L’AS Biton de Ségou fait partie des 15 clubs de région qui ont eu le mérite si ce n’est le privilège d’accéder à une finale de Coupe du Mali de football. C’était en 1982 contre le Stade malien de Bamako. Lors de cette mémorable confrontation, un homme a marqué les esprits : Bréma Guèye de Ségou. Doté d’une technicité extraordinaire, il ne forçait guère pour étaler son talent. Chaque fois que Guèye avait le ballon, il créait la différence. Après un bref séjour à l’AS Biton de Ségou, il rejoint le Stade malien de Bamako, où il contribuera à écrire les belles pages du club, comme ce premier doublé de l’histoire du football malien en 1984 et la finale de la coupe Ufoa la même année. Toutes qualités qui justifient sa sélection en équipe nationale dès ses premières heures au Stade malien de Bamako. Disparu des écrans radars, nous avons retrouvé ses traces au Comité national olympique et sportif du Mali où il est employé depuis plusieurs années. Là, Bréma Gueye nous a décortiqué sa carrière dans le cadre de votre rubrique préférée ” Que sont-ils devenus ? “.
‘entrée de jeu, signalons un fait anodin qui a perturbé notre entretien avec notre héros du jour : l’arrivée d’Abdine Kéïta dit Bidine. Les ainés se rappelleront sans doute de ce gardien de but très courageux du Djoliba AC dans les années 1980. Il n’a jamais pu se faire une place sous l’ombre de Sory Kourouma, Moctar Sidibé et même feu Karamoko Diané.
Peu de buts, mais de beaux buts
Alors, Bidine s’est signalé à nous par des gesticulations de dribles et de feintes. Au début, nous n’avions rien compris du sourire de Bréma Guèye. En fait, Bidine imitait les anciens gestes de Guèye pour mettre en déroute les Idrissa Traoré “Poker” et Boubacar Sidibé “Jardin”. Comment faire décamper l’ancien gardien du Djoliba AC pour ne pas perdre le bout du fil de l’interview ? Nous avons eu l’idée géniale de lui filer un (petit) billet craquant. Il le prit et se rabattit sur notre confrère, le photographe Karim Ballo, il devait y avoir aussi une promesse entre les deux.
Certes, Bidine jouait de la comédie, mais ses gestes reflétaient ce qu’il y avait de plus réel dans le football de Bréma Guèye qui était un joueur technique, calme et discipliné sur le terrain.
Rarement, il marquait de but, mais chaque fois qu’il en marquait un, les commentaires s’éternisaient dans les rues, tellement qu’il y mettait de la classe, à l’image de ce but matinal marqué en 1984 sous une pluie intermittente, lors de la finale de la coupe du Mali remportée face au Djoliba AC. Sur un centre de Diofolo Traoré, Guèye, de l’intérieur du pied, prit le portier Karamoko Diané et sa défense à contre-pied pour inscrire le premier but du Stade malien de Bamako à la 16ème mn. L’enfant de Ségou venait de tracer la voix du premier doublé de l’histoire du football malien. Les Blancs finiront par s’imposer 3 buts à 1.
Fraichement venu de son Ségou natal, Bréma Gueye a eu la chance de faire chemin avec la génération forgée par feu Mamadou Kéïta dit Capi, avant son exil en Côte d’Ivoire.
Notre héros nous confie avoir commencé à jouer au ballon au premier quartier de la cité des Balazans, plus précisément dans le club Soleil d’Afrique avec lequel Guèye remporta plusieurs coupes dans le quartier.
En 1978, il transfère au FC Olympique de Ségou. La même année, à l’issue d’un match inter ligues entre son club et l’Avenir de Ségou, il est victime d’une fracture, qui l’éloigna des terrains deux ans durant. Pourquoi un si long temps ?
Guèye soutient qu’il a voulu donner plus de chances au traitement administré à son pied, surtout qu’à l’époque, la médecine moderne n’avait pas connu les progrès actuels. Après avoir déduit que ses muscles et ses os sont malléables, Bréma Gueye reprend les entrainements avec le FC Olympique. Quelques jours après, il est sélectionné pour la semaine régionale, puis la Biennale de 1981 à Mopti.
Présent dans la Venise malienne, un responsable de l’AS Biton de Ségou n’a pas attendu le retour de la délégation ségovienne pour demander aux dirigeants du club de tout faire pour transférer Bréma Guèye dans le club régional. Il écrit à cet effet une lettre pour donner l’alerte sur les qualités du jeune Guèye. Celui-ci rejoint l’équipe régionale. Sur place, il trouve les Vital Ky, Paul Koné, Cheick Diabaté, Mamadou Diakité dit Guatigui, Mamadou Traoré Madoufing, Abdoulaye Kalapo, Ahmed Cheick Diabaté, Joe Frazier et autres.
Cette génération dorée du Biton se fera d’ailleurs entendre en 1982, à l’occasion de la coupe du Mali, où elle atteindra la finale. En demi-finale l’équipe ségovienne a étrillé par 4 à 2 l’AS Réal de Guatigui, Baraka, Amadou Pathé Vieux Diallo, Jardin.
