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Pourquoi la France reste le « gendarme » d’une partie de l’Afrique

L’aviation française est intervenue début février contre une colonne de rebelles tchadiens venue de Libye. Une opération qui pose question sur la frontière entre action antiterroriste et protection des régimes. Vieux dilemme jamais résolu.

La France est-elle condamnée à rester le « gendarme de l’Afrique » ? La question se pose après l’intervention de l’aviation française au Tchad, non pas contre des djihadistes comme c’est en principe sa mission, mais contre des opposants armés au président tchadien Idriss Deby.

Cette intervention a stoppé net une colonne de véhicules armés qui se dirigeait en direction de la capitale, N’Djaména en provenance du sud de la Libye.

« La France est intervenue militairement pour éviter un coup d’État », a déclaré en guise d’explication a posteriori, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. La Constitution, dans son article 35, n’oblige le gouvernement qu’à « informer » le Parlement, là où d’autres pays exigent son feu vert avant d’engager leur armée.

Le résultat est une grande opacité, accentuant cette idée selon laquelle l’armée française resterait l’assurance survie des régimes africains, comme si rien n’avait changé depuis les indépendances en 1960, et les clauses secrètes des Accords de défense.

Pendant sa campagne, Emmanuel Macron s’était montré critique vis-à-vis des interventions militaires à l’extérieur, la Libye en 2011 étant à ses yeux l’exemple à ne pas suivre.

Mais depuis, il n’a pas hésité, comme ses prédécesseurs, à faire un grand usage des OPEX, les opérations extérieures, en Afrique et au Moyen Orient. Sans doute parce que, comme l’a remarqué cruellement un jour Dominique de Villepin, « c’est le seul bouton dont dispose le Président de la République qui fonctionne »…

Emmanuel Macron est donc un non-interventionniste contrarié. Il veut créer de nouveaux rapports avec l’Afrique, une intention louable qu’il a tenté de marquer par un dialogue avec la jeunesse à Ouagadougou ; mais la réalité le ramène toujours vers la question sécuritaire, avec son inévitable dimension politique.

La France était-elle obligée d’intervenir au Tchad ? La réponse est complexe. Car si la France pouvait sans doute refuser d’intervenir dans ce qui est une affaire intérieure, et même une affaire de famille puisque les chefs rebelles sont les propres neveux d’Idriss Deby, les conséquences d’un refus auraient été lourdes. Le Tchad, malgré tous les défauts de son régime, est un allié-clé dans la lutte contre le terrorisme, et le commandement de l’opération Barkhane au Sahel est d’ailleurs à N’Djaména.

Le résultat, hier comme aujourd’hui, est que la France, pour éviter que cette zone ne sombre dans une instabilité chronique à la libyenne, continue de soutenir des régimes autoritaires.

Idriss Deby en fait partie, lui qui est justement arrivé au pouvoir il y a vingt ans à la tête d’une colonne de 4×4 armées, et n’a toujours pas expliqué ce qui est arrivé à l’opposant Oumar Mahamat Saleh, disparu en 2008, pendant que l’armée française sauvait son régime d’une précédente attaque rebelle.

L’histoire bégaye, et explique que, en 2019 encore, la France soit le gendarme d’un Tchad et d’une partie de l’Afrique loin d’être stabilisés.

Pierre Haski

SourceFrance inter

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