Le bilan actuel de la pandémie du Coronavirus est de plus de 140 cas confirmés, plus d’une dizaine de morts et une trentaine de patients guéris au Mali. Une situation qui préoccupe plus d’un. C’est pourquoi Souleymane Diarra, chef des opérations d’urgence de santé publique à l’INPS, Khaled Dembélé, économiste chercheur au centre de recherche et d’analyse politique, économique et sociale (CRAPES), et Abdoul Wahab Diakité, de l’association des consommateurs du Mali (ASCOMA) étaient sur le plateau du grand débat de Studio Tamani pour discuter de la problématique. C’était le mardi 14 avril 2020.
Pour discuter de la propagation de la pandémie du Covid19 et de ses conséquences économiques sur notre pays, ainsi que sur le quotidien des Maliens, des professionnels de la santé, des experts et des acteurs de la société civile et de l’économie ont donné leur point de vue sur cette situation inquiétante. Tous les invités ont évoqué l’urgence de l’application des mesures-barrières en vue de circonscrire à l’évolution de cette maladie.
D’entrée de jeu, Abdoul Wahab Diakité a indiqué que l’évolution alarmante de cette pandémie au Mali ne devait guère surprendre, puisque, selon lui, c’est nous même qui sommes à l’origine de la dégradation de cette situation épidémiologique. À ses dires, des décisions courageuses ont manqué aussi bien du côté du président de la République que du côté du gouvernement pour bien gérer cette menace. Et d’ajouter que jusqu’à présent, le Mali continue à prendre à la légère cette menace de Coronavirus. Au-delà de la responsabilité de l’État qui s’est entêté à tenir des élections malgré la menace, Diakité a signalé des regroupements de personnes sous le regard de tout le monde, dans les mariages et autres cérémonies.
Le représentant de la société civile dit être, pour sa part, surpris par des excuses du président de la République concernant l’organisation des élections. Selon lui, une personnalité qui occupe toutes les hautes fonctions du pays ne doit pas prendre comme seul prétexte les recommandations du Dialogue national inclusif. Il estime que ces excuses ne tiennent pas dans la mesure où le Dialogue national inclusif a recommandé beaucoup d’autres choses, d’ailleurs plus faciles à pratiquer que les élections, qui ne sont pas appliquées. En guise d’exemple, il cite la réduction du train de vie de l’état et la réduction de la taille du gouvernement. Si l’État n’a jusqu’à présent pas envisagé la faisabilité de ces recommandations, nul besoin pour lui de dire que l’organisation de ces élections était un impératif, malgré le cas de force majeure. Le faire est tout simplement, selon lui, une histoire à dormir debout. À cause du comportement non exemplaire des plus hautes autorités, selon lui, le citoyen lambda ne croit plus à cette histoire de Coronavirus.
À ses dires, envisager l’isolement d’une ville comme Bamako et en même temps vouloir maintenir des élections est un vrai paradoxe.
Khaled Dembélé trouve que l’organisation des élections peut être un facteur de propagation si seulement les mesures-barrières ne sont pas strictement respectées le jour des scrutins. Toutefois, elle estime que cela ne peut pas être la seule cause de la propagation du moment où ces mesures-barrières ne sont pas toujours respectées par la population comme il se doit. En plus de ça, l’économiste-chercheur a signalé le manque d’anticipation dans les préparations pour faire face à la menace. Cela, bien que beaucoup de dispositions aient été prises par le gouvernement à l’alerte de l’OMS.
Selon Khaled, l’entrée du Covid19 au Mali, quelques mois après sa propagation dans beaucoup de pays, devait être un avantage en termes de préparation, aussi bien, sur le plan préventif que de prises en charge d’éventuels cas positifs.
Au-delà de son impact sur la santé publique, Khaled Dembélé a signalé que cette situation épidémiologique va fortement jouer sur l’économie, surtout que l’informelle représente près de 60 % au Mali. À l’en croire, les mesures de restriction et de distanciation vont impacter négativement sur les activités de commerce. Cela, sans compter aussi les conséquences économiques de la fermeture des marchés. Elle a attiré l’attention sur la réduction des volumes d’importation et d’exportation imposée par la fermeture des frontières. Une situation qui aura, selon elle, un impact considérable sur les recettes publiques sachant qu’en fin 2019, la capacité de recouvrement de ces recettes au Mali était seulement de 50 %. Alors que ce sont ces recettes publiques qui servent à financer la plupart des dépenses publiques, a-t-elle signalé.
Pour plus mettre l’accent sur l’impact de cette pandémie sur l’économie malienne, Dembélé a noté que les mesures du gouvernement consistant à réorienter certaines allocations budgétaires vers le secteur de la santé vont également avoir beaucoup d’autres conséquences. À ses dires, tout est prioritaire au Mali. Donc, prendre des budgets qui étaient destinés à autre chose pour les ajouter à celui de la santé ne fera que créer des problèmes au niveau de ces secteurs.
Pour finir, elle ajoute que beaucoup de discours ont été tenus à propos de l’assistance des personnes démunies en cette période de crise sanitaire, mais que le problème est la soutenabilité budgétaire de ces mesures. Chose qui n’est pas évaluée, selon elle.
ISSA DJIGUIBA
Source : LE PAYS