Le nom de l’ancien international du Stade malien de Bamako Abdoul Karim Magassouba (AKM) sonne dans les annales du football malien comme les sirènes de la Sonatam ou de la Régie des chemins de fer du Mali. Elles servaient de repères pour les fonctionnaires et élèves du district de Bamako dans les années 1960-1970. Leur sonnerie à des heures précises de la journée ne passait pas inaperçue. La comparaison de ces deux appareils sonores est liée à la riche carrière de notre héros de la semaine. Nul sportif ne peut dire qu’il n’a pas vécu ses années de gloire, non seulement au Stade malien, mais aussi en équipe nationale. Mobile comme l’aiguille d’une montre, Abdoul Karim Magassouba passait les 90 minutes à tournoyer dans la surface de réparation adverse. Toujours à l’affût de la moindre occasion, il marquait le but dans tous les sens. Pourquoi ne pas le comparer à Seydou Diarra dit Platini, Abdoulaye Koumaré dit Muller, Antoine Sah, Mamady Cissé dit Tostao ? Parce qu’il a marché sur leurs traces avec des buts splendides, en créant le même plaisir, le même enthousiasme dans le cœur des supporters. Nous retenons qu’Abdoul Karim Magassouba était un véritable renard de surface. Lui-même reconnait que seul le défenseur Souleymane Sangaré dit Soloni de l’AS Réal l’a défié durant sa carrière. A la veille de la finale de la Coupe du Mali en 1992, Magassouba affirme devant la presse qu’il marquera un but le jour j. Face à une telle déclaration, le défenseur réaliste a tout mis en œuvre pour lui rappeler un conseil de Roger Milla. C’est à dire qu’on n’annonce pas le but avant le match. Abdoul Karim Magassouba est notre héros de la semaine dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Abdoul Karim Magassouba était un jeunot très discipliné. Il a intégré l’équipe nationale très tôt. Au milieu de ses aînés, il s’est comporté en benjamin de la famille. Toujours aux services de ses devanciers, c’est lui qui faisait le thé, lavait les chaussettes et faisait des va-et-vient entre l’internat et la boutique. Parfois Karamoko Diané (ancien gardien international du Djoliba AC), le protégeait.
Dans une dictature comique il le faisait asseoir à ses côtés, en demandant aux autres joueurs de trouver une solution à leurs occupations. Ce comportement qui traduit la bonne éducation, fut un alibi dont s’est servi l’entraîneur Molobaly Sissoko pour lui donner l’opportunité d’enfiler le maillot national.
C’est dans son village natal, Dioïla (cercle de Koulikoro) qu’Abdoul Karim Magassouba a été repéré. Il a débuté au Baoulé Club local en 1988, quand il faisait la septième année. L’équipe s’était fixé comme objectif la montée en première division. A défaut, elle se contentait des semaines locales et régionales.
L’édition de Kangaba a été sanctionnée par une victoire en finale du Baoulé Club de Dioïla : 5 matches, 5 victoires, 10 buts inscrits dont 7 par Magassouba.
A l’issue de cette semaine régionale, Abdoul Karim Magassouba va entamer des négociations avec l’entraîneur du Nianan de Koulikoro, Cheick Oumar Koné pour son transfert dans la Capitale du Méguétan. Au même moment l’ex-percepteur de Dioïla Diango Tounkara, originaire de Kati, s’invite dans les pourparlers pour débaucher Magass au profit du Mamahira dans l’attente de la montée en première division.
En matches de préparation de cette compétition, il marque six buts contre le Stade malien, l’AS Réal et le Djoliba. Qui est ce jeune goleador audacieux et imperturbable ? Malheureusement ; le Mamahira de Kati est coiffé au poteau par l’AS Mandé de la Commune IV et accède en 1re division. AKM soutient n’avoir pas vécu longtemps cette déception. Quarante-huit heures après, le coach Molobaly Sissoko le conseille à son collègue Mory Goïta pour le tournoi junior de la Cédéao.
Celui-ci ne pouvait contrarier son aîné et s’est efforcé à donner sa chance au jeune Magass. En trois matches d’entraînement, il marque dix buts. Il ne restait plus qu’à lui délivrer un passeport pour le voyage des Aiglons. Une première sélection qui explique les autres et tout son parcours en équipe nationale de 1992 à 1998, sanctionné par les éliminatoires des Can de Tunis 1994, d’Afrique du Sud 1996 et Burkina 1998. Il n’a pu participer à la Can de Tunis pour cause de blessure. Trois semaines après le tournoi Cédéao, AKM apprend sa convocation pour le tournoi Cabral de façon insolite. Et de quelle manière ? “C’était en 1992. Je faisais la dixième année au lycée Askia Mohamed. Je venais au Rail Da pour prendre un transport en commun. L’attroupement des ouvriers autour d’une radio réveilla ma curiosité. Je me suis approché pour en savoir plus. Ils écoutaient l’avis de convocation des Aigles pour la Coupe Amilcar Cabral. Et c’est là où j’ai entendu mon nom. Très jeune parmi des vedettes du football malien, l’émotion a failli arrêter mon cœur. Ma réaction a suscité des interrogations, et il m’a fallu ouvrir mon cahier pour convaincre des ouvriers qui pensaient que j’étais trop petit pour être à ce niveau. Bref c’était la joie !”
