La mémoire de la tradition parlementaire malienne s’en est allée, sans doute avec moins d’indiscrétion que son éloquent parcours. Assarid Imbarcaouane, vice-président du CNT et Chancelier de l’Ordre National a rendu l’âme, samedi après-midi, à Tunis où il était pris en charge d’urgence après plusieurs séjours infructueux à l’Hopital Golden Life de Bamako. Il rend les armes au bout d’un ultime combat perdu contre la mort, au moment où les espoirs d’une résistance à la maladie étaient plutôt ravivés par les signaux encourageants d’une stabilisation de son état de santé. La glaçante nouvelle de son décès est ainsi tombée comme un couperet sur la tête de ceux qui croyaient toujours à son retour jusqu’à son dernier souffle.
À 75 ans révolus, la disparition du monument consacre le terme d’une vie bien remplie et riche de ses enviables péripéties. De la carrière d’enseignant et d’animateur de jeunesse à celle de redoutable artificier de la scène politique malienne, l’engagement politique est le plus long bail qu’Assarid Ag Imbarcaouane a signé avec l’action publique, depuis l’avènement du parti unique, l’UDPM, dont il fut secrétaire général â Gao et membre du Conseil National par ailleurs. Mais, le défunt 1er Vice-président du CNT meurt sous la bannière de l’Adema-Pasj, le 25 mai 2024, jour anniversaire du parti de l’Abeille dont il était le porte-étendard indétronable à Gao, à toutes les élections législatives des trente dernières années. Il compte à ce titre 5 législatures à son actif à l’Assemblée nationale où il a grimpé les échelons du poste de secrétaire parlementaire à la présidence par intérim en passant par diverses vice-présidences.
Durant son exceptionnelle carrière parlementaire, l’intrépide orateur des tribunes de l’ACP-UE, défenseur infatigable des causes tiers-mondistes, n’aura été sevré de sa passion pour le travail parlementaire qu’entre 2013 – 2020, avec la scandaleuse inversion des résultats législatifs de son bastion par la Cour constitutionnelle. Une période creuse sur fond de frustration, que ne sauraient combler les fonctions successives de Directeur de cabinet auprès de l’ancien président de la République par intérim, puis de conseiller spécial à la Primature. Interrompu à peine entamé par le coup de force du 18 Août 2020, son retour triomphal à l’hémicycle ne sera effectif qu’avec le recours à son incontournable maîtrise des rouages parlementaires pour conduire la marche de l’organe législatif de transition. Sa disparition consacre ainsi une retraite politique voire un remède à son inguérissable addiction à l’action publique que seule la mort pouvait lui imposer. Ce faisant, l’arène parlementaire malienne en est privée d’une icône irremplaçable pour qui l’adversité politique ne franchit jamais le Rubicon de l’animosité et des contradictions irréversibles, n’affectent jamais la convivialité et les rapports sociaux. Mais, la nation perd surtout en lui ce rempart infranchissable auquel se sont heurtées toutes les tentatives de remise en cause de l’unité nationale, grâce à une loyauté à la République jamais prise en défaut.
A KEÏTA