FAUX ET USAGE DE FAUX EN MATIERE FONCIERE A KALABANBOUGOU
Des titres fonciers créés par le cercle de Kati sur un titre foncier du district de Bamako, plus précisément sur un terrain préalablement mis à la disposition de la commune IV du district de Bamako par le gouvernement statuant en conseil des ministres, c’est ce qui se passe à Kalabanbougou, au sujet de cette affaire qu’il convient d’appeler la convoitise des rapaces du foncier de Kati sur les 100 ha de Bamako. Mais plus grave, comme l’atteste une lettre du directeur régional des Domaines du district de Bamako, lequel avait reçu le dossier de son homologue de Koulikoro via le bureau de Kati pour « localisation erronée », les demandeurs de titres fonciers, pour réclamer cette parcelle, la situent à Samaya, mais curieusement les titres fonciers sortent à Kati avec localisation à Kalabanbougou en commune IV. Quel prestidigitateur serait-il passé par-là ?
Si en commune IV de Bamako l’Etat a voulu régler le problème des déguerpis suite aux programmes de réhabilitation et des victimes des inondations, en leur destinant un terrain d’une superficie de 100 hectares distrait de la réserve foncière de Kalabanbougou, cette décision a créé en contrepartie un litige foncier qui fait souffrir d’honnêtes citoyens. De quoi s’agit-il exactement ?
Par lettre n° 074/MDEEAF-Sg du 07 mai 2001 (dont nous détenons copie), le ministre des Domaines et des Affaires foncières de l’époque, Mme Bouaré Fily Sissoko, notifie au maire de la commune IV de Bamako que « suite aux enquêtes foncières dans le district de Bamako et après avis du Conseil des ministres en sa session extraordinaire du mardi 24 avril 2001, je vous notifie la mise à disposition de votre commune d’un terrain d’une superficie de 100 hectares à distraire de la réserve foncière de Kalabanbougou ». Cette dotation, précise toujours la lettre du ministre, « est destinée au recasement des populations déguerpies suite aux programmes de réhabilitation et de victimes des inondations ». Voilà qui ne souffre d’aucune équivoque.
Le 24 décembre de la même année, le tout puissant ministre de l’Equipement de l’Aménagement du territoire de l’environnement et de l’urbanisme d’alors, Soumaïla Cissé, va confirmer cette initiative du gouvernement par lettre n° 01532/MEATEU-SG en réponse de la lettre du maire de la commune IV n°0123/C-IV-DB du 05 octobre 2001. En effet, dans la correspondance du ministre dont nous avons une copie, on peut lire : « Suite à votre lettre ci-dessus citée en référence et relative au projet de lotissement de la zone de recasement de Kalabanbougou en commune IV-DB, j’ai l’honneur de vous accorder la mise en application de ladite opération ».
La régularité de l’acquisition de ce terrain de 100 hectares par la mairie de la commune IV pour y recaser les déguerpis suite à des réhabilitations et les victimes des inondations ne souffre d’aucun doute. Le problème se situe ailleurs parce que des esprits tordus qui se croient malins vont justement attendre ce moment précis, pour tenter de jouer aux apprentis sorciers et mettre depuis lors des grains de sable dans l’engrenage, causant au passage d’énormes dégâts, avec la bénédiction du Tribunal de Kati qui s’est permis d’ordonner la destruction de maisons d’honnêtes citoyens qui se trouvent d’ailleurs sur le territoire du district de Bamako et non sur celui de Kati. Ce qui est très grave !
Création de titres fonciers à la fin du processus d’enquêtes
Effectivement, c’est après les enquêtes foncières qui ont permis d’identifier les parcelles avec titres fonciers se trouvant sur le site mais non touchées par l’opération, que des membres de la famille Niaré, lorsqu’ils ont vu la procédure aboutir, sont allés créer des titres fonciers sur leurs champs qu’ils déclarent être à Samaya, en amenant d’ailleurs une confusion, parce que faisant intervenir les autorités de la commune de Kati qui ont créé leurs titres, alors que le terrain actuellement querellé se trouve dans la commune IV du District de Bamako. Cette même confusion sera d’ailleurs entretenue par le Tribunal de Kati qui a osé prétendre que les limites ne sont pas clairement définies entre la commune de Bamako et celles de Kati, pour finalement, sur cette base, trancher en faveur des Niaré.
