Quatre jours après la démission de Soumeylou Boubèye Maïga, la présidence de la République a désigné son successeur. Le Dr Boubou Cissé, ministre sortant de l’Économie et des finances est désormais nouveau locataire de la Primature.
Un Économiste à la Primature
Nommé Premier ministre ce 22 avril 2019 par le Président de la République Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le Dr Boubou est un financier chevronné et un connaisseur de l’administration malienne.
Âgé de 45 ans, Boubou Cissé est né à Bamako où il effectue ses études primaires à l’école Mamadou Konaté puis à l’école fondamentale de N’Tomikorobougou. Au terme de ses études secondaires à Bamako, de 1982-1985, Boubou Cissé s’envole pour la République Fédérale d’Allemagne puis aux Émirats arabes unis pour des études supérieures.
Il revient en France, précisément à l’université Clermont Ferrand où il passe un DEA en économie du développement. Le ministre Cissé est également titulaire d’un doctorat en sciences économiques obtenu à l’université d’Aix-Marseille, toujours en France.
Après ses études, il fait fonction dans la Banque mondiale où il occupe le poste d’économiste principal chargé des opérations de 2005 jusqu’à sa nomination en septembre 2013 dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly en qualité de ministre de l’Industrie et des mines.
Le nouveau Premier ministre dirigeait l’hôtel des finances, depuis janvier 2016, avec plusieurs succès auprès des partenaires techniques et financiers du Mali.
Issu de la prestigieuse Université d’Aix-Marseille (France) où il décroche un doctorat en sciences économiques, le Dr Cissé, en dépit de son jeune âge (45 ans) est l’un des vétérans des gouvernements d’IBK pour y avoir été aussi ministre de l’Industrie et des Mines. Cet ancien cadre de la Banque mondiale est un émient économiste qui n’a pas de coloration politique affichée.
Un choix éclairé et fédérateur
Après la chute de Boubèye, chaque camp de l’opposition ainsi que de la majorité s’est attribué la victoire et ses mérites. L’opposition (FSD et COFOP) et le parti présidentiel entendaient donc chacun de son côté tirer les marrons du feu. Et en guise de dividendes de leur action héroïque, chacun s’attendait à se voir attribuer la peau du Tigre, pardon la Primature qu’il fallait selon l’expression de notre confrère « dératiser ».
Au regard des appétits légitimes du RPM et des ambitions enfin dévoilées de l’opposition, il fallait, au président IBK, qui a entrepris depuis ce vendredi, une large concertation avec toutes les forces sociales et politiques du pays, du tact pour maintenir l’apaisement et l’équilibre politiques en vue de donner une chance au dialogue national qu’il avait préconisé. Selon le programme initial, ce dialogue est annoncé du 23 au 28 avril.
Recevant dans le cadre des consultations qu’il a menées depuis vendredi, pour discuter d’une part, de la situation socio-politique du pays, et d’autre part de la constitution d’un gouvernement de large ouverture, le Président IBK a donc insisté auprès de ses interlocuteurs sur la nécessité de mettre le Mali au-dessus de tout et les a exhortés à l’accompagner dans le processus de reconstruction de notre pays.
Dans ces conditions, le choix d’un Premier ministre politique pouvait mettre en péril cet équilibre d’apaisement de la part du Chef de l’État, dont la posture et la dédicace dictent une équidistance. Le second souci du président IBK était la préservation de la dynimique pour faire aboutir les reformes. Pour ce faire, il fallait un homme qui avait connaissance et conscience des dossiers autremen une rupture avec la nomination d’un Premier ministre non membre du gouvernement aurait impacter cette dynamique.
Un jeune Premier ministre, un Premier ministre des jeunes
Le président IBK a donc privilégié, à notre avis, le choix d’un Chef du gouvernement technocrate au sein de l’équipe, qui à défaut d’unanimité pouvait rallier les Maliens sur sa compétence, son intégrité, son expérience, sa réputation de rigueur, mais par-dessus son esprit d’équité et d’ouverture étant en dehors du carcan partisan.
