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Projet de loi d’entente nationale : 51 organisations de défense des droits de l’homme demandent aux députés de ne pas voter le texte en l’état

Les organisations de défense des droits humains et associations de victimes reportent sine die la marche pacifique mais restent mobilisées jusqu’au retrait du projet de loi dite d’entente nationale. Pour preuve, hier, mardi 11 décembre 2018, les responsables de 51 organisations de défense des droits de l’homme étaient face la presse à la Maison de la presse de Bamako pour inviter le gouvernement à différer l’adoption du projet de loi dit « d’entente nationale » tel que rédigé actuellement. En outres, les 51 organisations de défense des droits de l’homme demandent aux députés à ne pas voter le projet de loi dite d’entente nationale en l’état. « Nos organisations informent l’opinion nationale et internationale qu’elles entendent restées mobilisées jusqu’au retrait dudit projet de loi par le Gouvernement ou au rejet par l’Assemblée nationale. Pour cela, nous invitons l’ensemble du peuple malien à nous joindre, notamment lors des actions futures à Bamako et dans les régions », précise le communiqué de presse conjoint de 51 Organisations de défense de droits humains et Association de victimes.

Cette conférence de presse était animée par le Président de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), Me Moctar Mariko, en présence de Salif Fofana de AMNESTY International, Mme Haïdara Aminè Maïga du Conseil National des Victimes (CNV), Mme Sagara Bintou Maïga, présidente du Collectif des parents des bérets rouges disparus et d’autres personnalités. D’entrée de jeu, le conférencier, Me Moctar Mariko a dénoncé l’interdiction de leur marche pacifique du 11 décembre 2018 pour le retrait de la loi d’entente nationale. «Nos organisations condamnent ces décisions et pratiques anti-démocratiques et attentatoires aux libertés fondamentales. Cette situation du déni du droit de manifestations, de réunions, d’associations et liberté d’expression est en violation flagrante de la Constitution du 25 février 1992 de la République du Mali et des instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Nos organisations rappellent qu’elles sont des acteurs du mouvement démocratique et au-delà participent pleinement à l’avènement d’un état de droit respectueux des valeurs universelles. Elles se disent donc plus que jamais engagées dans leur mission et leur noble combat, celui de la défense des droits de l’Homme », a souligné le président de l’AMDH, Me Moctar Mariko. Avant d’ajouter qu’en dépit des recommandations du Jury d’honneur de la 23ème édition de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID) ténue le 10 décembre 2018, le gouvernement n’a pas voulu apporter des réponses à des préoccupations légitimes des populations. Pour sa part, Salif Fofana de AMNESTY International a précisé que les 51 organisations de défense des droits de l’homme ne s’opposent pas à des mesures d’amnistie car conscient que dans le cadre d’une crise comme celle du Mali, il est impératif de donner la chance au pardon. Cependant, a-t-il ajouté, elles précisent qu’elles s’opposent au projet de loi dite d’entente nationale et aux mesures d’amnistie telles qu’initiées par le Gouvernement et soumises aux députés. «Autrement dit, nous rejetons toute exonération de poursuites en faveur des auteurs des crimes graves, notamment les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et tout crime réputé imprescriptible. Or, le projet de loi tel que présenté et vanté, ne donne pas de garanties permettant d’exclure des mesures d’amnistie pour les auteurs des crimes graves », a-t-il dit. Pour lui, le projet de loi d’entente nationale est large, vague, imprécis et viole donc les règles d’un procès équitable. Il a saisi l’occasion pour régler ses comptes avec le premier ministre Soumeylou B Maïga. « Nos organisations rafraichissent les mémoires des uns et des autres que par c’est par ce « jeu de rôles » que certaines d’entre elles ont soutenu et contribué à la libération de plusieurs personnes persécutées par le Régime de Moussa TRAORE, dont Monsieur Soumeylou  Boubèye MAIGA, actuel Premier Ministre. En son temps lorsqu’il avait été arrêté par le commissariat du 3ème Arrondissement en 1991, tous les membres de l’AMDH ont suspendu leur réunion mensuelle et s’étaient constitués prisonniers jusqu’à ce que Boubèye recouvre sa liberté. Cependant, nous avons conscience que chacun doit rester dans son rôle, comme dans tout jeu. Nos organisations rappellent aussi qu’elles demeurent libres et indépendantes et qu’elles n’ont pas à recevoir de leçons venant de quiconque », a-t-il dit.