Pourtant, le tribunal Administratif n’étant pas du même avis, après investigations, va annuler les titres des requérants. Quoi de plus normal !
Les dénonciations du maire de la commune IV ignorées
De son côté, le maire de la commune IV du district de Bamako avait écrit au directeur des Domaines et du cadastre, par lettre n°090/C.IV-DB du 31/07/2002 avec un objet très clair : « Empiètement du domaine foncier de la commune IV par les services de Kati ». En effet, dans cette correspondance, le maire de la commune IV écrit clairement : « J’ai l’honneur de vous informer que les services des Domaines du cercle de Kati se livrent depuis un certain temps à l’occupation du domaine foncier de notre commune. En effet, ces services distribuent des titres fonciers à des personnes sur les terres relevant de notre commune. Le pire est que les deux derniers récents titres délivrés dont le 1erN° 6395 du 19/112001 accordé à Monsieur Diaguily Diombiana et le second à la famille Niaré (MNTF 7435) sont tous situés dans les cents (100) hectares affectés à la commune IV par lettre n°01532/ MEATEU/SG du 24/12/2001 ».
On ne peut être vraiment plus clair et dans un pays sérieux on en serait pas arrivé au pourrissement de la situation, au point que les Niaré, forts encore d’une décision du tribunal de Kati, puissent se permettre de tenter de faire procéder à l’expulsion-destruction de maisons construites à la sueur de leur front par de réguliers propriétaires.
Mais les Niaré sont allés jusqu’à saisir la section administrative de la Cour suprême pour tenter d’infirmer une décision du tribunal Administratif qui confirmait la décision prise par le directeur national des Domaines d’annuler les titres fonciers délivrés par les services des domaines et du cadastre de Kati sur le terrain de Kalabanbougou, sur la base des attributions effectuées par les autorités communales de Kati sur ce même terrain et notamment sur les 100 hectares en question. Il s’agit précisément de la décision n° 0001/MDEAFH-DNDC du 04 février 2003 portant annulation des titres n° 7445 et 7446 de Kati et des actes administratifs n°02-641 et 02-650/DNDC-DRDC-Kkro et 19-07-2002. En d’autres termes, comme le stipule cette décision du directeur national des Domaines et du Cadastre, notamment en son article 1 : « Sont annulés pour incompétence territoriale, les titres fonciers n° 7445 et 7446 de Kati et les actes administratifs de cession n°02-641 et 02-650/MDEAFH-DNDC-DRDC respectivement des 17 juillet 2002 et 19 juillet 2002 ».
Quand la Cour suprême ignore l’avis de l’Institut national géographique
La Cour suprême, par sagesse, demandera l’éclairage de l’Institut national géographique dont la voix fait autorité pour la résolution d’un pareil conflit dont la délimitation de frontière est à la base du différend. Notons que le maire de la commune IV a pris soin, lui aussi, de solliciter l’éclairage de l’Institut national géographique dont la réponse a été sans équivoque. En effet, dans la correspondance n° 00176/IGM du 04 août 2014, l’Institut précise que les ilots en question se trouvent à l’intérieur de la commune IV, en précisant que « cette limite a été adoptée par ordonnance n° 78-33/CMLN du 18 août 1978 ».
Contre toute attente et malgré ces clarifications apportées à la section administrative de la Cour suprême, cette dernière remet en selle la famille Niaré en annulant la décision du tribunal Administratif, sous le prétexte que les limites entre Bamako et Kati ne sont pas connues. Le tribunal de Kati entre de nouveau dans le jeu pour ordonner la démolition des constructions sur ce terrain sans que les propriétaires ne soient au courant car ceux qui ont été cités dans les actes sont des gardiens et des ouvriers trouvés en train de travailler sur place et non les vrais propriétaires.