Après un tel exploit au détriment d’une grande équipe de Bamako, quel était l’état d’âme des joueurs en venant affronter le Stade malien en finale ? Guèye explique : “Notre large victoire de 4 à 2 sur le Réal nous a requinqués le moral. Rien ne pouvait plus nous arrêter et l’objectif demeurait la Coupe. Malheureusement, l’équipe a craqué après avoir remonté les deux buts du Stade et raté même un penalty qui aurait pu être le tournant pour notre sacre. Dommage, le système tactique de Mamadou Keïta dit Capi a pris le dessus et l’espoir de l’AS Biton s’est brisé par une lourde défaite de 4 buts à 2”.
Après avoir écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du football ségovien, Bréma Guèye laissa les habitants de la cité des Balazans orphelins.
Les perles du Ségovien
La saison suivante (1982-1983), il débarque à Bamako, pour évoluer au Stade malien. Cela grâce à son cousin Yacouba Konaté qui parvint à le convaincre de continuer sa carrière chez les Blancs pour donner plus de grandeur à son talent. Son orientation au Centre de Formation technique de Quinzambougou (CFTQ) favorisait ce transfert.
A son arrivée dans la capitale, Guèye trainait un mal à l’adducteur. Heureusement, le Dr Cheick Oumar Kane viendra à bout de ce mal. Alors, Guèye dirige d’une main de fer le milieu stadiste. Titulaire à part entière, il n’aura depuis connu que le seul club du Stade malien de Bamako et ce durant six ans. Un temps qui lui a permis de réaliser un doublé, remporté cinq coupes du Mali (1984-1985-1986-1988) un titre de champion et joué une finale de coupe Ufoa.
Cette finale perdue contre le New Nigerian Bank de Stephen Keshi, Henry Silva Nwosou, Edobor Humphrey, est d’ailleurs son plus mauvais souvenir. Tellement déçu par cette défaite, il a passé trois jours cloué chez lui, sans mettre pied dehors.
Comment pouvait-il se laisser dépasser par un seul faux pas, ayant un bel avenir devant lui ? Selon notre interlocuteur, le Stade malien a laissé filer une aubaine.
Au bout de six ans de carrière, Bréma Guèye se retire de la scène footballistique. L’âge n’était pourtant pas la raison principale, mais il n’a pas voulu développer les motivations de sa retraite. La même année, c’est-à-dire 1988, consacre également la fin de son séjour en équipe nationale qu’il a intégrée dès son transfert au Stade malien de Bamako, avec un palmarès de six tournois Cabral disputés et les éliminatoires des CAN de 1984, 1986 et 1988. Il regrette aujourd’hui n’avoir pas pu participer à une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations avec les Aigles.
Le football l’a-t-il nourri ? A l’instar de tous ceux-ci qui sont passés dans cette rubrique, Bréma Guèye est plutôt fier de deux choses : le sens patriotique qui guidait leurs efforts en équipe nationale et les relations que le football a créées pour lui. Sinon avec des primes de 30 000 Fcfa, l’on ne saurait se préparer un avenir. Heureusement que les supporters pensaient souvent aux joueurs pour les encourager et remonter leur moral.
Quand nous lui avons posé la question de savoir si sa carrière a connu des anecdotes, Guèye se rappelle d’une scène de chimie noire, à la veille de la demi-finale de la Coupe du Mali 1984 entre l’AS Biton de Ségou et l’AS Réal de Bamako :
“Quand les Réalistes ont débarqué à Ségou, l’AS Biton avait un grand supporter qu’on appelait Vieux Sidibé. Il apporta à Cheick Diabaté et moi une petite bouteille contenant une potion et deux petits cure-dents. Après avoir massé nos pieds avec la potion, on devrait aussi échanger les deux cure-dents. Et le vieux a été formel en disant que chacun de nous marquera un but, sinon deux pour le plus chanceux. Et il en fut ainsi, l’AS Biton a gagné. Cheick Diabaté a marqué deux buts et moi j’ai scoré une fois. C’est dire que la chimie noire a sa place en matière de football”.
O. Roger Sissoko
Faras est malade !
Aujourd’hui, l’ancien joueur de l’AS Biton de Ségou, du Stade malien de Bamako et des Aigles est employé au Comité national olympique et sportif du Mali. Un boulot qui lui a permis de fonder un foyer, se faire un toit, assurer l’avenir de sa famille à travers l’Inps et à l’Amo.
Suivant de très près le sport malien à travers sa position, Bréma Guèye dit n’avoir pas d’ambitions en matière d’administration ou de coaching de football car, pour le moment, son emploi du temps ne le lui permet pas.
A la fin de notre entretien, le cas de son ancien coéquipier, Dramane Traoré dit Faras, s’est invité dans le débat. Visiblement touché par la nouvelle qu’il venait d’apprendre par nos soins, Bréma Guèye ignorait en réalité l’état de santé dégradant de Faras. Mais il a promis de remonter l’information à l’Union nationale des anciens footballeurs du Mali (Unafom) qui, à son avis, peut lui apporter soutien et assistance. Comme ce furent les cas de Bouba Diarra du Djoliba et d’Adama Traoré dit Adama Boxeur. Dommage, la vie est faite ainsi.
Source: aujourdui mali