Que se passe réellement au marché forum d’Adjamé dans le District d’Abidjan? Qu’est-ce qui oppose les commerçants au promoteur du marché au point que celui-ci veut en expulser les occupants? Comment est né le litige entre Mohamed Saïdi Jamal, promoteur du plus grand marché d’Abidjan et les commerçants qui sont en place depuis 1997? C’est pour répondre à ces interrogations que le Directeur Général de la Fédération Nationale des Acteurs du Commerce de Côte d’Ivoire (FENACCI) était l’invité de la rubrique »Instant Vérité » de l’émission Matin Bonheur.
Bonjour M. Sanogo, à qui appartient le Forum des marchés d’Adjamé ?
Karim Sanogo :A l’origine le forum appartient à la mairie, puisque c’est la mairie qui est détentrice du sol, elle a signé un bail emphytéotique avec la SCGI de M. Saïd Mohamed depuis 1997.
Qui est M. Saïd Mohamed Jamal?
Saïd Mohamed est le PDG de la SCGI, la société promotrice du marché du Forum
Alors si le marché lui appartient, pourquoi ce palabre ? Pourquoi la tension ?
Il y a tension parce que il y a eu une mauvaise interprétation depuis 2002. Depuis 2002, il y a eu des soucis d’interprétations puisque les commerçants qui avaient payé des parts avaient pensé qu’ils ne devaient plus payer. Ça a créé des problèmes, ils sont allés en justice et les autorités se sont saisies du dossier. Il y a eu une accalmie en 2002, mais en 2003 il a refait surface encore
Mais quelles sont les médiations entreprises par la FENACCI pour tenter de réconcilier les deux parties ?
Si la FENACCI tente une médiation, il faut bien que les deux parties acceptent. Mais dans le cas précis la FENACCI a saisi M. Saïd qui n’a pas daigné répondre favorablement à la demande de la FENACCI. La FENACCI a juste proposé son expertise qu’elle avait déjà développée pour le compte du même M. Saïd au niveau du marché de Black Market. Il faut dire que le marché de Black Market a été aussi conçu par Saïd Mohamed et les mêmes soucis ont failli surgir. Quand la FENACCI a proposé ses bons offices les choses se sont passées correctement.
Mais ce que nous voulons savoir, est-ce que la FENACCI a fait asseoir les deux parties sur la même table ?
C’est ce que j’ai dit Mme, pour qu’une médiation se fasse il faut que les deux parties acceptent mais c’est vrai que les commerçants nous ont rapprochés et nous avons aussi écrit à Saïd Mohamed qui n’a pas daigné répondre favorablement
Sanogo, le conflit a commencé en 2002, on est en 2018, cela fait 16 ans déjà, pendant 16 ans vous dites sur ce plateau que vous n’avez jamais pu réunir autour de la même table M. Saïd et les commerçants, c’est cela ?
Mais c’est pas parce que nous n’avons pas tenté hein, je vous ait dit, la dernière tentative que nous avons fait remonte à janvier 2017 , on a écrit à Saïd Mohamed pour proposer une médiation entre lui et les commerçants, il n’a pas accepté. En ce moment nous sommes obligés de prendre position pour nos commerçants surtout que nous voyons que ceux-ci sont victimes de spoliations de la part de Saïd Mohamed.
Combien d’associations compte votre fédération ?
La FENACCI a plus de 215 structures affiliées
Donc plus de 215 structures affiliées. Comment se fait-il que vous n’arrivez pas à vous imposer sur le terrain face à un tiers, je veux dire qui menace la quiétude même des commerçants ?
Nous imposer , je pense que c’est ce que nous avons tenté de faire récemment puisque lorsque nous avons vu que Saïd, depuis la fin de l’année dernière, continuait d’expulser les commerçants, nous sommes montés au créneau, nous étions obligés d’interpeller les autorités.
Vous êtes montés au créneau, nous avez interpellé les autorités. Pourquoi ?
Mais pour qu’au moins une solution soit trouvée puisque nous avons constaté que M. Said est en train de spolier les commerçants des magasins qu’ils ont depuis 1997, puisque eux-mêmes nous ont dit que le marché a été construit en lien avec les commerçants, donc vous avez construit en lien et aujourd’hui tu es en train de spolier les mêmes commerçants pour des prétextes de loyers impayés ou de retard dans la convention que vous avez signé en 2003.
La question que les Ivoiriens veulent savoir, il y a une fédération qui représente les commerçants, que fait donc cette fédération avant d’interpeller les autorités ? C’est cela la question.
Mme je vous ai dit, la fédération ne peut que prêter ses bons offices et c’est ce que nous avons fait.
Vous n’avez pas d’avocat pour vous représenter ?
Si, nous avons notre avocat, qui est à la disposition des commerçants du forum depuis plus de 3 à 4 ans
Mais qu’est-ce qui se passe. Pourquoi les choses n’avancent pas ?
Les choses n’avancent pas, c’est la mauvaise fois du promoteur, c’est ce que je vous ai dit. C’est la mauvaise fois du promoteur.
Mais vous comprenez avec moi qu’on ne peut pas rester dans une telle situation de 2002 jusqu’à 2018 , M. Said qui fait, comme vous le dites, la pluie et le beau temps, mais face à un groupe de personnes cela n’est pas possible que ça sepasse ainsi pendant 16 ans ?
