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Procès des auteurs des attentats de Radisson et de la terrasse : Deux condamnations à mort : L’affaire Charlie hebdo évoquée comme mobile

Fawaz Ould Ahmed alias Ibrahim 10 et Sada Chiaka Maïga, auteurs d’attentats en 2015 à Bamako, notamment contre l’hôtel Radisson Blu et le bar restaurant La Terrasse, ont comparu devant la Cour d’assises de Bamako,  les mardi 27 et mercredi 28 octobre 2020. Ils ont été condamnés à mort et au paiement de 10 millions de Fcfa d’amende chacun.

Les accusés comparaissaient tous pour coups et blessures volontaires, assassinats, attentats et complicité avec une entreprise terroriste. L’absence du 3è accusé, Abdoul Baki Abdrahamane Maïga dit Abou Mahamadou, n’est pas du goût de Maître Hassane Diop, avocat de la partie civile.

“Nous savons que ce n’est pas une absence, il a été libéré par le prince, c’est-à-dire l’Etat du Mali. Deuxièmement, en tant qu’avocat, je constate encore une fois, à mon grand désarroi, que nos pays sont à la traine en ce qui concerne le soutien aux victimes du terrorisme.

Les victimes du terrorisme ont toujours été les grands oubliés par le passé, mais Dieu merci, depuis un moment je pense quand même que des efforts ont été faits, de bonnes pratiques sont en place, mais malheureusement au Mali on a l’impression que la justice n’est pas rendue pour les victimes. Rien n’est fait  pour les victimes, il n’y a pas d’encadrement, il n’y a pas de soutien, absolument rien, c’est triste’”, a-t-il affirmé.

Parlant de leurs attentes face à ce procès, Maître Diop déclare : “Parmi les accusés, on a encore deux qui sont là entre nos mains. Nous allons d’abord les entendre parce que, vous le savez, le procès est un grand moment pour les victimes. C’est ce qui leur permet de comprendre ce qui s’est passé et nous allons tout faire pour que la vérité soit dite. Il y a aussi la question de l’indemnisation pour les victimes qui est un grand problème.

Le terrorisme, c’est d’abord la responsabilité de l’Etat d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens et quand on sait aussi que c’est le même Etat qui a libéré des terroristes, je pense que ce procès sera un grand moment pour nous d’établir la vérité et la justice”, a-t-il espéré.

Quand à Maître Tièsolo Konaré, avocat de la défense, il dit avoir pensé que ce procès n’aurait plus lieu dans la mesure où il y a plus de 200 terroristes qui ont été élargis de prison. “Je pensais que mes clients n’étaient pas là, mais vu la complexité des faits, aujourd’hui nous sommes là. La défense, on va la suivre parce que la dernière instruction c’est à la barre. Il ne suffit pas d’avoir la tête de quelqu’un, mais savoir pourquoi il a fait ça et comment on peut le corriger pour qu’il revienne à la vie normale. Si le problème de la Lybie n’avait pas eu lieu, on n’aurait pas tout ça sur le dos du Mali”, indique la défense

Après plus de deux heures de lecture de l’arrêt de renvoi, la Cour a suspendu l’audience pour la reprendre le lendemain, mercredi 28 octobre.

Durant les 9 heures d’interrogatoire à la barre, Fawaz Ould Ahmed alias Ibrahim 10 n’a montré aucun remord.

A l’entame de ces propos à la barre, il a rendu hommage à Almoudjihadine, un groupe qui sert le chantier d’Allah, selon lui. Il a ensuite remercié Iyad Agaly qui a permis à beaucoup de personnes de comprendre la religion musulmane et les autorités maliennes pour avoir libéré plus de 200 djihadistes, ce qui est une victoire pour les musulmans, à ses dires.

“C’est Moctar Ben Moctar qui a tout planifié et nous on exécutait seulement. Notre motivation par rapport à nos actes, c’est de venger notre prophète et les préjudices de la France et ses alliés à notre encontre. C’est Moctar Ben Moctar qui a donné le feu vert en mars 2015 pour l’attaque du bar restaurant La Terrasse.

