A Ouagadougou, les pourparlers s’enlisent entre les émissaires du président Dioncounda Traoré et les groupes armés. Si ceux-ci sont prêts à signer le document proposé par le médiateur, il en est tout autrement de la partie malienne.
Avant-hier, le conseiller spécial du président de la République, Tiébilé Dramé, n’a pas voulu signer un document de sortie de crise que le président burkinabé, Blaise Compaoré, proposait aux deux parties pour le règlement de la crise actuelle à Kidal, dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Ce même mardi, il a regagné Bamako, où il passera la nuit, pour rendre compte au chef de l’Etat et au Premier ministre. Vingt-quatre heures plus tard, il sera rejoint dans la capitale malienne par Djibrill Bassolé, ministre burkinabé en charge des affaires étrangères. Au moment où nous bouclons, tous deux sont attendus à Ouagadougou où les représentants du Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) et du Hcua (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad), de retour de Kidal où ils s’étaient rendus à bord d’un avion de l’opération Serval afin de consulter l’aile militaire de leurs mouvements, se disent prêts, depuis avant-hier, à signer le document proposé par Blaise Compaoré.
Pourquoi sont-ils prêts, eux, et pas le négociateur malien ?
Selon certaines sources concordantes, la discorde serait liée à certains points du plan de sortie de crise proposé par le médiateur et approuvé par les représentants des groupes armés et les diplomates impliqués dans la gestion de la crise. En premier lieu, le terme « Azawad ». Le conseiller spécial du président de la République, Tiébilé Dramé, aurait demandé de retirer du document ce mot qui pourrait consacrer la partition de fait du pays. Le Mali est une seule et même entité dans laquelle il ne saurait avoir un sud Mali et un Azawad.
Dans la même logique, il devient impératif, pour une question de souveraineté, que l’armée nationale et les forces de sécurité soient présentes dans la ville de Kidal, aux côtés de l’administration malienne, pour y sécuriser l’élection présidentielle qui doit se tenir le 28 juillet prochain. Or, cédant aux injonctions des groupes armés touarègues, la feuille de route du médiateur burkinabé prévoit un tout autre scénario pour le redéploiement de l’armée. En effet, les rebelles touareg, d’abord réticents à tout retour des forces armées et de sécurité à Kidal, ont fini par accepter le principe d’un déploiement de l’armée mais accompagnée par des armées de la Misma (mission internationale de soutien au Mali) sous la supervision des militaires et forces spéciales français de l’opération Serval. Et même là, les rebelles exigeraient uniquement les soldats maliens qui viennent de finir leur formation à Koulikoro, en l’occurrence ceux qui ont été formés par des instructeurs européens sur le respect des droits de l’homme. Pour expliquer cette exigence, les rebelles auraient mis en avant les risques d’exactions que pourraient perpétrer sur les populations civiles des soldats mal ou non formés.
En réalité, selon certaines indiscrétions, les Mnla, Mia (Mouvement islamique de l’Azawad) et autres déserteurs des rangs du Mujao ou d’Aqmi craindraient plutôt des représailles de la part des troupes du colonel-major El Hadj Gamou, un Targui resté fidèle à l’armée malienne, et dont les hommes auraient subi de nombreuses exactions de la part des combattants du Mnla. Par ailleurs, un vieux contentieux existerait entre l’ethnie de l’officier loyaliste et les Ifoghas qui tentent de prendre le contrôle de la région de Kidal et de continuer à y exercer des pratiques féodales et esclavagistes.
Toujours est-il que les autorités maliennes, jalouses de leur souveraineté, entendent rester maîtres du redéploiement de leur armée sur leur territoire et n’entendent pas se laisser dicter des dispositions contraires.
Un autre point de discorde, c’est le désarmement des rebelles
Ceux-ci voudraient être cantonnés avec leurs armes et tout leur matériel de guerre. Ils n’accepteraient d’être désarmés que par la Minusma (Mission des Nations unies pour la stabilité du Mali) qui serait installée officiellement à partir du 1er juillet 2013. Ce que les autorités maliennes n’entendent pas de bonne oreille. Pour elles, les rebelles doivent être désarmés par l’armée malienne ou par les forces de la Misma, une fois que les forces de défense et de sécurité auraient foulé le sol kidalois. Pour Bamako, il n’est pas question qu’il y ait deux armées sur le même territoire.
Enfin l’autre exigence du Mnla, c’est l’annulation pure et simple des mandats d’arrêt internationaux lancés par le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako à leur encontre. Ce que le Mali refuse catégoriquement.
En attendant de trouver une solution à ces points de blocage, les partenaires du Mali s’impatientent et sont même agacés, selon Rfi. Cette même source indique que l’engagement financier de ces partenaires pourrait pâtir du refus de Bamako de signer le document produit par le médiateur burkinabé qui aurait déjà leurs soutiens et approbation. En somme, le Mali serait soumis à un chantage en règle : accepter le terme Azawad avec pour conséquence, plus tard, l’autonomie voire l’indépendance du septentrion malien ou perdre les milliards d’euro qu’on lui a promis et qui, de toutes les manières, il n’aura jamais. On se rappelle, en effet, qu’en 2007, à Kidal, les mêmes bailleurs de fonds avaient promis à ATT des centaines de milliards pour financer le programme spécial de développement intégré des régions du nord. Le général a été renversé sans jamais voir la couleur de ce pactole.
Cheick TANDINA