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Rapport de l’ICG : Kabila est-il prêt à l’alternance ?

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

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Les élections présidentielle et législatives de 2016 seront décisives pour la République démocratique du Congo (RDC) : elles pourraient être les premières élections organisées sans la participation du président actuel. Cette perspective met tous les acteurs de la scène politique congolaise sous tension et a déjà causé des violences mortelles. Le président Joseph Kabila doit impérativement respecter la limite de deux mandats imposée par la Constitution et se préparer à quitter le pouvoir. Un consensus sur les questions électorales clés, en particulier l’adoption du calendrier et la liste électorale, ainsi qu’un engagement à haut niveau des bailleurs et partenaires internationaux sont nécessaires. En cas d’absence d’accord et de manque de clarté sur le processus électoral, et si celui-ci accuse un retard significatif, les partenaires internationaux devraient revoir leur soutien au gouvernement.

La majorité au pouvoir est fragmentée et à cours d’options pour faire reculer la date butoir de 2016. Les tentatives du gouvernement de réviser la Constitution et les lois électorales afin de permettre à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat ont suscité une forte opposition, y compris au sein de la majorité présidentielle, comme l’a montré la mini-crise politique de janvier 2015. Cette mini-crise, qui a entrainé des violences mortelles et une répression contre les activistes pro-démocratie, a donné un premier aperçu de ce qui pourrait se dérouler en 2016. Dans ce contexte tendu, les acteurs internationaux engagés en RDC doivent répondre à un discours de plus en plus souverainiste, qui affecte en particulier la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco).

Compte tenu des insuffisances techniques et de l’absence de consensus autour de la liste électorale, les élections locales et provinciales prévues pour 2015 pourraient saper la crédibilité des élections nationales de 2016. En plus d’un calendrier électoral trop ambitieux et trop coûteux, le gouvernement précipite une décentralisation qui manque de ressources et n’est pas correctement préparée, notamment quant à la division des onze provinces actuelles en 26 comme le prévoit la Constitution de 2006. Le pouvoir cherche à finaliser en six mois ce qui n’a pas été accompli en neuf ans. Accélérer la décentralisation, au moment où le calendrier électoral est mis en œuvre, pourrait aggraver les tensions locales, causer des troubles sécuritaires lors des scrutins de l’an prochain et aggraver l’instabilité.

Il semble que gagner du temps en capitalisant sur de potentiels retards soit pour le gouvernement le principal objectif sur lequel il puisse se mettre d’accord. L’opposition, fragmentée et incapable de former un front uni, s’accorde toutefois pour s’opposer à toute manœuvre politique visant à prolonger le pouvoir du président Kabila au-delà de 2016. En plus des signaux ambigus envoyés par le président sur son intention de respecter ou non la limite de deux mandats, les problèmes rencontrés lors des élections de 2011 demeurent : le manque de confiance dans la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et une liste électorale controversée.

Le moment de vérité approche pour le processus de démocratisation lancé il y a une décennie. Les espoirs excessifs engendrés par les élections de 2006, les premières et jusqu’à présent les seules relativement libres depuis l’indépendance, ne se sont pas concrétisés. Néanmoins, retarder à ce stade les scrutins présidentiel et législatifs de 2016 équivaudrait à une extension inconstitutionnelle du régime. Les violences qui se sont déroulées en janvier à Kinshasa ont démontré clairement le désir de changement de la population congolaise. Si le processus électoral ne peut se dérouler librement, les acteurs internationaux, avec une importante mission des Nations unies en place, risquent de soutenir un régime encore moins légitime qu’il ne l’est maintenant.

Tous les efforts doivent se concentrer sur la création des conditions requises pour la tenue d’élections crédibles en 2016. A cette fin, les acteurs politiques congolais et la CENI devraient revoir le calendrier électoral et reporter les élections locales jusqu’à ce que le processus de décentralisation soit achevé. Les élections provinciales devraient être organisées de façon à coïncider ou à être combinées avec les élections nationales. Une stratégie sérieuse de prévention et de résolution des conflits doit être mise en place, en particulier au niveau local. Des élections réussies ne signifient pas démocratie et bonne gouvernance : la transformation du système politique est bien loin d’être acquise et requiert un changement dans les pratiques de gouvernance.

RECOMMANDATIONS

Pour empêcher le pays de sombrer dans la crise et favoriser un processus électoral consensuel

Au gouvernement de la RDC :

1.  Affirmer son engagement à respecter la Constitution, en particulier la limite de deux mandats présidentiels et l’échéance des élections présidentielle et législatives.

