L’Union africaine organise actuellement son sommet annuel en Ethiopie, les chefs d’Etats sont attendus pour la fin de semaine. Parmi les pays représentés, on retrouve l’Algérie. L’occasion pour l’envoyé spécial de RFI, Boniface Vignon de s’entretenir avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Il revient sur le rôle de son pays de retour dans la médiation malienne et sur la santé du président Abdelaziz Bouteflika, probable candidat à sa succession.
Vous avez repris la médiation entre les autorités maliennes et les Touaregs du nord du pays, est-ce à dire que la médiation burbinabè est terminée ?
Ramtane Lamamra : Non, pas du tout. Il faut voir les choses en perspective. Il s’agit d’effort de l’Afrique pour donner une chance au dialogue inter malien. Il y a une continuité entre l’effort déployé par nos frères burkinabè et ce qui n’a jamais cessé d’être un intérêt de l’Algérie, une contribution de l’Algérie, une valeur ajoutée de l’Algérie. Sans doute, l’Algérie a souvent agi dans la discrétion. Cela fait partie un peu de son style national en diplomatie, mais vous avez pu juger à travers les déplacements effectués par Djibril Bassolé [ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso] à Alger qu’il y avait déjà une forme de coopération, une forme d’échanges. Et en tout état de cause, jamais les pays voisins du Mali, aucun d’entre eux, ne peuvent s’en désintéresser.
Votre entrée en scène pose tout de même la question de l’efficacité de la médiation burkinabè ?
Il ne faut pas observer la situation en termes de bilan d’une activité. La contribution burkinabè a débouché au moins sur l’accord en vertu duquel les élections ont pu se dérouler. Il n’y a absolument aucune contradiction ni dans les objectifs, ni dans la finalité. Fondamentalement, il y a complémentarité, il y a conjugaison des efforts, il y a continuité et il y a transparence.
L’accord préliminaire de Ouagadougou justement, l’accord de juin 2013, est aujourd’hui au point mort ?
Le président est dans son rôle lorsqu’il indique que le dialogue inter malien doit pouvoir se faire sous son égide, en toute souveraineté. Il s’agit pour l’Etat malien de discuter des voies et moyens d’opérer des réformes afin de pouvoir, dans le cas de la République du Mali, tourner la page de la crise et également engager un processus pour régler les causes sous-jacentes. C’est pour cela que l’effort qui a été relancé à Alger s’appelle la discussion « exploratoire ». Le statut officiel de dialogue inter malien sera acquis lorsque toutes ces parties se réuniront autour d’une table et surtout autour du président IBK à Bamako.
La médiation algérienne ne fait pas l’unanimité des groupes rebelles. Avez-vous tout de même avancé et sur quels points précis avez-vous avancé ?
Les discussions « exploratoires » étaient ce qu’elles devaient être. Pour l’instant, une plateforme a été signée par certains des participants et cette plateforme jette les fondations d’une négociation à venir. Quand il s’agit de groupes politico-militaires, comme ceux dont nous parlons, il y a des institutions qui gèrent et dirigent ces mouvements. Mais il y a aussi des personnalités, il y a des tendances, il a des factions et souvent telle ou telle personne est amenée à émettre un jugement personnel, à prendre une position tout à fait personnelle. Si l’Algérie a offert l’hospitalité à ses frères maliens pour réfléchir ensemble, rapprocher leurs points de vue et se préparer au mieux pour aller vers un dialogue inter malien inclusif, c’est parce que cela nous a été demandé. Nous n’avons pas essayé de nous imposer sur une scène politique où nous n’aurons jamais été absents de toute façon. Il y a eu cette demande compte tenu des circonstances, compte tenu de la nouvelle situation et il y a eu la bénédiction évidemment apportée par le président Ibrahim Boubacar Keïta à cet effort algérien. Donc l’objectif de cette première série de contacts exploratoires à Alger, c’est de faire en sorte que les prochains épisodes soient davantage inclusifs bien que ce que nous avons eu, ait été assez représentatif. Faire en sorte également qu’avec les contributions des uns et des autres, différentes autorités traditionnelles du nord du Mali, mais aussi différents partenaires, nous puissions organiser une deuxième série de rencontres dans un environnement apaisé avec un climat politique et psychologique mieux préparé pour des avancées en vue de la détermination des contours et des contenus de ce dialogue inter malien.
Vos relations avec la Libye. Vous les estimez excellentes et pourtant des incidents se multiplient à la frontière entre les forces de sécurités algériennes et les groupes d’ex-rebelles auxquels Tripoli a confié la sécurité ?
La Libye est confrontée à des défis très sérieux. On voit bien que même pour un pays non dépourvu de ressources économiques, les défis de la reconstruction et du développement post-conflit se présentent d’une manière très aigüe. Et notre rôle à tous, c’est d’épauler le gouvernement libyen dans la reconstruction de ses institutions de sécurité. En ce qui nous concerne, vous avez dû observer que le vice-Premier ministre, le ministre de l’Intérieur de la Libye [Seddik Abdelkrim], a effectué une importante visite la semaine dernière à Alger, accompagné de responsables de haut niveau de secteurs de sécurité en Libye, que cela a débouché sur des engagements prometteurs en ce qui concerne la coopération algéro-libyenne en matière de sécurité.
Comment va le président Bouteflika ?
Le président Bouteflika va bien. L’Algérie va bien aussi. Nous avons des élections qui se préparent. Il y a pas moins de 72 postulants à la candidature pour cette échéance, le 17 avril prochain. Nous avons cet avantage de veiller à la transparence et cela se fait sous les orientations du président Bouteflika qui, encore une fois, se porte fort bien.
A-t-il un candidat à sa propre succession ?
Je ne saurais vous le dire. Il choisira le moment où il s’exprimera sur cette question.
rfi