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Que sont-ils devenus : Abdoulaye Diawara dit Blocus : Musée vierge d’un buteur inné !

Dans sa parution du 27 juin 1961 le quotidien national  L’Essor écrivait qu’en demi-finale de la coupe du Mali, le Djoliba a limité les dégâts en première mi-temps, pour ensuite s’imposer sur l’avenir de Ségou, par 2 buts à 1 grâce à la magnifique partie de Blocus. En effet, poursuit le journal, si le Djoliba a remporté la victoire à Ségou, c’est en priorité à Blocus qu’il le doit, non seulement grâce aux deux buts qu’il marqua, le second d’une tête splendide sur corner, mais aussi au travail d’usure auquel il se livra, harcelant sans cesse la défense ségovienne, qui détacha une demi-aile en soutien. Ces commentaires mettent en évidence les qualités exceptionnelles d’un certain Abdoulaye Diawara dit Blocus, et surtout la place prépondérante qu’il occupait pour l’animation de l’attaque du Djoliba.  Ancien joueur du Foyer FC, dont la fusion avec l’Africa Sports de Bamako donna naissance au Djoliba AC le 20 aout 1960, Blocus avait une vision de jeu très large dans un match de football. Dépositaire au milieu et buteur attitré du Djoliba et de l’équipe nationale, il est l’un des artisans de la qualification du Mali aux Jeux africains de Brazzaville en 1965. Un rendez-vous qu’il manquera malheureusement à cause d’un mal de genou, ajouté à cela son absence à la CAN de Yaoundé 1972, pour des raisons politiques.  Parti en France pour jouer au Paris FC, il finit par alterner football, études, et boulot, avant de retourner au Mali pour occuper de hautes fonctions dans une société d’assurance. Nous l’avons rencontré dans un grand hôtel de la place dans le cadre de votre rubrique ” Que sont-ils devenus ? “. Découvrons ensemble le parcours de l’ancien sociétaire de l’Union Sportive de Bagadadji ! 

Nous avons connu Abdoulaye Diawara dit Blocus le 17 février 1989, lors de la coupe du monde juniors jouée dans le royaume Saoudien. Ce jour-là, les Aiglons maliens faisaient leur première sortie face aux USA (score 1- 1, but de N’Faly Kanté). Nous nous sommes posé la question de savoir, qui pouvait être cet homme bien cravaté avec une pipe à la bouche, et qui  conduisait l’équipe malienne à la sortie des vestiaires ? Vite notre confrère et doyen Djibril Traoré qui assurait la retransmission du match, a bien fait de nous renseigner en affirmant que Blocus est un ancien joueur du Djoliba, et de l’équipe nationale. Et c’est en sa qualité de Directeur Technique National (DTN) qu’il dirigeait la délégation malienne en Arabie Saoudite. A l’époque, âgé seulement de 47 ans, il était encore frais, très galant avec une démarche de pacha. Trente ans après, les réalités ont changé, l’âge a joué sa partition sur cette galanterie. Mais Abdoulaye Diawara dit Blocus reste encore aujourd’hui cet administrateur bien toiletté et bien sapé.

Dans la 1ère équipe du Djoliba AC

Abdoulaye Diawara dit Blocus avec ATT lors de sa décoration

Blocus, dans son jeune âge, a joué d’abord à l’Union Sportive de Bagadadji vers les années 1956. C’est sur le terrain du quartier que Makan Kanouté, le capitaine du Foyer FC  l’a repéré pour le proposer de transférer dans cette équipe. A peine âgé de 16 ans, il séduit le président de la ligue de Bamako, Joannel qui décida immédiatement de mettre en place l’équipe junior du Foyer, pour assurer la relève. C’était une façon de respecter les normes footballistiques, eu égard à l’âge des jeunots. Donc, il fallait les maintenir dans la catégorie de jeunes au moins un an, avant qu’ils ne rejoignent l’année suivante l’équipe première.

