A peine installé, le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita vient d’engager une poursuite contre l’ancien président Amadou Toumani Touré pour haute trahison. La nouvelle de la saisine de l’AN, siège de la Haute Cour de Justice compétente pour juger le chef de l’Etat et les ministres, est tombée comme un couperet sur la tête des dignitaires du régime d’ATT, le vendredi 27 décembre 2013.
La possible poursuite judiciaire contre l’ancien président depuis son départ forcé du pouvoir était jusque là une hypothèse non envisageable par beaucoup de Maliens.
C’est pourquoi dès cette annonce du porte parole du gouvernement OTL, de nombreux observateurs s’interrogent sur l’opportunité même de la poursuite. D’autres sont peu convaincus des chefs d’accusation retenus contre ATT. Selon certains, l’ouverture d’un dossier de crime économique contre ATT allait mieux prospérer que ces charges.
Les Charges de dénonciation retenues par le Parquet Général de la Cour Suprême concernent, entre autres : facilitation, ès qualité de Président de la République, de la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le territoire national, notamment en ne leur opposant aucune résistance ; Destruction ou détérioration volontaire d’outil de défense nationale ; Participation à une entreprise de démoralisation de l’armée, caractérisée par les nominations de complaisance d’officiers et de soldats incompétents et au patriotisme douteux à des postes de responsabilité au détriment des plus méritants entraînant une frustration qui nuit à la défense nationale ; Opposition à la circulation du matériel de guerre, et participation, en connaissance de cause, à une entreprise de démoralisation de l’armée, malgré la grogne de la troupe et des officiers rapportée et décriée par la presse nationale ; Destruction ou enlèvement en tout ou partie, des objets, matériels, documents ou renseignements qui lui étaient confiés, et dont la connaissance pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale.
Ces nombreuses charges sont certes prévues par le code pénal malien et la poursuite pour haute trahison constitue un principe constitutionnel. Mais, celle qui vient d’être engagée contre ATT et qui est du moins la première dans l’histoire du pays ne constitue pas une opportunité du moment. Elle suscite beaucoup de commentaires chez les Maliens, qui s’interrogent sur la finalité et la suite qui pourraient être données à cette poursuite.
Cette poursuite, à supposer être apolitique, pourra difficilement connaître son épilogue. N’entrera – t-on pas vers un procès interminable ? En tout cas les étapes sont longues et complexes et l’instruction risque d’être bouleversante. Car, bon nombre d’acteurs politiques sont comptables du mal.
Après la saisine qui vient d’être opérée, la nouvelle Assemblée Nationale doit faire face à cette épineuse question. Elle doit recueillir la majorité des deux tiers pour ordonner l’inculpation. Et la suite est longue. Une fois inculpé, ATT sera soumis à une enquête (instruction judiciaire) diligentée par des magistrats de la Cour Suprême qui doivent examiner minutieusement tous les faits à lui reprochés. Et c’est seulement quand la Chambre criminelle termine son instruction et déclare charges suffisantes contre ATT que l’affaire sera envoyée à la Haute Cour de justice dont la composition revient encore essentiellement aux députés. C’est ainsi que les débats du procès proprement dit commencent. Une affaire à suivre.
Daniel Kouriba