2.  Garantir le droit à la liberté d’expression pour la population, la société civile et l’opposition et s’abstenir de harceler et d’arrêter les opposants.

3.  Mettre à la disposition de la CENI les ressources financières nécessaires, et ce de façon transparente.

4.  Renforcer les structures judiciaires qui ont une responsabilité en matière électorale, tels que les tribunaux de grande instance et la Cour constitutionnelle.

5.  Ouvrir un dialogue inclusif sur la nature et la rapidité de la décentralisation, et en particulier sur la mise en place des autorités locales qui organiseront les élections locales dans le futur.

Au gouvernement de la RDC, aux partis d’opposition, à la société civile et à la CENI :

6.  Etablir un dialogue de travail permanent et institutionnalisé ayant entre autres objectifs de parvenir à un consensus sur le calendrier électoral, la liste électorale et l’ouverture de l’espace politique.

7.  Réviser le calendrier électoral et annuler l’achèvement du cycle électoral de 2011 (élections provinciales, sénatoriales et locales) pour se concentrer sur l’organisation des scrutins présidentiel et législatifs du 27 novembre 2016, si possible en combinaison avec les élections provinciales.

8.  Etablir en étroite collaboration avec les acteurs internationaux, en particulier la Monusco, une stratégie inclusive de prévention et de résolution des conflits et de sécurisation (comprenant pour la Monusco le déploiement de sa force et une surveillance au niveau local) comme précondition à la tenue des élections locales.

A la CENI :

9.  Avoir pour priorité l’élaboration et le maintien d’un consensus maximum autour de l’intégralité du processus électoral.

10.  Communiquer régulièrement et de façon totalement transparente ses décisions, les progrès qu’elle accomplit et les défis qu’elle rencontre dans la mise en œuvre du calendrier électoral, à travers une plateforme accessible publiquement et dans les médias.

11.  Travailler de façon transparente avec l’opposition, les experts électoraux, la société civile et le gouvernement sur la création de listes électorales légitimes et complètes.

12.  Collaborer étroitement avec les médias, la société civile, le gouvernement, l’opposition et les partenaires internationaux sur une campagne de sensibilisation publique et d’éducation des électeurs.

Aux partis de l’opposition politique :

13.  Créer une structure inter-partis pour améliorer leur coordination sur les problèmes électoraux.

Aux principaux bailleurs de fonds et aux partenaires internationaux (ONU, Union africaine, Communauté de développement de l’Afrique australe, Conférence internationale pour la région des Grands Lacs, Union européenne, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Belgique) :

14.  Envoyer une délégation ministérielle composée de représentants des Nations unies, de l’Union africain (UA), de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis pour entamer un dialogue avec le président et les principaux acteurs congolais à propos du processus électoral. Confier le suivi de ce dialogue au groupe des envoyés spéciaux. Le message clé devrait être l’engagement total du président et du gouvernement au respect de la Constitution, soulignant qu’un non-respect aurait un impact sérieux sur le soutien international.

15.  Assurer une communication et des prises de positions cohérentes par le groupe de travail des ambassadeurs, coordonné par le représentant spécial du secrétaire général (SRSG) à Kinshasa.

16.  Fournir un appui cohérent aux tentatives de l’envoyé spécial des Nations unies pour la région des Grands Lacs et du SRSG d’apporter leurs bons offices en vue des élections, en conformité avec leurs mandats.

17.  Concentrer le soutien financier et matériel sur l’enregistrement des électeurs et la formation des agents électoraux pour contribuer à l’organisation des élections présidentielle et législatives de 2016 dans de bonnes conditions et dans le respect des délais, ainsi que sur l’observation par la société civile et l’éducation des électeurs.

18.  Envoyer des missions d’observations de long terme avec des effectifs adéquats et assurer une communication et une collaboration étroites entre elles.

19.  Evaluer et vérifier les avancées dans le processus électoral, comme prévu par la résolution 2211 du Conseil de sécurité, et suspendre le soutien au processus électoral et aux forces de sécurité congolaises si le président et le gouvernement continuent de tergiverser sur le respect de la limite de deux mandats. En cas d’importants retards et de violation flagrante du principe des deux mandats, revoir l’aide publique au développement et envisager la révision du mandat de la Monusco.

 

Source: crisisgroup.org

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