Réunis en Côte d’Ivoire les 26 et 27 avril dernier pour le 4e congrès de la Société ivoirienne de recherche appliquée en médecine (SIRAM) et le 1er Congrès du Groupe de recherche africain de maladies orphelines (GRAMO), des experts en médecine interne ont prescrit aux dirigeants africains de renforcer la promotion de la gériatrie pour préparer les défis à venir.
La gériatrie est une spécialité médicale consacrée au traitement des affections physiques, mentales, fonctionnelles et sociales des séniors ou malades âgés, en particulier lors de soins aigus, chroniques, de réhabilitation, de prévention et en fin de vie. Ces spécialistes s’appuient sur une évaluation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) selon laquelle le nombre de personnes de 60 ans et plus en Afrique devrait presque quadrupler pour atteindre 215 millions d’ici à 2050, soit 11 % de la population totale du continent, contre 5 % en 2010. “La gériatrie est un sujet d’actualité et doit susciter beaucoup d’intérêt dans tous les pays africains, vu la vitesse avec laquelle les populations de personnes âgées augmentent sur le continent” Sonia Ouali Hammami, présidente de la Société tunisienne de gériatrie “Je pense que la gériatrie est un sujet d’actualité et doit susciter beaucoup d’intérêt dans tous les pays africains, surtout dans le Nord du continent, vu la vitesse avec laquelle les populations de personnes âgées augmentent en Afrique. D’où l’intérêt de s’occuper des pathologies propres aux sujets âgés”, déduit Sonia Ouali Hammami, gériatre et présidente de la Société tunisienne de gériatrie. L’intéressée indique qu’en Tunisie, on constate une diminution de l’indice de fécondité ces dernières années, si bien qu’en une seule génération, on est passé de 7 à moins de 2 enfants par femme. Dès lors, pour Sonia Ouali Hammami, par ailleurs professeur de médecine interne, tout comme la pédiatrie, la gériatrie mérite tout l’intérêt des décideurs. “Parce que la population gériatrique pose beaucoup de problèmes qui diffèrent des problèmes de l’adulte : hypertension, santé mentale, démence du type Alzheimer, etc. On a alors besoin de spécialistes et de services en gériatrie”, justifie-t-elle. Or, la gériatrie n’est pas encore reconnue comme spécialité à part entière dans la plupart des pays africains, bien qu’enseignée dans quelques facultés de médecine, comme celle d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Médecine interne Ce pays ne compte à ce jour qu’un seul gériatre, en l’occurrence Yves Binan, médecin-interniste à la base et formé en spécialisation en France. Ce dernier s’emploie avec d’autres confrères internistes à vulgariser la gériatrie dans le secteur médical en trois volets : l’enseignement, la recherche et la formation. “Nous sommes en plein début, mais ça va prendre de l’ampleur puisque l’espérance de vie en Côte d’Ivoire est passée de 45 à 55 ans”, note Yves Binan, par ailleurs chef du service gérontologie-gériatrie du centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angré à Abidjan. Pour Mourtalla Ka de l’université de Thiès au Sénégal, les gériatres de demain doivent avoir une formation de base en médecine interne. “Une telle formation permettra assurément de prendre mieux en charge les patients d’un certain âge, présentant des pathologies impliquant des problèmes cardiaques, métaboliques, notamment de diabète, de prostate, etc.”, explique-t-il. “C’est une histoire de polypathologie, et l’approche interniste est probablement la meilleure”, complète Mourtalla Ka. Réticences Seulement, reconnaissent les participants aux travaux, certains spécialistes restent réservés voire réticents face à la gériatrie, craignant que cette nouvelle spécialité ne vienne supplanter leurs disciplines respectives. Face à ces réticences, Sonia Ouali Hammami pense qu’il faut surtout convaincre les autres spécialistes que les gériatres sont là pour les aider à maîtriser la complexité des pathologies gériatriques, mais en aucun cas pour se substituer à eux. “On ne peut jamais être cardiologue à la place du cardiologue, mais on peut l’aider à évaluer le sujet âgé, on peut diagnostiquer chez un sujet âgé avec insuffisance cardiaque, un problème de nutrition ou de démence associé”, explique-t-elle. Au final, les experts invitent à créer des spécialités de gériatrie dans les systèmes de formation médicale et de soins. “Cela va résoudre beaucoup de problèmes de santé publique et d’économie de la santé”, explique Sonia Ouali Hammami. En attendant, Yves Binan loue l’exemple du Sénégal qui, avec le Plan Sésame, assure déjà la prise en charge gratuite des personnes âgées dans les hôpitaux publics. scidev