Le ministre de la Sécurité panique et appuie la démolition des constructions
Mais après avoir rencontré des difficultés dans l’exécution de cette décision qui a provoqué une mobilisation générale en commune IV et au niveau de la mairie du district de Bamako contre cette injustice, les Niaré ont procédé à l’interpellation du ministre de la Sécurité à l’occasion de l’EID. A la veille de tenue de la séance de l’EID, le ministre de la Sécurité d’alors, Général Sada Samaké, fait une fuite en avant et autorise la démolition des constructions en mobilisant un impressionnant dispositif sécuritaire pour cela. Ce qui l’intéressait, visiblement, c’était de sauver sa tête d’une interpellation, sacrifiant ainsi au passage les intérêts et les droits de ceux qui ont acquis honnêtement et légalement leur terrain pour y ériger une construction.
Précisons que, dans tout cela, le Commandant de la Brigade de gendarmerie de Bamako- Coura, de son côté, avait fait un rapport qui clôturait ce dossier, notamment en précisant au tribunal de Kati que le terrain objet du conflit se trouve à Bamako et non sur le territoire de la commune de Kati.
Une localisation erronée des titres fonciers
En plus, le directeur des Domaines et du cadastre du district de Bamako, par lettre n°0092/DDDC du mois de mai 2003, adressé à l’un de ceux qui convoite la parcelle pour s’y faire établir un titre foncier, a écrit noir sur blanc : « Les parcelles se trouveraient à Kalabanbougou district de Bamako dans une zone où le Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières et de l’Habitat a demandé l’état des lieux en vue d’un certain nombre de dévolutions, notamment à la commune IV et à l’ACI. En attendant la conclusion de cette opération, j’ai décidé de suspendre le traitement de vos dossiers ». Voilà qui est clair, surtout que la première partie de cette lettre, encore disponible dans les archives, tranche toute la polémique : « J’ai l’honneur de vous informer que les dossiers de transformation de titres fonciers que vous avez introduits à la Direction régionale des Domaines de Koulikoro Bureau de Kati en vue de leur transformation en titres fonciers et portant sur des parcelles qui se trouveraient à Samaya, m’ont été expédiés par mon collègue de Koulikoro pour cause de localisation erronée ».
Il est bien écrit « localisation erronée » et c’est l’un des aspects importants de ce dossier pour lequel des terres censées se trouver à Samaya se retrouvent avec des titres fonciers qui les situe à Kalabanbougou en commune IV, par des autorités de Kati, et en plus sur une parcelle déjà affectée par l’Etat à la commune IV.
Mais malgré cela, c’est en fin 2016 que le tribunal de Kati, saisi encore d’une plainte des Niaré, va passer outre tout ceci et leur donner raison en ordonnant l’expulsion-démolition des constructions se trouvant sur le site, causant ainsi énormément de torts aux intéressés, lesquels se demandent à présent, s’ils ne sont pas exclus de la République pour subir autant d’injustice, voire de persécutions.
La réaction des autorités toujours attendue
Des questions, il y en a autour de ce dossier et y répondre revient à interpeller le ministre e la Justice et son homologue en charge de l’Habitat et de l’Urbanisme.
D’abord, comment les autorités du cercle de Kati peuvent-elles délivrer des titres fonciers sur une parcelle préalablement affectée à la commune IV de Bamako par décision du gouvernement en conseil des ministres ?
Comment la Cour suprême et le tribunal de Kati peuvent-ils faire fi de l’avis de l’Institut national géographique qui précise bien que le terrain querellé est bien dans le district de Bamako et non dans le cercle de Kati ? En plus, en prenant le soin de citer le texte qui délimite les deux localités ?
Pourquoi, encore, n’a-t-on pas tenu compte du rapport de la Brigade de gendarmerie de Bamako-Coura qui après investigations est allé dans le même sens que l’Institut national géographique ? A savoir que ledit terrain n’est pas sur le territoire de Kati, mais bien sur celui de Bamako ?
Pourquoi, au nom de la continuité du service public les gouvernements, qui se sont succédé, ne sont-ils pas intervenus pour sauvegarder un acte posé par le même gouvernement, à savoir recaser des déguerpis dans cette parcelle de 100 hectares !
Autant de questions qui appellent certes des réponses du ministre de la Justice et celui de l’Urbanisme et de l’habitat, mais des réponses pas orales, plutôt en actes pour que le Mali ne plonge pas dans le chaos.
Source: Le Sphinx Mali