Comme on pouvait s’y attendre, des milliers de manifestants s’étaient réunis, le 5 juin 2020, au monument de l’indépendance de Bamako. À cet effet, Mahmoud Dicko, parrain d’honneur, et le coordinateur général Issa Kaou N’Djim sont intervenus au nom de la CMAS (Coordination des mouvements, associations et sympathisants de Mahmoud Dicko). Quant au FSD (Front pour la sauvegarde de la démocratie), les intervenants étaient : Choguel Kokalla Maiga, Mountaga Tall, Konimba Sidibé. Pour l’Espoir Mali Kura (EMK), Clément Dembélé ; Moussa Sinko Coulibaly, Cheick Oumar Sissoko se sont exprimés. L’honorable Oumar Mariko ; Me Mohamed Aly Bahtily et plusieurs autres personnalités étaient présentes.
En effet, certains manifestants étaient déjà présents au niveau du monument avant 7 h du matin. Les manifestants étaient venus de Kayes, Sikasso, San, Yorosso, Koutiala, Kati, Bamako…. Femmes, enfants et vieux, tout le monde scandait : « IBK et son régime dégagez ; nous voulons que l’Assemblée nationale et la cour constitutionnelle partent ». Si les hommes défilaient autour du monument en scandant la « démission d’IBK et son gouvernement », les femmes portant des voiles le faisaient aussi. Sous une ambiance intense, des cris, et des danses, certains messages étaient lisibles sur des pancartes : « IBK quitte le pouvoir, ton régime est incapable » ; « libérez Soumaila Cissé » ; « Manassa Danioko, la sorcière- non au vol de la victoire du peuple ; non à la falsification des résultats du peuple ; non à la tyrannie politique ; la démission de Manassa Danioko (président de la cour constitutionnelle) » ; « nous ne voulons plus un souverain despote » ; « Non à la mauvaise gouvernance ; le malheur des Maliens est IBK ; rends le tablier pour l’honneur des Maliens ; ce régime est un coronavirus pour le Mali » ; « Non aux députés nommés, Abas Karim Keita et Moussa Diawara ; abas Ami Kane ».
À 12 h 46, la prière du vendredi a été effectuée sur place par des manifestants. Invité à se prononcer, l’imam Mahmoud Dicko, président d’honneur de la CMAS, déçu du régime d’IBK a, en son nom et à celui du Chérif de Nioro, présenté leurs excuses aux Maliens. Cela, pour avoir appelé les Maliens à voter pour l’élection d’IBK en 2013. Mais, a-t-il aussi précisé les raisons de sa colère contre le régime en place. « Je ne m’oppose pas à IBK parce que j’ai demandé l’argent ou quelque chose qu’il a refusé de me donner. Tout ce qui nous oppose est sa mal gouvernance », a entonné l’ancien ami d’IBK qui met l’accent sur les maux du régime : corruption à ciel ouvert ; détournement du denier public, partage des ressources du pays entre les proches du pouvoir… Pour l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali, « il ne s’agit pas de la personne d’IBK ni de son régime. Mais, il s’agit de sauver la patrie du Mali aujourd’hui ».
Dicko trouve que IBK et son régime sont éphémères, mais le Mali demeure. Au public, le parrain d’honneur de la CMAS confie que le Malien « n’est pas un peuple soumis ni résigné, mais un peuple debout ». Selon lui, on ne peut pas continuer à diriger le Mali avec la gouvernance actuelle qui, à son avis, devise les Maliens. « Battue longtemps par nos ancêtres et devanciers, déplore-t-il, notre armée est devenue une armée clanique et de tendance, une armée qui est avec X ou Y. Ce n’est pas avec ça qu’on va récupérer l’Azawad », a déclaré l’imam Mahmoud Dicko. L’armée malienne est, selon lui, démoralisée et devisée. À IBK et ses partisans, Mahmoud Dicko adresse un message fort : « Mon grand frère (IBK), n’est-il pas mieux de rendre pacifiquement le tablier pour la dignité de ce pays ? Je demande à IBK d’écouter et de comprendre la démission réclamée par le peuple. Cette manifestation n’est qu’un début ». Dicko menace le régime en jurant trois fois : « Cette histoire va se régler : si IBK décide de ne pas prendre note des doléances de cette assemblée, l’histoire retiendra comment il sortira dans ce pays ».
Au cours de la manifestation, une cinquantaine de personnes dont une dizaine de femmes ont été secourues par les agents de la protection civile. Cela, suite à des problèmes de chaleur, d’oxygène, de vertige, et de maux de ventre provoqués par le débordement du public, nous a confié un responsable du corps. Pour l’officialisation de la démission d’IBK, l’horaire imparti par les manifestants était le même vendredi à partir de 18 h. Après que cette heure est passée sans l’officialisation de la démission d’IBK, le peu de gens qui sont restés ont pris la route du quartier résidentiel d’IBK (Sebenikoro).
À 18 h 30, des affrontements ont opposé les forces de l’ordre aux marcheurs à Djocoroni Para. Les agents tiraient des gaz lacrymogènes, des balles blanches. Ils utilisaient les véhicules qui versent de l’eau chaude pour disperser la foule. Les manifestants lançaient des projectiles et brûlaient des pneus sur les goudrons. La police, la gendarmerie et la protection civile assuraient la sécurisation de la manifestation. D’après le communiqué officiel du gouvernement, il aurait eu dix-neuf (19) blessés, dont quinze (15) du côté des forces de l’ordre. Des véhicules de ces forces de l’ordre ont également été endommagés, souligne-t-on dans le même communiqué.
Mamadou Diarra