Apres une longue suspension de plus de trois ans, faite de promesses non tenues et d’espoirs déçus, le gouvernement semblait s’être enfin résolu à rouvrir le procès dit de l’affaire des bérets rouges en annonçant la reprise des travaux à la date du 13 janvier 2020. L’on se rappelle que celui – ci avait dû être renvoyé par la Cour d’Assises, en octobre 2016, quelques heures à peine après son ouverture à Sikasso ou la juridiction s’était transportée.
Au grand dam des organisations de défense des droits de l’homme et, sans doute, au grand déplaisir de simples citoyens soucieux de justice et d’équité, ce nouveau rendez-vous judiciaire ne sera pas, non plus, tenu par le pouvoir. Les motifs invoqués par le gouvernement pour justifier la décision de reporter une nouvelle fois le procès semblent, à première vue, frappés au coin du bon sens. En effet, selon Yaya Sangaré, son porte-parole, le gouvernement a conclu à la nécessité du report en raison des exigences de préservation de “l’ordre public” et de la “cohésion au sein des forces armées”.
Passons sur la maladresse consistant à faire état de motifs aussi graves pour justifier un simple report de jugement. Le porte – parole aurait pu simplement avancer la raison d’opportunité. Toutefois, à y regarder de près, l’on en arrive rapidement à se demander si, au fond, la décision de fixer au 13 janvier la reprise du procès intenté au chef de l’ex – junte et ses coaccusés avait fait l’objet d’une réflexion approfondie. Si ce préalable avait été accompli, le gouvernement se serait certainement rendu compte que cette décision posait problème à bien des égards. D’abord, on peut s’interroger sur l’opportunité de rouvrir un tel procès au moment où le pays est confronté à une crise sécuritaire sans précédent, avec de lourdes interrogations sur la pertinence des options stratégiques arrêtées pour y faire face.
Ensuite, et ce constat est véritablement affligeant, l’impact de la reprise du procès sur l’activité du pouvoir exécutif ne semble pas avoir été suffisamment mesuré alors qu’au moins un membre important du gouvernement était appelé à y comparaître comme accusé.
Cette lacune grave a d’ailleurs failli déboucher sur une grave crise gouvernementale avec la résolution ferme prise par le Général Ibrahim Dahirou Dembélé, actuel ministre de la Défense, de rendre le tablier si jamais il devrait être jugé par la Cour d’Assises. Il avait estimé en effet incompatible avec son statut de ministre le fait de devoir comparaître devant une juridiction pénale pour y répondre des faits criminels. Mais surtout, l’intéressé qui a toujours clamé son innocence par rapport aux faits ayant motivé les poursuites, croit profondément qu’un procès impliquant le ministre de la Défense entamerait profondément le crédit du Mali auprès de ses partenaires impliqués dans la résolution de la crise sécuritaire que traverse le pays.
Le Président de la République, en prenant la responsabilité d’un nouveau report (l’annonce de la décision par le parquet ne doit pas faire illusion), a pu éteindre l’incendie qui couvait en se ralliant à la position de son ministre et en désavouant implicitement celle du ministre de la Justice.
On le voit clairement, le Mali aurait pu faire l’économie de l’épisode qui précède en consacrant plus d’efforts aux aspects conceptuels de la réouverture du procès.
Mais au-delà de l’expression des regrets, l’on doit considérer que la question de la tenue du procès de l’affaire dite des bérets rouges reste toujours posée. Et qu’il va bien falloir y faire face dans les semaines et mois à venir. Le communiqué publié par l’Amdh, la Fidh et organisations, après l’annonce du nouveau report par le gouvernement en dit long sur l’attachement des parents des victimes à la tenue d’un procès équitable et juste. Pour faire la lumière sur les événements tragiques survenus suite au contre -coup d’Etat du 30 avril 2012.
Birama FALL
Source: Le Prétoire