 J’ai quitté Gao pour Bamako en car sans problème avec mes armes. C’est mon frère Sadou Chiaka Maïga qui prenait les renseignements dans les quartiers et m’informait. Moi aussi, je partais dans les cybers pour découvrir les coins où on trouve plus d’Européens. J’ai décidé de venger notre prophète par rapport aux caricatures de Mahomet faites par Charlie hebdo. Le soir de l’attentat, c’est mon coéquipier qui m’a appelé pour me dire que le coin est rempli et c’est là que j’ai pris un taxi pour arriver à La Terrasse. A l’entrée, j’ai donné 2000 Fcfa au gardien pour passer inaperçu avec mon sac à dos.

Quand je suis rentré, j’ai commandé une sucrerie et entre temps j’ai compté 15 Européens. C’est là que je suis rentré dans la toilette pour m’apprêter.

J’ai commencé à tirer quand je suis sorti et j’ai tué des gens. Je ne me rappelle pas du nombre de personnes que j’ai tuées, mais en voulant sortir j’ai tiré dans le dos du Belge qui voulait rentrer dans sa voiture et sur un policier qui a voulu tirer sur moi, mais j’ai été plus rapide.

Mohamed m’attendait, mais quand la police a voulu m’intercepter, il a déclenché la grenade et a fui. D’après les faits, j’ai marché 2km avant de prendre un taxi pour rentrer “, a retracé Fawaz Ould Ahmed alias Ibrahim 10, l’auteur de l’attaque de La Terrasse.

A la question de savoir s’il a ressenti quelque chose quand il tirait sur les gens, il répond : “Je n’ai rien ressenti parce que c’est ce qu’ils méritaient et jusqu’à aujourd’hui je ne regrette pas les faits. C’est les Blancs qui criaient je suis Charlie…je suis Charlie…Nous on n’est pas Charlie, on est des musulmans et ces gens sont des mécréants, des animaux”, a-t-il qualifié  les Occidentaux.

Le président de la Cour demande à Fawaz pourquoi avoir tué les Occidents d’ici, alors que Charlie hebdo se trouve en  France, il répond : “On n’a pas les moyens d’aller en France, mais ici c’est chez nous et on tue tous les Européens qui sont là. Je ne vais jamais regretter cet acte que j’ai posé au nom d’Allah. Après les faits, je suis reparti à ATTbougou Zerni pour chercher une maison et quitter Missabougou. Après, j’ai appris la mort de mon coéquipier. Je suis retourné à Gao pour rendre compte de la mission”, déclare le terroriste.

Par  la suite, il confirmera être un membre actif d’Almourabitounes, un groupe terroriste lié à Al Qaïda au Magreb islamique (Aqmi). Ensuite, il parlera de son implication dans les attentats de l’hôtel Byblos de Sevaré, de Radisson Blu de Bamako qui ont fait 20 morts dont les deux assaillants.

“Sadou Chiaka Maïga et moi on a fait le tour pendant 45 jours près de l’hôtel Byblos de Sevaré, après je suis parti rendre compte de la situation au désert et on a donné le feu vert et les moyens pour agir. C’est Béchir qui a mené cette attaque et qui est mort par la suite.

Le choix de Radisson Blu est venu de Moctar Ben Moctar qui nous a dit de continuer le djihad. J’ai payé une moto Djakarta pour Sadou, mon frère, pour le repérage des coins focaux. Quand il m’a parlé de cet hôtel, moi-même j’y ai fait des va-et-vient pendant 30 jours et après j’ai donné toutes les informations nécessaires à Oudou Maïga et Mouhad qui étaient chargés de cette attaque.

