgique, le patrimoine congolais est conservé au Musée royal d’Afrique centrale (MRAC), dont 80 % des 120 000 pièces ethnographiques viennent du Congo, d’après des experts. Une restitution d’objets congolais par la Belgique a eu lieu dans les années 1970 à la demande du dictateur Mobutu Sese Seko. « À l’époque, pour ne pas perdre la face, les Belges ont parlé de don », affirme le communiqué de la présidence.

 

Le débat sur la restitution est passionnel depuis la publication fin 2018 d’un rapport rédigé à la demande du président français Emmanuel Macron. Ses deux auteurs préconisent une « restitution rapide ». L’un d’entre eux, l’économiste sénégalais Felwine Sarr, affirme être la cible d’un « lobby » de la partie adverse : « On nous objecte qu’il n’y aurait pas de musées en Afrique ni de compétences, que le patrimoine y serait en péril […] », affirmait-il en janvier au magazine français L’Express. » La restitution est une question légitime », temporise à Kinshasa le professeur Placide Mumbembele, un spécialiste de la question. « On doit coopérer pour que les chercheurs congolais et belges puissent travailler sur l’origine des objets conservés au Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren. On peut résoudre cette question en douceur, et non avec des émotions qui prennent le dessus sur la réflexion », ajoute-t-il. Pas sûr que ces mots parviennent à calmer le débat qui prend de plus en plus d’ampleur notamment avec les mouvements citoyens comme La Lucha (« La Lutte pour le changement »). « Non, monsieur le président, les Belges ne nous ont pas aidés à le conserver. Ils nous avaient volé notre patrimoine et ils doivent le rendre. Ils l’ont conservé, pas pour nous, mais parce que ça leur rapporte. Mais vraiment ! » a publié sur Twitter Fred Bauma, un membre fondateur du groupe.

Par Le Point Afrique

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