Grace à la politique de l’emploi menée par les gouvernements successifs, depuis quelques années, petit-à-petit l’économie du Mali se construit de nos jours avec des projets d’entreprise des jeunes financés par le biais des structures d’emploi créées à cet effet. Du matin au coucher, partout où vous allez vous avez à faire à une petite entreprise. Malgré les difficultés rencontrées au quotidien, ces projets d’entreprise des jeunes résistent car elles n’ont pas d’autres choix que de réussir. On a cette chance, mais au lieu de leur donner de la valeur et des moyens, chaque fin d’année, plusieurs de ces entreprises des jeunes sont liquidées au tribunal de commerce. Quelles sont les causes de ces faillites précipitées des projets des jeunes ?
Au-delà du détournement des objectifs auxquels les projets de création d’entreprise des jeunes ont été assignés tels la construction de maison, l’achat des voitures, le mariage, etc. ou tout simplement la belle vie, nous aborderons dans cette partie du dossier d’autres aspects liés à la faillite des jeunes.
- La principale cause de mortalité des entreprises au Mali
Le taux de mortalité est dû en grande partie à un problème de qualification et de compétence. Soit du salarié, soit du jeune chef d’entreprise. C’est aussi dû à une faiblesse du capital. Des jeunes diplômés, nouveaux chefs d’entreprise, ouvrent leurs structures avec un capital de 3-5 millions voire plus. Et quand ils se retrouvent dans la production, ils se rendent compte qu’il faut des fonds propres pour commencer parce qu’il faut être salarié tout de suite. Dans les marchés publics, les jeunes entrepreneurs ne bénéficient pas d’avance forfaitaire s’ils n’ont pas une caution bancaire. Alors, obligés à sortir de l’argent, ils se retrouvent endettés alors qu’ils n’ont même pas un capital de base qui leur permettrait de tenir ce rythme.
Autre que la sous-capitalisation, il y’à le fait quand les entreprises demandent des prêts bancaires, ce sont des dossiers compliqués à monter que les jeunes chefs d’entreprise, novices en la matière, ne sont pas en mesure de gérer tous seuls. Mieux, ils sont confrontés à cette mentalité de l’isolement en ce sens que les projets d’entreprise des jeunes, ce sont des hommes ou des femmes seuls dans leurs entreprises, avec un ou deux salariés, et qui n’ont pas le temps de rencontrer d’autres personnes pour créer une force. Quand ils rencontrent une difficulté, ils vivent cette difficulté seuls dans leur coin. Donc, ils sont souvent tous seuls à crever jusqu’à en disparaître.
Un constat accablant qui fait grincer les dents et, dans ces conditions, beaucoup de ces projets croulent sous l’emprise de dettes faramineuses et l’idée de fermer leurs portes est devenue pour elles une option plus qu’envisageable. La détresse et la souffrance qui se lisent sur leurs visages sont révélatrices du malaise qui frappe cette couche juvénile en quête de repaires. Beaucoup de jeunes entrepreneurs sacrifient leur vie pour l’identité qu’ils créent pour ensuite voir leur « bébé » s’éteindre à petit feu. Les causes de ces échecs sont nombreuses et variées. Le jeune entrepreneur, qui a le désir de se lancer en affaires, pense d’abord à trouver l’idée et s’investir ensuite. Il démarre l’entreprise mais est confronté à un dilemme : quelle est la première étape à suivre ?
- Acquérir des clients ?
- Faire de la publicité?
- Embaucher?
- Investir dans des outils?
Mais laquelle choisir pour commencer ? Le jeune entrepreneur possède, certes, un talent mais par la force des choses, il est contraint d’exécuter des tâches qu’il ne connait pas aussi bien. L’entreprise démarre et elle commence à fonctionner. Le temps passe et, au bout de quelques années, elle crée des emplois, fait un chiffre d’affaires et une marge de crédits acceptables et, en fin d’année fiscale, elle termine en pertes avec une marge de crédit bien remplie. Mais pourquoi ? Pourtant, l’entreprise fait de l’argent…!? Le plus beau rêve est devenu peut-être le pire cauchemar…
- Quelles sont les difficultés rencontrées par les projets d’entreprise des jeunes ?
Des difficultés premièrement à obtenir des financements, à se développer et à investir. Au Mali, les projets des jeunes doivent faire face à une population extrêmement sous-qualifiée. Soit c’est le chef d’entreprise qui n’a pas une qualification suffisante mais qui veut ouvrir une structure parce qu’il doit répondre à un besoin de base : manger. Puis, il y a des jeunes, chefs d’entreprise, qui sont eux qualifiés mais qui, en recrutant, ne trouvent pas de personnel qualifié. Dans un projet d’entreprise, quand vous avez deux salariés dont un pas qualifié, cela a tout de suite des conséquences.
Les jeunes quittent l’enseignement avec certaines qualifications, mais ne disposent pas encore des compétences de base nécessaires pour décrocher un emploi. Les conseils en matière d’orientation ne répondant ni aux besoins de l’élève ni à ceux des entreprises, les jeunes ont du mal à choisir parmi les différents secteurs et postes de travail proposés. La situation se complique encore davantage lorsque les jeunes ne savent pas vraiment ce qu’ils souhaitent faire plus tard surtout si les employeurs ne sont pas correctement préparés à recruter un grand nombre parmi eux. En désespoir de cause, beaucoup se lancent dans l’entreprenariat avec des petits projets porteurs.