Après avoir payé les sacs à dos et les habits pour ressembler à des jeunes Bamakois à ces deux, je suis retourné au nord parce que j’avais rempli ma part. C’est mon frère qui m’a informé quand ils ont attaqué parce que c’est lui qui les a accompagnés là-bas”, a relaté Fawaz, avant de continuer en ces termes : «L’attaque est faite d’étape et chacun remplit sa part sous des ordres. Je suis revenu pour l’attaque de l’hôtel Nord-sud et retourné au désert par la suite. Après, je suis revenu à Bamako et j’étais à Bacodjicoroni où j’ai été arrêté en 2016. A mon arrestation, j’avais remarqué des gens qui faisaient des va-et-vient à côté de ma maison et mon frère ne m’avait pas appelé depuis deux jours, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Directement, j’ai su qu’il a été arrêté et que c’était mon tour» , révèle-t-il.

La Cour demande à Fawaz pourquoi ces endroits, alors qu’il y en a d’autres qui sont plus fréquentés par les Occidentaux. Il répond : “Je n’avais pas connaissance de ces endroits sinon on les aurait attaqués. Je regrette même le fait d’avoir manqué les pilotes d’Air France qui étaient à Radisson Blu”, a signalé le djihadiste.

S’agissant de la provenance de leurs fonds, il dit que ce sont les rançons pour la libération des otages et que la France a payées en 2012.

A une question du président de la Cour : “A votre arrestation, si vous étiez armé, auriez-vous fait usage de ces armes ?”  Il répond : “Seul Dieu le sait !”.

A sa dernière prise de parole, Fawaz Ould Ahmed demande pardon aux victimes maliennes qui sont de confession musulmane qui seront indemnisés à travers la Direction de la sécurité d’Etat ou Mahmoud Dicko.

Quant à son coaccusé, Sadou Chiaka, il dit avoir ses raisons d’exécuter littéralement les ordres de Fawaz.

Pour ces faits, Fawaz Ould Ahmed a été condamné à la peine de mort avec son coaccusé, Sadou Chiaka, et à 10 millions d’amende chacun. Ce qui satisfait entièrement les parties civiles, selon  Maître Mamary Diarra, l’un de leurs représentants.

“Nous sommes totalement satisfaits parce qu’aujourd’hui l’objectif de la Cour d’assises c’est de montrer au peuple qu’on ne peut pas tout faire. Aujourd’hui, vu la cruauté de ce qui s’est passé, personne ne peut accepter de telles situations. Le fait de prononcer la peine de mort, c’est quand même un avertissement sérieux à l’endroit de tous ceux qui sont  tentés d’aller vers de telles pratiques hautement répréhensibles et contraires à tout, à la religion, à la morale. C’est comme si c’était une condamnation à perpétuité, pace que la peine de mort n’est pas exécutée. Ça permet aux victimes de savoir qu’il y a un Etat derrière et qui est prêt à sévir chaque fois que la loi pénale est violée et chaque fois que les droits de l’homme sont violés”, s’est réjouie la partie civile.

La défense, pour sa part, a signalé qu’elle va faire recours. “C’est une décision de la Cour, nous la respectons, mais nous allons nous pourvoir en cassation. Notre demande sera l’application de loi uniforme et qu’on ne se limite pas aux peines prévues par la loi uniforme. La loi uniforme, c’est la  loi de 2016 contre le financement du terrorisme et la répression du terrorisme. Cette loi prévoit la perpétuité et non la peine de mort”, a mentionné Maître Amadou Diallo, de la défense.

Les condamnés  disposent de trois jours, à travers leurs avocats, pour se pourvoir en cassation s’ils contestent la décision et la sentence.

Pour assurer la sécurité de la Cour et des personnes présentes aux assises, la Cour n’a pas pris de risque de garder les victimes au-delà d’une certaine heure et leurs intérêts civiles ont été réservés et renvoyés à la prochaine session de la cour d’assises. Un rendez-vous que votre journal préféré ne manquera aucunement pour pouvoir relater les faits, comme d’habitude, à ses lecteurs.

Marie DEMBELE

Source: Aujourd’hui Mali

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