Oui mais le problème, c’est que si, peut être, M. Saïd bénéficie du soutien des autorités. Je prends par exemple des autorités locales, c’est tout à fait normal que le conflit perdure puisque cette combine a commencé depuis 2009 où il y a un courrier confidentiel de la maire au ministre de l’intérieur proposant à l’Etat de racheter le forum des marchés d’Adjamé à la somme de 13 milliards de FCFA, alors qu’à l’origine de 1997 à 2001, les commerçants ont payé et les parts de port et les places du Forum des marchés. Donc on ne sait même pas quelle est l’origine de ces 13 milliards qui sont réclamés par le promoteur à l’Etat.
Mais expliquez-nous exactement pourquoi on n’arrive pas à résoudre cette question, puisqu’on ne peut pas rester dans cette situation ?
Si vous dites qu’on n’arrive pas à résoudre je ne vous comprends pas, je vous ait dit que c’est une crise qui a commencé en 2002 et en 2003, il y a eu un rapprochement entre les deux parties, il y a eu une convention qui a été signée le 1er avril 2003, donc les choses se passaient très bien jusqu’à ce que M. Said a estimé qu’il y a des commerçants en retard dans le paiement. D’oû la dénonciation de la convention signée, il est en train de mettre en cause cette convention que lui-même a signée .
Il n’y a presque pas d’autorités où les commerçants n’ont pas interpellé. Aujourd’hui même, on est devant la Cour suprême.
A votre avis, qu’est- ce qui coince dans cette affaire vieille de 16 ans ?
C’est la mauvaise foi de M. Said
Mais est-ce que les commerçants doivent encore de l’argent à M. Said ?
Si je m’appuie sur une expertise qui a été faite en 2012 sur injonction du tribunal, les commerçants doivent peut-être de l’argent à M. Said mais pas le montant qu’il réclame à l’Etat de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire 13 milliards de FCFA alors que l’expertise de l’avant-dit droit a montré que sur 2 milliards 274 millions les commerçants ont pratiquement payé 1, 769 milliard donc il y a un gap de 300 à 400 millions de FCFA. Est-ce que pour ça on doit mettre toute une convention en cause?.
Mais est-ce que les commerçants sont prêts à verser cette somme à M. Said ?
Oui
Est-ce que vous lui avez fait la proposition ?
Mais à plusieurs fois !. Il y a moins de deux semaines, on lui a envoyé des gens pour lui dire que s’il veut qu’on s’entend sur la réactualisation de l’accord qu’on a signée en 2012, il y a des retards de paiement, des commerçants le reconnaissent. Mieux, vous voyez, selon l’estimation des commerçants il disent qu’ils ont donné 2, 069 milliards mais comme ils n’ont pas pu justifier devant le cabinet Marmillon, les commerçants eux-mêmes ont accepté la perte de près de 300 millions de FCFA mais au moins ils reconnaissent et ils sont d’accord qu’ils ont payé 1, 769 milliard sur 2, 769 milliards de FCFA. Donc la différence est facile à reconnaitre. S’il est de bonne foi, on peut s’asseoir pour voir le gap et trouver un échéancier pour le paiement
Un point dans ce que vous dites, les commerçants disent qu’ils ont donné de l’argent à M. Saïd mais ils n’ont pas pu prouver comment cela se fait-il ?
Non attention, je dis bien les commerçants disent avoir donné 2, 069 milliards mais ils ont pu justifier 1, 769 milliard, la différence ils n’ont pas pu la justifier. Ce n’est même pas parce qu’ils n’ont pas pu justifier. Parce que, en son temps, M. Saïd a donné trois comptes : son compte du Mali, le compte de la SCGI et son compte personnel.
Mais aujourd’hui, M. Saïd a dit à ces commerçants qu’il ne leur a jamais dit de verser de l’argent sur son compte personnel alors que c’est par courrier que lui-même a donné le numéro du compte aux commerçants mais aujourd’hui tout ce qui est entré dans son compte personnel, il dit aux commerçants qu’il ne reconnait pas.
Maintenant je vais vous poser la question, à qui profite le conflit ?
Bon moi, je dirai que personne ne gagne
Mais justement on a l’impression que c’est un litige savamment organisé, les choses sont entassées, quand on pose à la question à M. Saïd, il ne veut pas recevoir la presse, quand on vous invite, vous n’arrivez pas à nous dire exactement ce qui se passe et pourquoi la situation perdure. On veut savoir à qui profite le litige. Puisque il n’y a pas de solution depuis 16 ans !
Mme, malheureusement, le litige profite à ceux qui sont dans la combine depuis 2009. Comme je vous ait dit. Que c’est une combine qui a commencé avec le courrier confidentiel de la mairie de la commune d’Adjamé qui a saisi le ministre de l’intérieur proposant à l’Etat de racheter le forum des marchés à 13 milliards, donc, c’est ceux-là qui tirent les ficèles.
Les ficèles sont tirées par les autorités, c’est ce que vous dites ?
Je dis bien, la mairie a adressé un courrier confidentiel en 2009 au ministre de l’intérieur proposant à l’Etat de racheter le marché à 13 milliards de FCFA.
Donc, c’est votre part de vérité. Le 12 février dernier, la FENACCI que vous dirigez a déposé un préavis de grève pour dénoncer les agissements de M. Said, alors cette grève n’a pas eu lieu. Pourquoi ?
Parce que vendredi, la grève devant avoir lieu lundi 12, on a rencontré le ministre qui nous a démandé de surseoir à la grève et nous a rassuré qu’il va rencontrer M. Said pour qu’il mette un terme aux expulsions et que des démarches soient faites pour que M. Said et les commerçants s’assèyent. Donc le ministre a promis de mettre en place une commission tripartite pour plancher sur le problème.
Source: l’Indépendant