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Quand Trump évoque (enfin) la possibilité d’une défaite

A l’occasion de son premier discours post-scrutin, le futur ex-président a pour la première fois laissé entendre qu’il pourrait bien avoir perdu. Au moment où les derniers résultats tombent pour mieux confirmer la victoire de Joe Biden.

 

«Je pense que le temps nous dira quelle administration nous aurons.»  Pour la première fois depuis l’annonce des résultats de la course à la Maison blanche par les médias américains, Donald Trump a entrouvert la porte à une défaite face à Joe Biden, conforté de son côté par l’annonce, dix jours après le scrutin, des derniers résultats de la présidentielle.

C’est au détour d’un commentaire sur la recrudescence de la pandémie de Covid-19 aux Etats-Unis, que le président sortant, pour sa première prise de parole publique depuis plus d’une semaine, a évoqué la possibilité d’un revers électoral. «Espérons que la… la…», débute-t-il avant de se reprendre pour ne pas citer la future administration Biden. «Quoi qu’il se passe à l’avenir, qui sait, je peux vous dire que cette administration n’imposera pas de confinement», a-t-il déclaré, beaucoup moins catégorique que dans ses tweets dénonçant à l’envi une élection «truquée».

Même si le camp Trump est dans l’incapacité de produire un seul élément concret prouvant l’existence d’une fraude électorale à grande échelle, certains de ses soutiens les plus radicaux du président sortant ont commencé à rallier Washington pour participer samedi à ce qu’ils ont  rebaptisé «The Million MAGA March», jouant sur les mots pour faire le parallèle avec «The Million Man March», un défilé monstre de la communauté afro-américaine d’octobre 1995.

Du côté du président sortant, son lapsus était-il une simple maladresse ou un début de résignation ? En voyant Donald Trump débarquer dans la roseraie de la Maison blanche non plus avec sa traditionnelle tignasse blond-orangé, mais une chevelure grisonnante, de nombreux Américains optaient plutôt pour la deuxième option, blaguant sur le fait que son coiffeur était déjà parti de la Maison Blanche. Pas sûr, à voir le futur ex-président relayer sur son compte twitter un documentaire intitulé «The plot against the President» (Le complot contre le président).

Trump, lui, n’a pas parlé davantage de la présidentielle. Il a conclu son intervention dans les jardins de la Maison Blanche sans répondre aux questions des journalistes, un exercice auquel il s’est pourtant prêté très régulièrement au cours de son mandat.

«Raz-de-marée»

Quelques heures avant cette prise de parole présidentielle, les derniers résultats du scrutin du 3 novembre venaient de tomber, après dix jours d’attente. Selon les projections des grands médias américains, la Géorgie, épicentre de la future bataille pour le Sénat américain, est finalement allée à Joe Biden, et la Caroline du Nord à Donald Trump.

Ironie du sort, le démocrate a remporté au final 306 grands électeurs, contre 232 au président sortant. Soit le score inversé de la victoire du milliardaire républicain – qui avait alors parlé d’un «raz-de-marée» – face à Hillary Clinton en 2016.

Un recomptage des votes doit avoir lieu en Géorgie, où l’écart est très faible entre les deux candidats (14 000 voix les séparent), mais son issue ne changera rien au résultat final : Joe Biden dispose, quoi qu’il arrive dans cet Etat, des 270 grands électeurs nécessaires pour s’ouvrir les portes de la Maison Blanche. Sur son réseau, Facebook, lui, vient de supprimer le titre de président de Trump pour le remplacer par celui de «candidat politique».

Au même moment, Mark Zuckerberg annonçait à l’occasion d’une réunion avec ses employés : «Je pense que le résultat des élections est désormais clair et que Joe Biden sera notre prochain président.» Une sortie personnelle en forme de mise au point, alors que des posts contredisant la victoire de Biden circulent toujours en nombre sur le réseau. Une manière, aussi, de faire oublier le traitement – très critiqué – de la campagne par le géant concernant la désinformation. Le compte de l’ex-bras droit de Trump, Steve Bannon, est d’ailleurs toujours actif, malgré sa dernière saillie où il souhaitait voir la tête du conseiller scientifique de Donald Trump Anthony Fauci «au bout d’une pique».

Vendredi matin, Donald Trump avait encore affirmé être le vainqueur de la présidentielle. «Une élection truquée!», tweetait-il encore, poursuivant sa remise en cause des résultats. Et les partisans du président, une marée de casquettes rouges «Make America Great Again» auprès de qui il n’a cessé de s’entourer dans les dernières heures de sa campagne, continuent d’être bombardés de demandes de participation financière pour «défendre l’élection» devant des tribunaux.

Dans un autre tweet, Trump a écrit envisager de se rendre à la manifestation organisée par ses supporters samedi dans les rues de la capitale: «Cela fait chaud au cœur de voir tout cet énorme soutien, surtout ces rassemblements spontanés qui fleurissent à travers le pays, dont un grand samedi à (Washington) DC. Je pourrais même essayer de passer dire bonjour.»

Ses ministres et conseillers les plus fidèles assurent aussi préparer le terrain à «un second mandat Trump», continuant à construire un mur de déni autour de Trump. «Je pense que le président va participer à sa propre inauguration» en janvier, a ainsi assuré sur Fox News la porte-parole de la Maison Blanche Kayleigh McEnany deux jours après des propos similaires du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qui entame lundi une tournée en Europe et dans le Moyen-Orient comme si de rien n’était.

Première en Géorgie depuis 1992

Félicité par la Chine pour sa victoire, Joe Biden aura réussi, si les résultats se confirment à l’issue du recomptage, à faire basculer la Géorgie dans le camp démocrate pour la première fois depuis 1992. L’Arizona, où il a également été donné vainqueur jeudi à l’issue d’une longue attente, causée notamment par le recours massif au vote par correspondance, n’avait lui plus voté pour un candidat de gauche à la Maison Blanche depuis Bill Clinton en 1996.

Le président élu a fait de la pandémie la priorité numéro un de son futur mandat. Il a dévoilé cette semaine le nom des membres de la cellule de crise consacrée à œuvrer sur le sujet, dès son entrée à la Maison Blanche, prévue le 20 janvier.

L’urgence sanitaire, avec désormais plus de 100 000 nouvelles contaminations quotidiennes en moyenne, nécessite d’accélérer la procédure de transition présidentielle, affirment les démocrates. «Plus tôt nous pourrons faire participer nos experts aux réunions de planification de la campagne de vaccination, plus la transition pourra se faire en douceur», a plaidé sur la chaîne MSNBC le futur chef de cabinet de la Maison Blanche Ron Klain.

Seule une poignée d’élus républicains du Congrès ont reconnu jusqu’ici la victoire de Joe Biden, alors que des agences fédérales en charge de la sécurité des élections ont assuré que celle du 3 novembre avait été «la plus sûre de l’histoire des Etats-Unis».

Romain Métairie

Source: Libération

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