Au Mali, le nouveau projet de découpage administratif continue de faire grincer des dents. Hier, lundi 22 octobre 2018, la population de la région de Gao a marché contre le projet. Les marcheurs, qui ont fustigé la volonté des autorités maliennes de diviser leur territoire, disent « non au favoritisme ». « Gao est un territoire pour une même population », ont-ils clamés tout le long de la manifestation.
Pour protester contre le nouveau projet de loi de découpage administratif au Mali, la population de la Cité des Askias était dans la rue hier lundi. Les manifestants, des milliers de personnes selon les organisateurs, arboraient des banderoles sur lesquelles sont inscrits différents slogans exprimant leur colère : « Gao s’indigne contre le projet de loi sur le découpage », « Gao dit non au favoritisme !», « Gao, c’est un territoire pour une même population »… « Ce dit projet de découpage territorial qui n’est basé sur aucune logique, viole les droits élémentaires des communautés sur toute l’étendue du territoire malien. A travers ce saucissonnage politico-territorial, nous constatons et dénonçons une tentative de spoliation, d’exclusion et de mépris à l’endroit et au détriment de certaines populations majoritaires en la faveur d’une minorité », a indiqué, joint par Le Républicain, le secrétaire général de l’Association Songhoy Borey internationale, Yehia Mohamed. Selon lui, le projet de texte sur le découpage territorial n’est pas logique. Il y a des localités qu’on a prises pour les ériger en cercle qui n’ont même pas 2000 âmes. Il y a une vraie inégalité qui se pose dans ce découpage. On ne peut pas faire de découpage sans prendre des informations avec la population à la base. Nous, en tant que communauté songhaï, on est en train d’exproprier nos terres pour les donner à d’autres », déplore Yéhia Mohamed.
Dans son document de proposition de redécoupage territorial et administratif de Gao qu’elle a remis au gouverneur, la société civile propose, en plus de Gao, la création de 5 régions à l’intérieur : Bamba, Bourem, Ansongo, Koukia, Songhoy. Il est proposé aussi la création de 23 cercles et de 95 communes. « Notre proposition est conforme avec l’Accord de paix issu du processus d’Alger en ses titres II, chapitre 3, article 6 et VII, chapitre 16, article 50 », selon les initiateurs de la proposition.
Vague d’indignation
Le nouveau projet de texte sur le découpage territorial, qui n’est pas encore déposé sur la table de l’Assemblée nationale du Mali, suscite déjà des polémiques. Plusieurs associations et communautés sont, en effet, contre le projet. L’Association Songhoy Borey internationale, les Communautés de culture songhay en Mouvement-IR Ganda et le Front populaire de l’Azawad (FPA) dénoncent le « caractère discriminatoire du contenu du texte » et demandent par conséquent l’amélioration du document avant adoption. Une coalition d’associations de la société civile, des Maliens de la diaspora, des personnalités indépendantes et leaders d’opinions ont rejeté ensemble, le mardi 16 octobre 2018, le projet.
« Le caractère injuste, inéquitable et unilatéral, sans concertation des populations à la base autour du découpage ainsi projeté, est attentatoire à la cohésion sociale, à la paix et à la prospérité du Nord du Mali… Vous conférez à une infime partie d’une petite frange d’une minorité démographique à prétendre à une majorité démocratique », explique l’association Gao Lama Borey. Démocratiquement, s’interroge l’Association, comment une majorité de la population du nord du Mali à 90% pourrait se retrouver avec 8 députés alors que la minorité (10%) se tape 32 députés ? Les responsables de l’Association Gao Lama Borey mettent en garde les autorités maliennes contre le projet. Ce découpage, estiment-ils, est une bombe qui gangrénera tout le Mali car d’autres personnes ou communautés, tentent déjà et tenteront le même exercice pour leur terroir comme vous le savez.
Les ressortissants du cercle de Goundam aussi rejettent « catégoriquement » le projet. Selon eux, cette nouvelle réorganisation territoriale, faite sans consultation préalable des populations concernées, peut, si l’on n’y prend garde, constituer de potentiels foyers de tension, qui vont contribuer à fragiliser davantage la cohésion sociale et le vivre ensemble déjà très précaires.
Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain