Dans l’interview qui suit, Mamadou Konaté, Juriste à l’AME (Association Malienne des Expulsés) explique les raisons qui ont poussé l’AME et la JNSDD (jeunesse nigérienne au service du développement durable) du Niger à porter plainte contre l’Etat du Niger au niveau de la cour de justice de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) à Abuja, relecture de la loi 2015-36 autorisant la répression sur les Migrants. Selon lui, le Niger étant membre de la Cédéao qui autorise la libre circulation des personnes, viole cette charte. D’où leur plainte en tant que défenseurs des droits des migrants au Mali et au Niger. Lisez !
Le Républicain: Bonjour Monsieur, présentez-vous à nos lecteurs ?
Mamadou Konaté
: Je suis Mamadou Konaté, Juriste au niveau de l’Association Malienne des Expulsés (AME). Nous travaillons sur toutes les questions liées au droit des migrants.
Vous venez de renter du Niger pour une mission de l’AME. De quoi s’agissait-il ?
Nous avons effectué le voyage du Niger pour prendre part à une conférence internationale sous forme hybride, organisée en ligne pour parler d’une loi qui est devenue répressive au Niger contre les migrants. C’est la loi 2015-36. Cette loi qui est supposée lutter, combattre la traite et le trafic des migrants, s’est transformée en loi de répression contre les migrants de toutes les nationalités qui arrivent au Niger et précisément à Agadez.
Qu’est-ce qui a été convenu lors de cette rencontre ?
Lors de la rencontre, les participants ont mis l’accent sur la nécessité pour l’Etat nigérien d’abroger purement et simplement cette loi. Même si dans la démarche de la plainte, ce n’est pas l’abrogation de la loi qui est demandée, mais c’est la relecture de la loi qui est demandée, donc, la fin de la répression que les migrants subissent sur le territoire nigérien de la part des forces de l’ordre du Niger. Et pendant la conférence, il y a eu beaucoup de communications, beaucoup de témoignages allant dans ce sens là. On a aussi parlé de l’évolution de la plainte déposée par l’AME et la JNSDD (jeunesse nigérienne au service du développement durable)contre l’Etat du Niger.
Cette plainte dont vous parlez, de quoi s’agit-il réellement ?
Cette plainte a été initiée par nos deux organisations. La JNSDD est basée à Agadez au Niger qui travaille parmi les migrants et qui est témoin de ce que les migrants vivent au quotidien. Et l’AME aussi, au Mali, qui travaille au quotidien avec les migrants, qui reçoit régulièrement des migrants qui sont refoulés du Niger à la suite de l’application de cette loi là. Donc, les deux organisations sont fondées à déposer cette plainte et à demander la relecture de cette loi et aussi demander à l’Etat de Niger, en tant que membre de la CEDEAO, de mettre en application le protocole de libre circulation des personnes instauré au niveau de la CEDEAO depuis 1979. En tant qu’Etat de ce regroupement, le Niger ne devait pas se comporter de cette manière, pourchassant et mettant en prison les migrants maliens et d’autres nationalités de la CEDEAO. La plainte vise deux objectifs : demander la révision de la loi pour qu’elle soit plus applicable ; et exiger à l’Etat du Niger de mettre fin à la répression.
Où est-ce que vous en êtes par rapport à la procédure judiciaire, et est-ce que vous êtes optimistes?
Oui, nous sommes absolument optimistes. Nous avons déposé la plainte à Abuja (au Nigéria) depuis le mois de septembre 2022. La plainte a été notifiée à l’Etat du Niger qui a maintenant constitué un pool d’avocats pour y faire face. Ce pool d’avocats aussi a pris le dossier en main. Ils ont soulevé des exceptions préliminaires pour dire que l’AME est une association malienne qui ne peut pas agir contre l’Etat du Niger par rapport à une loi nationale du Niger. Ils disent aussi que notre partenaire du Niger (JNSDD) doute de sa légalité pour pouvoir exercer ce travail. Nous avons constitué nos documents, nous avons envoyé nos dossiers (récépissé et agrément pour l’AME) pour prouver que nous sommes dans la légalité. Pour la JNSDD la même chose. Nous sommes donc des organisations parfaitement légales. Ensuite, ils ont soulevé la question de l’impossibilité pour nous d’aller représenter des migrants ; mettre en doute la qualité des migrants des personnes dont on a recueilli les témoignages. Sur ce point aussi, nous avons fourni des documents nécessaires pour pouvoir donc les bloquer. Nous faisons beaucoup confiance aux juges de la Cour de justice de la CEDEAO qui nous paraissent être des juges totalement indépendants. Puisque ce sont des questions entre Etats, les juges ne peuvent pas se permettre de prendre la question à la légère. Ils sont obligés de se fonder sur la loi, sur les textes pour trancher, rendre des décisions. Nous restons vraiment optimistes.
Hadama B. FOFANA
Source: Le Républicain