Or, dans ce domaine, n’est pas entrepreneur qui veut. Ce métier demande du talent et des compétences. Le talent est souvent opposé aux compétences. Il s’apparente à un don naturel, quelque chose d’inné, une capacité particulière qui permet de réussir en société. Les compétences, elles, sont rattachées à la connaissance et au savoir-faire. Dans cette opposition entre le talent et les compétences, le talent peut faire la différence à travers des aptitudes plus spécifiques telles que l’originalité, la capacité à s’adapter ou l’esprit d’initiative. Encore faut-il savoir déceler ces capacités. C’est là que le plus dur commence.
En présence d’un phénomène de ce genre, il est indispensable d’analyser les forces extérieures qui le façonnent. Lorsqu’on est amené à créer une entreprise (quelle soit sa taille) et à recruter un nombre de jeunes, il devient nécessaire de mettre en place de nouvelles stratégies afin de déceler les compétences pour pouvoir maintenir un niveau raisonnable de productivité. Mais, les jeunes vont vite en besogne, pressés qu’ils sont de quitter ce monde de chômage prêt à bouffer leur avenir. Généralement, ce sont des copains, des amis d’enfance, des parents ou des proches qu’on cible pour leur éviter le chômage. Sans formation, sans compétences et surtout sans outils nécessaires au bon fonctionnement d’un projet d’entreprise, ces jeunes se lancent dans cette aventure aux contours difficiles.
Un exemple et je vais utiliser une métaphore pour bien illustrer la situation. Prenons un match de foot que nous connaissons presque tous. Pour jouer, il y a des attaquants qui constituent la ligne offensive, des joueurs défensifs et, bien sûr, le gardien de but. Ensuite, il y a l’entraîneur et ses assistants, des partisans pour encourager l’équipe et des arbitres pour appliquer les règles du jeu. Maintenant, imaginez-vous un match où il n’y a qu’un seul joueur présent (l’entrepreneur seul) pour former l’équipe…
Il essaiera tant bien que mal d’occuper tous les postes (attaquant, défenseur, gardien de but, entraîneur) en même temps. De l’autre côté, l’équipe adverse, quant à elle, a des joueurs pour combler chacune des positions. La partie serait sans doute intéressante à regarder, mais les chances de victoire seraient assurément à l’équipe complète qui aligne des joueurs spécialistes de chaque position. Et c’est bien le cas. Pour qu’une entreprise soit en santé financière, elle doit avoir des joueurs clés pour l’aider à marquer des buts.
L’objectif global étant de capitaliser sur les points forts de chacun pour maximiser la performance collective. Placer chaque personne au bon endroit, au sein d’un environnement qui lui apportera les conditions de réussite dont il a besoin, permettra non seulement, l’épanouissement des collaborateurs, mais également leur fidélisation. Le management par les talents donne la possibilité aux collaborateurs de se responsabiliser. N’étant plus dans une simple approche d’exécutant, l’entreprise leur donne l’occasion d’exploiter tout leur potentiel.
En replaçant la dimension humaine, la personnalité et le talent de chacun au centre des préoccupations, mais surtout au cœur de l’entreprise, c’est avant tout le collectif dans son ensemble qui en sort vainqueur. L’entreprise, qui est en capacité d’utiliser les talents de chacun, pourra se démarquer de la concurrence, mais aussi garantir l’investissement sur le long terme.
- Ebauches de solutions
Quand un projet d’entreprise de jeunes est en difficulté et qu’il n’arrive pas à payer ses charges, on dit « c’est une entreprise inefficace ». La question est de savoir c’est quoi être «inefficace». Quand un jeune chef de projet d’entreprise n’arrive pas à payer ses charges, est-ce que c’est véritablement parce que c’est un mauvais payeur ? Il y en a, c’est vrai, mais est-ce qu’il n’est pas dans un système inadapté où il s’efforce d’avoir un outil rentable et productif avec des gens qui ne le sont pas ? Il lui faut peut-être deux ans, trois ans voire quatre pour faire de ces gens peu qualifiés des gens rentables.
Pendant cette période, comment on accompagne ces entreprises ? On vous dira que la balance entre la mortalité et la création des projets entreprises des jeunes est positive, et que c’est très bien pour la politique de l’emploi des jeunes. Mais seulement de quelle création parle-t-on ? De quelle mortalité parle-t-on ? Souvent les institutions comparent la mortalité des entreprises, qui se sont structurées, organisées à la naissance d’auto-entreprises dont le patron n’a pas de qualification. Ces créations-là pèsent positivement dans la balance mais en réalité sur le terrain elles ne correspondent pas à grand-chose.
Comment éviter une telle situation suite à un démarrage ? Planifiez les étapes de votre cheminement avec des experts. La planification vous permettra d’attirer les meilleurs joueurs et de jouer la partie avec les bons « équipements » c’est-à-dire les bons outils pour gagner. Les outils facilitent l’acquisition de compétences, alors que la stratégie suscite le changement. En vous concentrant toujours sur votre talent, entourez-vous de gens qui sont passionnés par votre projet et qui ont des forces que vous maîtrisez moins. Et l’entreprise doit avant tout mettre l’accent sur les stratégies et approches de formation.
Il faut donc des mesures concrètes visant à :
- Observer un suivi régulier pour une pérennisation des projets des jeunes qui sont endurants et qui ont un vrai savoir-faire ;
- Mettre en place un système d’alerte pour prévenir les risques de faillite des projets des jeunes ;
- Mettre réellement en place des mesures d’accompagnement adéquates ;
- Revoir l’application des charges en conséquence.
La mise en œuvre efficiente de ces mesures permettra, sans nul doute, à optimiser l’entreprise et donner un coup salvateur à l’initiative des jeunes qui se lancent dans ce monde difficile des affaires.
Par Mohamed SACKO
Journaliste
L’Aube