C’est ainsi que les Abdoulaye Diawara dit Blocus, Mamadou Diarra dit Pelé, Massa Djibril, Mamadou Kéïta dit Kremlin,  Abdoulaye Traoré dit Tjoutjou, Mamadou Koné dit Fabre vont renforcer l’équipe senior du Foyer FC. Ces jeunes avaient une préoccupation, une  ambition: jouer au ballon pour l’amour du club, préserver leur identité à l’image de l’éducation qu’ils ont reçue dans la grande famille, qui symbolisait notre société à l’avant-veille de l’indépendance. Ils sont restés au Foyer FC jusqu’à la fusion avec l’Africa Sports de Bamako en 1960. Ce qui donna naissance au Djoliba AC, où évoluaient déjà Boubacar Touré, Karounga Keïta dit Kéké, Modibo Keïta, Sinaly Alou Traoré dit Barade, Soumaïla Soumaré dit Pacha, Samba Sangaré dit Samba John, Laïs Traoré.

Ce groupe, dans lequel Blocus devient un élément incontournable, fixa pour de bon dans l’esprit et dans le cœur de beaucoup de supporters l’amour d’une équipe : le Djoliba. Un club qui forgea par la suite sa propre renommée et sa propre histoire grâce à des hommes comme  Tiéba Coulibaly, Kéké, Tiécoro Bagayoko, Minamba Keïta.

Les nouvelles autorités du pays vont joindre l’utile à l’agréable : le pays est indépendant, des clubs sont créés dans le district, et pourquoi ne pas mettre en place l’équipe nationale.

Pour la circonstance, un entraîneur Anglais du nom de Adams est recruté pour conduire les destinées de l’équipe nationale, composée des Blocus, Abdoulaye Traoré dit M’Baye Elastique, Ousmane Traoré dit Ousmanebleni, Bakaridjan Samaké dit Piantoni, M’Baye Niambelé, Boubacar Touré, Kéké etc….

Artisan de la qualification du Mali pour les Jeux Africains de Brazza en 1965, Abdoulaye Diawara dit Blocus porta le Djoliba sur son dos de 1960 à 1965. Malheureusement, il rata le premier événement footballistique auquel notre pays a pris part. Victime d’une fracture à Abidjan en 1964, le président Modibo Keïta, sur conseil de l’entraineur, l’envoya à Londres pour des soins appropriés. De retour, il reprend sa place au Djoliba, avec une seconde casquette, celle du poste d’entraineur, et amena même les Rouges en demie finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions contre l’Ashanti Kotoko de Kumasi : 0- 0  au Ghana, le Djoliba s’inclina à Bamako par le score de 2 buts à 1.

En froid avec le CMLN

Après le coup d’Etat de novembre 1968, Blocus décide d’aller en France. Il buta au refus catégorique de Tiécoro Bagayoko, qui pensait plutôt aux intérêts du Djoliba et de l’équipe nationale. Cette incompatibilité d’humeur entre les nouvelles autorités du pays et lui coûteront cher. Arrivé à l’aéroport d’Orly, il est rapatrié le même jour sur Bamako. Blocus ne se décourage pas, il concocte un plan B : rallier Dakar par la voie ferrée, l’Espagne  et Paris par le bateau. Une fois à Paris, il décroche un boulot dans une banque, entreprend des études de banque et d’assurance et joue les compétitions corporatives.

Comment a-t-il continué les études en France ? Avait-il déjà un diplôme au Mali ?  L’enfant de Bagadadji renseigne sur son cursus : ” Après mon CEP et ma bourse pour les grandes écoles, je suis parti au centre Père Michel. Par la suite, les dirigeants du Foyer FC m’ont inscrit au cours PIGER pour apprendre la comptabilité. Comptable au service civique en 1962, le frère du président Modibo Kéïta, à savoir Moussa Keïta dit Taty, qui aimait aussi le football, m’affecta au lycée Askia comme adjoint du surveillant général. Je serai nommé plus tard  maître d’internat quand les IBK, Alpha Oumar Konaré, Dioncounda Traoré, Boubacar Bah dit Bill, Sadia Cissé se succédaient dans cet établissement. Donc, quand je partais en France, j’avais des diplômes et une banque d’expériences dans mes bagages”.

A la fin de ses études en 1970, Salif  Keïta qui jouait déjà à Sainte Etienne est venu lui proposer un contrat  professionnel dans une autre équipe. Blocus déclina l’offre au motif qu’il voulait jouer, et en même temps travailler. Il s’en va à Singatin pour évoluer dans un club de deuxième division qui aspirait à accéder à l’élite.