À cette préoccupation contextuelle, on peut aussi ajouter le souci constant du président IBK d’honorer une de ses promesses envers la jeunesse : faire de son mandat de la jeunesse. Or, sur ce terrain, force est de reconnaître que de tous les jeunes (sans jeter la pierre aux autres), le Dr Boubou Cissé a une longueur d’avance en termes d’image, de respectabilité et de réputation. Pour un mandat dédié à la jeunesse, le Dr Boubou Cissé est un symbole qui peut être vendu mieux celui qu’on nous avait servi en 2018.
Le profil à l’analyse froide s’impose donc comme d’évidence et comme le seul pouvant aujourd’hui faire consensus. Et l’homme choisi, le Dr Boubou Cissé aligne des atouts indiscutables tant sur le plan de la compétence, de l’expérience et sa loyauté envers le président IBK.
Un préjugé favorable
Membre d’aucun parti politique, le nouveau Premier ministre est connu pour son pragmatisme et son ouverture d’esprit. Il aura l’avantage de sa neutralité entre les diverses chapelles pour fédérer et canaliser les synergies politiques et sociales afin de parvenir à un consensus indispensable à l’aboutissement des réformes en chantier.
Très écouté, dit-on, par le président IBK, bosseur et très humble, le Dr Boubou aura besoin de toute son expertise, sa fraicheur d’esprit, et de son humilité pour rassembler les Maliens et les réengager autour des nombreux défis auxquels le pays fait face. Il devrait pour y réussir faire un dosage pour maintenir les équilibres tout en traduisant le pari du président IBK de faire de son dernier mandat celui de la jeunesse.
Au poste de la Primature, le tout nouveau Premier ministre hérite d’une situation pas fameuse : les enjeux et les défis sont nombreux. Ainsi, il doit urgemment être à l’écoute et prendre en charge les aspirations légitimes des populations, notamment celles du Centre. En priorité, juguler la crise sécuritaire, mais aussi trouver une alternative à l’embrasement sociale par une réponse étatique responsable, sociale et solidaire. Surtout, il doit rapidement sortir du cercle infernal de la pression sur l’État.
Pour cause, si sa nomination comme Chef du gouvernement pourrait être gage de stabilité et rassurer davantage les partenaires financiers qui ne tarissent pas d’éloges sur lui, elle doit aussi et avant tout être une solution de sortie de crise notamment au triple plan sécuritaire, sociale et politique.
Un PM de sortie de crise
N’étant ni politique et n’ayant aucune ambition pour 2023, le nouveau Premier ministre ne pourrait être ni aperçu ni combattu comme un adversaire à abattre. Au contraire, il pourrait être un arbitre impartial dans la guerre de succession qui profile déjà et qui promet d’être ouverte. Le président IBK ne pouvant pas être candidat pour un troisième mandat au terme de la Constitution.
Le nouveau Premier ministre ne devrait surtout avoir aucun complexe et ne pas s’attendre à faire l’unanimité. Les hybrides seront toujours au front pour dénoncer le gouvernement. C’est à lui de réussir là où son prédécesseur a échoué en écoutant et en traitant les religieux, dès lors qu’ils s’inscrivent dans la République, avec plus d’intelligence et de respect. Tenter de les combattre n’est pas la solution.
Comme avec l’opposition et les enseignants qui ne seront sûrement pas contents de sa nomination, il faut restaurer le dialogue politique et social sur de nouvelles bases plus respectueuses pour espérer trouver rapidement une solution de sortie de crise.
Reconnu pour sa tempérance, sa simplicité, son sens du devoir et sa parfaite maitrise et conscience des grands dossiers du Mali (des enjeux et des défis à relever) pour avoir été ministre depuis septembre 2013, le Premier ministre Cissé pourra, avec la pleine confiance du président et l’accompagnement de la classe politique, notamment la majorité et de la société civile relever le challenge.
Pour garantir ce succès, outre la confiance du président IBK, le nouveau locataire de la Primature devrait aussi bénéficier d’une plus grande marge de liberté et de responsabilité afin de trouver dans l’urgence et conformément aux attentes des populations, une solution aux crises qui asphyxient le pays à plusieurs niveaux. À condition qu’on ne fasse pas du replâtrage pour reconduire ceux-là mêmes qui ont foutu le pays dans le gouffre. Quelles seront les marges de manœuvre de Boubou Cissé ?
On le saura à la formation du nouveau gouvernement.
Affaire donc à suivre
Par Sikou BAH