Après cette première aventure AKM va directement au Stade malien de Bamako, sous les injonctions de l’entraîneur Molobaly Sissoko. Avec les Blancs, il remporte trois coupes du Mali (1992, 1994, 1995), trois titres de champion (1993, 1994, 1995), deux doublés (1994, 1995), la Coupe UFOA en 1992.
Au tournoi de l’amitié organisé en Côte d’Ivoire entre le Stade malien, l’Africa Sport, l’Asec Mimosa, l’Ashanti Kotoko de Koumassi, il est repéré par un Belge, René Talman ancien entraîneur de l’Africa Sport et agent de joueurs. Il lui propose le FC Sion. Mamadou Kéita dit Capi exige plutôt des négociations à Bamako à l’issue desquelles Magass signe pour une saison (1996-1997).
Montée en puissance
L’année suivante les divergences entre le président du club et son manager font échouer le renouvellement du contrat. Il retourne à Bamako et tombe sur une nouvelle opportunité. “En vacances au Mali, je reçois un coup de fil de l’ambassadeur d’Arabie saoudite. Il a été chargé d’organiser immédiatement mon voyage dans son pays, au compte de l’équipe El Nasr. J’exige d’être accompagné par Seyba Lamine Traoré, avec lequel je partage beaucoup de choses. Mes conditions sont d’emblée acceptées. A notre arrivée nous avons compris que l’interprète ne jouait pas franc jeu dans les négociations. Il voulait nous tromper sur le plan financier. Notre réaction a été brutale, nous sommes retournés malgré les interventions des dirigeants. Au même moment René Talman m’attendait à Bamako pour un contrat de deux ans au El Rabi Sporting Club de Koweït (1997-1999)”.
Avec son club, Magassouba remporte la Coupe du Prince, devient le meilleur buteur du club, et deuxième meilleur buteur du championnat koweïtien. Pour la saison 1999-2000 il joue au FC Iveroton de Suisse. Il passe la saison suivante (2000-2001) au Stade tunisien, avant de revenir à ses sources au Mali, plus précisément à l’ASB (2001-2002).
Son passage dans ce club n’a pas enregistré de résultats probants parce qu’il n’était pas régulier aux entraînements. Une fois au village, sa mère lui pose la question de savoir, pourquoi il n’est plus cette vedette dont tout Dioïla parlait ? C’est-à-dire on n’entend plus son nom sur les antennes de Radio-Mali.
Selon Abdoul Karim Magassouba, cette remarque de sa mère l’a choqué. Il lui promet que tout ira bien une fois de plus. Il revient au Stade malien de Bamako pour terminer sa saison. Il a été mal traité et se résout à répondre à la sollicitation d’Amadou Baïba Kouma, président de l’AS Bakaridjan. De la queue du championnat, Magass propulse le club à la quatrième place de la compétition, élimine le Stade malien en quarts de finale de la Coupe du Mali, fait chuter le COB en demi-finale.
Les espoirs du club de Barouéli sont brisés par le Djoliba en finale de la Coupe du Mali de 2007 jouée à Kayes et arbitrée par un certain Koman Coulibaly. Au-delà de cette défaite, AKM aura honoré la promesse faite à sa mère. Mieux il a inscrit en lettres d’or le nom de l’AS Bakaridjan dans les annales de l’histoire de la Coupe du Mali. Autre temps, autre réalité, l’heure de la retraite a sonné. L’enfant de Dioïla termine sa carrière au Centre Salif Kéita pour la saison 2009-2010. A partir de cette date, il prend les rênes du Baoulé Club de Dioïla. En 2014, il passe des diplômes d’entraîneur. Depuis 2018, il est le coach des juniors du Stade malien de Bamako.
Les bons moments de sa carrière : sa première sélection en équipe nationale, son premier voyage avec les Aigles. Il se souvient encore comment Aly Diop le guidait à l’aéroport et dans l’avion. Son seul mauvais souvenir est le titre de champion empêché par le Sigui. Ce dernier jour de championnat en 1992, l’équipe kayésienne qui n’avait rien à gagner, ni à perdre s’est battue jusqu’à son dernier retranchement pour tenir le Stade malien en échec. Un match nul qui a compromis les chances des Blancs. Effectivement le Djoliba s’adjugera du titre en deuxième heure en étrillant l’AS Mandé de la Commune IV par cinq buts à deux.
AKM est marié et père de trois enfants dont une fille. Dans la vie il aime les prières, le football et la lecture. Il déteste le mensonge, l’égocentrisme, la trahison.
O. Roger
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Source: Aujourd’hui-Mali