« Ce projet de loi ouvre la porte à des amnisties de responsables de crimes»

Quant à Mme Haïdara Aminè Maïga du Conseil National des Victimes (CNV), ce projet de loi ouvre la porte à des amnisties de responsables de crimes internationaux, au mépris des droits des victimes. A l’en croire, il présente une grave menace à la justice, la paix et la réconciliation durable. « Nous avions noté que le texte prévoit que les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres crimes imprescriptibles sont en principe exclus des exonérations. Mais nous avions aussi bien souligné que le mécanisme prévu par le texte ne pourra le garantir dans son application. De telles amnisties favoriseraient ainsi l’impunité en ce qui concerne les crimes les plus graves et ne sauraient permettre un retour à la paix, des auteurs de crimes graves restant impunis et leurs victimes n’obtenant pas justice », a-t-elle dit. Par ailleurs, elle fera savoir que le projet est muet quant au sort qui sera réservé aux victimes des crimes considérés trop graves pour que leurs auteurs puissent bénéficier de mesures d’amnistie. Pire, dit-elle, le projet est aussi muet par rapport au sort des victimes « des crimes de guerre, contre l’humanité, les viols et tout autre crime réputé imprescriptible » qui ne seront pas bénéficiaires des mesures d’indemnisation non judiciaire. « Nous appelons en outre chaque citoyen à prendre connaissance du texte et à se mobiliser contre son adoption. Nous interpellons l’Assemblée Nationale, nos députés élus, afin qu’ils mesurent l’ampleur de la gravité des conséquences pour la justice et la réconciliation que l’application du texte permettrait et l’effet contre-productif que cela produirait sur les victimes au Mali », a-t-elle conclu. Dans un communiqué conjoint lu par Me Moctar Mariko de l’AMDH, les 51 Organisations de défense et Association de victimes recommandent au gouvernement à différer l’adoption du projet de loi dit « d’entente nationale » tel que rédigé actuellement ; à prendre des engagements concrets en faveur de la lutte contre l’impunité et à abroger l’arrêté « illégal et injustifié » du Gouverneur. Les 51 organisations de défense des droits de l’homme demandent aussi aux députés de ne pas voter le projet de loi dite d’entente nationale en l’état. Elles souhaitent également un dialogue direct entre l’Assemblée nationale et les associations de victimes et organisations de défense de droits humains sur le projet de loi d’entente nationale issu de ces consultations afin qu’elles puissent exprimer leurs préoccupations et craintes au sujet du projet de loi tel que rédigé actuellement. Les organisations de défense des droits de l’homme invitent la Communauté internationale à exhorter le gouvernement à suspendre le processus d’adoption de ce texte et d’ouvrir le dialogue avec les organisations de défense de droits humains et associations de victime. « Nos organisations informent l’opinion nationale et internationale qu’elles entendent restées mobilisées jusqu’au retrait dudit projet de loi par le Gouvernement ou au rejet par l’Assemblée nationale. Pour cela, nous invitons l’ensemble du peuple malien à nous joindre, notamment lors des actions futures à Bamako et dans les régions », précise le communiqué de presse conjoint de 51 Organisations de défense de droits humains et Association de victimes. Répondant aux questions des journalistes, le conférencier, Me Moctar Mariko a fait savoir que les textes internationaux leurs permettent d’attaquer l’arrêté du gouverneur (interdisant les manifestations dans certaines localités de Bamako) et la loi d’entente nationale.

Aguibou Sogodogo

Source: Le Républicain

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