Face au péril de la corruption qui devient de plus en plus un frein pour la promotion des investissements dans notre pays, sapant du coup tous les efforts de développement, le patronat du Mali est décidé à prendre le taureau par les cornes. Les méthodes jusque-là annoncées s’étant avérées infructueuses, le Conseil national du patronat sous la houlette de son président, Mamadou Sinsy Coulibay, envisage d’explorer de nouvelles pistes pour dit-il ‘’vaincre, à tout prix, ce fléau, et sécuriser l’investissement au Mali’’. Un challenge ou plutôt un défi des professionnels de ce secteur ?
Après avoir travaillé durement et méthodiquement, depuis qu’il est à la tête de l’institution, à asseoir le leadership du patronat, au niveau national et international, et réussir à fédérer tous les groupements professionnels du secteur privé autour d’un idéal commun ; celui de booster la croissance économique, le président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM), Mamadou Sinsy COULIBALY, décide, en cette année 2019, d’inscrire à son tableau de bord la lutte contre la corruption, un fléau qui gangrène l’administration publique.
Pour le patron des patrons maliens, la corruption tue les investissements et elle empêche du coup, les grandes entreprises de venir s’installer au Mali. Pour celui qui croit que le Mali pourrait apprendre du savoir-faire de ces entreprises et ses capitaines d’entreprise, cela n’est pas acceptable d’autant que le développement économique est le seul moyen de sortir le pays de la misère galopante et de son corollaire lié au terrorisme.
Ce n’est pas par hasard que le patron des patrons s’est engagé à faire de cette année 2019, l’année de la guerre ouverte contre la corruption, sous toutes ses formes. Dans la lutte implacable qu’il va lancer contre la corruption, selon lui-même, il n’épargne personne, ni aucune structure, qu’elle soit publique ou autre, le seul objectif noble étant de parvenir à réduire l’ampleur du phénomène, à défaut de l’éradiquer.
Au Mali, selon les rapports annuels du BVG, ce sont les structures publiques qui ploient le plus durement sous le coup de la corruption, où l’on assiste à toutes les formes pernicieuses de dilapidation des ressources publiques. Pour le Président COULIBALY, il n’est pas question de laisser perpétuer encore cette fâcheuse tendance au risque de voir nos pays s’enfoncer dans les ténèbres de la misère, du sous-emploi et de l’insécurité.
« Nous allons user de tous nos droits légaux pour mettre en déroute les fossoyeurs de notre économie », a martelé le président du CNPM. Selon lui, le plus grand frein de l’investissement au Mali n’est pas l’insécurité, mais la corruption entreprise, à nous arnaquer, à nous mettre le bâton dans les roues, à mettre en péril nos investissements, à détruire systématiquement des emplois créés par le secteur privé », a déclaré Mamadou Sinsy COULIBALY.
Une gangrène
Le Mali est un pays pauvre, mais il souffre moins de son manque de richesses que de la mauvaise gestion teintée d’affairisme et de corruption. La triste réalité du pays, telle qu’elle s’impose à tout observateur attentif, nous interpelle tous. C’est désormais un baroud d’honneur pour le Président du patronat de s’interposer contre cette pratique honteuse ; afin que, comme il le dit lui-même, qu’une infime minorité de citoyens, à cause de leurs privilèges, n’accapare la majorité des richesses du pays qu’elle gère selon son bon vouloir.
La lutte contre la corruption peine à produire ses effets au Mali. Pour bon nombre de personnes, tout comme le président du patronat, c’est qu’il y a hiatus entre le discours officiel et la réalité. Pendant ce temps, et face à ce paradoxe, la corruption, elle, se répand dans tous les secteurs de la vie publique : public parapublic et privé. Résultat : De 2004 à 2017, les irrégularités financières constatées par le bureau du Vérificateur Général s’élèvent à 741, 43 milliards FCFA. Cette somme ne représente qu’une infime partie des pertes engendrées par la corruption au Mali. Selon Amadou MALLE, membre de l’OCLEI, le fruit de la corruption, tel qu’il est caricaturé, représente : 4 500 km de route bitumée en raison de 150 millions FCFA par kilomètre ; 12 300 centres de santé en raison de 60 millions FCFA par centre. Une telle dépense publique aurait pu servir à construire également 160 000 salles de classe, selon toujours l’orateur. Aussi, le secteur privé se plaint des services du Pool économique et financier de Bamako, qui est pourtant l’une des pièces maîtresses du dispositif judiciaire en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière au Mali.
« La lutte contre la corruption sera toujours un slogan vain tant qu’il n’y aura pas une volonté politique affichée », tranche, de son côté, Bouréima Allaye TOURE, président du Conseil national de la société civile.
Le Dr Abdoulaye SALL, président de CRI 2002, lui, nous dresse un tableau comparatif du fléau, à partir de l’indépendance à nos jours et alerte en ces termes : « sous la première république, le Malien avait honte et peur de voler ; sous la deuxième république, le Malien n’avait pas honte, mais avait peur de voler ; sous la troisième république, le Malien n’a ni honte ni peur de voler ».
Joindre l’acte à la parole
Face à ce péril, il est plus que nécessaire d’explorer de nouvelles méthodes, et c’est dans cette logique que le patronat des patrons du Mali sort les grands moyens pour faire face à ce fléau : vaincre à tout prix la corruption pour sécuriser l’investissement au Mali. Un challenge ou plutôt un défi des professionnels de ce secteur.
« Nous avons les moyens d’exiger la substitution des fossoyeurs de notre économie. Et si les gouvernants ne s’assument pas, nous allons observer une suspension dans le payement des impôts et taxes, tant qu’ils sont encore là. Si cela ne suffit pas, nous allons déposer leur liste dans toutes les chancelleries, en exigeant que ces personnes justifient leurs biens, avant de se voir attribuer de visas, pour les voyages concernant l’inscription de leurs enfants en occident, ou pour leurs vacances, ou encore demander aux chancelleries de procéder à la vérification des vrais propriétaires des maisons qu’on leur propose en location. Sinon, comment comprendre que des fonctionnaires de ce pays puissent faire inscrire un, deux ou trois enfants dans des écoles françaises et surtout américaines où les frais de scolarité sont environ à 20 000 dollars US par an et par enfant, surtout lorsqu’on sait que ce train de vie dépasse largement celui d’un salarié malien ? D’où, la nécessité d’aller vers l’application de la loi Sapin 1 et 2, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à tous les Maliens ». Mamadou Sinsy COULIBALY ne lésine pas sur les moyens pour traquer le fléau de la corruption, partout où il peut gangrener le tissu économique et financier du pays. Pragmatisme qu’il est, Mamadou Sinsy COULIBALY sait que ce n’est pas seulement par la magie du verbe que la lutte contre la corruption sera gagnée dans notre pays.
C’est pourquoi le patron des patrons du Mali a inscrit sa démarche dans la durée et dans la méthode ; une démarche qu’il veut inclusive et vigoureuse. À en croire les sources, dans les jours à venir, il pourrait dévoiler son plan de bataille contre le fléau de la corruption qui devra comporter de nombreuses approches à la fois innovantes et robustes. Pour l’instant, l’homme avoue sa détermination à se battre, avec des acteurs nationaux et internationaux, tout aussi déterminés, pour que le fléau de la corruption n’entame pas le moral des investisseurs à choisir la destination Mali.
Correspondance particulière
Source: info-matin