Le gouvernement malien et les groupes armés dans la région de Kidal sont engagés dans des pourparlers de paix à Ouagadougou depuis bientôt une semaine. Un pré-accord devrait intervenir au plus tard le 11 juin dernier. Mais les négociations achoppent sur des points que Bamako ne peut admettre en l’état.
D’où le déplacement du représentant du médiateur, Djibril Bassolé, ministre burkinabé des Affaires étrangères et des représentants de la communauté internationale (NU, UA, UE, France) à Bamako pour faire pression sur les autorités maliennes afin de les « amener » à signer le projet d’accord.
Ce que les « négociateurs » de la communauté internationale ignorent ou font semblant de minimiser c’est l’hostilité de plus en plus croissante des populations maliennes face à ce qu’elles considèrent comme une tentative d’humilier une énième fois la nation malienne en lui imposant « une paix » dont elle n’admet pas les conditionnalités.
En effet, il apparait de plus en plus évident que le MNLA n’existe que grâce à la volonté de la France. Cette évidence s’est manifestée à travers plusieurs actions menées par les soldats de l’opération Serval pour « secourir » leurs protégés du MNLA, chaque fois que ceux-ci ont été mis en difficulté sur le terrain. Il en a été ainsi lors de la libération de Kidal et le retour du MNLA pour s’installer en ces lieux.
Lorsque le MNLA était contraint de battre en retraite devant les éléments du MAA à Inalhil, Ber et Anéfis, l’armée française est toujours intervenue en soutien à leurs « amis » par des frappes aériennes, détruisant du coup toute la logistique et des colonnes entières de véhicules des différentes forces ayant fait le serment de chasser et de pourchasser le MNLA partout où il sera sur le territoire national.
Récemment encore juste au début du mois courant, lorsque le MNLA a ordonné et entrepris une chasse aux « peaux noirs » à Kidal en procédant à des centaines d’arrestations arbitraires dans le cadre d’une épuration raciale pure et dure, l’armée malienne s’est résolue à intervenir afin d’abréger la souffrance de ses concitoyens.
Elle a donc entrepris une montée en puissance sur Kidal via Anéfis. A l’issue de combats acharnés, le MNLA a été chassé de cette localité après avoir subi de lourdes pertes en hommes et en logistiques. Une fois encore, il n’a fallu que quelques heures pour qu’un détachement de l’armée française vienne s’interposer pour barrer la voie à toute progression de l’armée malienne vers Kidal.
Depuis, lors c’est le statu quo sur le front. Ce qui n’était jusque-là qu’une simple suspicion, se confirmait en réalité. Désormais, l’armée française avait reçu des instructions de la part des autorités françaises pour « protéger et sécuriser à tout prix les amis du MNLA ».
L’ouverture des pourparlers de paix à Ouagadougou sous l’égide du médiateur de la Cédéao, Blaise Compaoré, entre le pouvoir intérimaire malien, d’une part et les bandes de criminels recyclés au sein du MNLA et du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), d’autre part, a servi de prétexte pour justifier cette interposition des soldats français à Anéfis.
Fort de ce soutien à visage découvert de la part de la France, le MNLA imposa d’entrée ses conditions autour de la table des négociations en refusant la présence des autres groupes armés dont les Forces patriotiques de résistance (FPR), Ghanda-Koy et Ghanda Izo. Le médiateur, qui semble de mèche ou à la solde de Paris, Blaise Compaoré, se chargea de trouver les astuces pour maquiller ce qui avait toute l’apparence d’un complot contre le Mali. Le faiseur des sales besognes en quelque sorte.
Que pouvait donc l’envoyé spécial de Bamako, Tiébilé Dramé, au milieu de gens aussi déterminés à sceller coûte que coûte le sort du Mali en faveur de leurs « amis » communs ? Pas grand-chose naturellement. A l’impossible nul n’étant tenue, Tiébilé Dramé a eu la présence d’esprit de vouloir prendre « des instructions » auprès de ses mandants à Bamako. Pour l’opinion publique nationale, cette subtilité d’esprit du négociateur de l’Etat malien, vaut aujourd’hui au Mali d’avoir son honneur sauf.
Qu’en aurait-il été si Tiébilé Dramé avait signé cet « accord » en l’état ? Nul doute que la situation aurait échappé à tout contrôle. Car, le peuple malien n’est pas prêt d’accepter une énième humiliation devant une poignée d’individus dont les faits et actes ont dangereusement mis à mal l’intégrité du territoire, le tissu social, l’unité et la cohésion nationales.
En effet, comment peut-on raisonnablement demander aujourd’hui au Mali l’abandon des poursuites judiciaires engagées contre certains de ses citoyens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité authentifiés et attestés par des preuves irréfutables et de réintégrer des déserteurs dans les rangs de l’armée nationale ?
Faut-il chaque fois faire une prime à l’impunité et à l’injustice dans le cadre « d’accords de paix » qui ne tiennent que le temps de leur signature ? Non ! Le peuple malien d’admettra plus jamais de telles forfaitures de la part de quelle que autorité que ce soit. Le pays a déjà suffisamment payé pour les faiblesses constatées dans les précédents accords et qui lui valent aujourd’hui la pire crise de son Histoire.
Pour des raisons pécuniaires, le Mali ne signera aucun « accord » qui ne tienne pas compte de la nécessité de faire justice, une fois au moins pour de bon, afin de soulager la douleur et la souffrance des victimes et préserver dorénavant le pays également de ces rebellions récurrentes et injustifiables dans un système démocratique (malgré les insuffisances) ayant pour socle fondamental la décentralisation.
Pour tout dire, signer ce projet d’accord en l’état, équivaudrait à un acte de haute trahison contre les intérêts inaliénables de la nation malienne. Ce que le peuple dans son écrasante majorité n’acceptera à aucune condition.
D’accord donc pour aller à la paix et la réconciliation. Mais jamais au prix d’encouragement à l’impunité et à l’injustice. Les criminels doivent répondre de leurs crimes devant les juridictions compétentes. Plus jamais aucun déserteur, au profit d’une rébellion, ne sera réintégré au sein des forces armées de défense et de sécurité nationales.
Peut-on imaginer la France procéder à l’intégration des « combattants corses » ou de « Batasuna » dans l’armée française à l’issue de prétendues négociations de paix ? A ce sujet, Manuel Valls, le ministre français de l’Intérieur, a été on ne peut plus clair récemment sur RFI, face aux menaces proférées par « l’aile dure » des indépendantistes corses quant à une « reprise imminente des hostilités ». Des propos jugés comme « un chantage inadmissible » face auquel le gouvernement réaffirmait « toute sa fermeté pour annihiler toute activité visant à s’attaquer aux valeurs de la République ». Faut-il déduire par là qu’il y a une différence entre « les valeurs de la République » dès lors qu’il s’agit de la République française ou celle du Mali ?
Bréhima Sidibé