Pour la CAN de Yaoundé, il ne sera pas retenu, parce que les autorités politiques n’avaient pas apprécié son entêtement à vouloir se rendre en France, malgré leur refus. Sinon, une seconde fois, Salif est venu le chercher pour la CAN, mais peine perdue.

Retour au bercail

Toujours animé du sentiment patriotique, il retrouve les Aigles après la CAN,  à la faveur du Mémorial Moussa Diallo dit Ballani. Diplôme supérieur en banque assurance en poche, âge peu avancé, Blocus prend sa retraite footballistique, et en 1975, il songea à retourner au pays, où il  est  embauché  à la Caisse Nationale d’Assurance et de Réassurance (CNAR).

C’est dans ce cadre qu’il retourne en France pour un stage en 1977. De 1981 à 1983, il est directeur régional de la CNAR à Ségou, avant d’être promu au poste de Directeur Général Adjoint. Avec ses expériences acquises dans l’Hexagone, il laissera sur leur faim les responsables de la structure en démissionnant avec fracas de son poste. Ceux-ci n’ont pas compris comment on peut prendre une telle décision étant déjà au centre de pilotage du service. Blocus avait son idée : créer un cabinet d’assurance et de courtage (CAMACAR) qui deviendra plus tard Nour Assurance.

En réalité, il a passé la main à son enfant, Moussa Diawara dit Baty (ancien député) qui lui aussi a entrepris les mêmes études que son père. Dès lors, il a pris sa retraite et ne s’occupe de rien.

Quel a été l’impact du football malien sur sa vie ? Blocus répond : “j’ai la satisfaction morale d’avoir défendu mon pays, à un moment où les primes n’existaient pas. Seulement le  président Modibo Keïta, a octroyé aux joueurs de l’équipe nationale un lot à usage d’habitation dans le quartier de N’Tomikorobougou, d’où la cité des joueurs. Cette décision du président est intervenue juste avant le match contre le Sénégal après l’éclatement de la fédération. Il trouvait là une occasion de se faire un bon moral. Donc, à l’internat, il nous dit clairement que la coupe N’Kwame Krumah ne l’intéresse pas, mais une victoire sur le Sénégal. Sur le coup, nous lui avons promis un exploit, et en retour un terrain pour chaque joueur  ferait l’affaire. Le président donne sa parole et demande à un de ses conseillers de prendre note. Il affecta même un avion spécial pour transporter les joueurs et les supporters. Le Mali a gagné par 3 buts à 1, et j’en ai marqué deux. Effectivement, le président Modibo Keïta a donné les terrains à la veille de la phase finale des Jeux Africains de Brazza. Je n’étais pas au Mali, mais j’ai eu mon lot. Donc, le football malien m’a fait du bien. Sinon, nous ne gagnions pas de primes, mais des encouragements”.

Comme bons souvenirs, il retient la finale de la  première coupe du Mali remportée par le Stade malien, aux termes de deux éditions, la coupe Patrice Lumumba. Dans ces rencontres, il a marqué deux buts.

Sa blessure qui l’a privé des Jeux Africains de Brazza est son seul mauvais souvenir.

Paradoxalement avec le Djoliba, et malgré le fait qu’il était un joueur aux atouts multidimensionnels, Abdoulaye Diawara n’a remporté aucune coupe du Mali. Il a raté les éditions de 1961 contre le Stade malien, en 1964 et 1965, il était blessé. Entraineur des Rouges de 1966 à 1968, il décida de s’exiler en France.  Cependant, il a remporté trois titres de champion (1966 -1967-1968).

Faudrait-il rappeler qu’Abdoulaye Diawara dit Blocus a été le premier DTN de la Fédération. Et c’est lui qui a nommé feu Idrissa Touré dit Nany et Mamadou Diakité dit Doudou au poste d’entraîneurs des Aiglons en 1987. Qu’est ce qui a motivé ces choix ? Il soutient qu’il a la conviction que ceux-ci ont fait la même école que lui en Allemagne. Donc, ils avaient tous les atouts pour être mis à l’épreuve.

Blocus après une carrière administrative bien remplie, profite bien de sa retraite.

O. Roger Sissoko

Source: Aujourd’hui-Mali

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