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Pourquoi la France intervient en Centrafrique ?

Les soldats français ont reçu l’ordre de quadriller les points sensibles de la ville de Bangui, durant toute la nuit de jeudi 5 à vendredi 6 décembre. L’opération «Sangaris» – du nom d’un papillon rouge éphémère – a donc commencé.

soldats armée française centrafrique

Dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 décembre des tirs ont retenti faisant plusieurs dizaines de morts à Bangui. Face à cette montée des violences le Conseil de sécurité de l’ONU a donné dans l’après-midi de jeudi 5 décembre son feu vert à l’intervention. Peu après, le président de la République François Hollande a insisté sur le caractère immédiat de l’action. Ainsi « Sangaris » démarre plus rapidement que prévu. Après son intervention au Mali, la France se lance donc dans une deuxième campagne en Afrique.

La Centrafrique, un pays riche laissé à l’abandon

La Centrafrique est un peu plus grande que la France, au milieu du continent africain. Cette ancienne colonie française est en crise chronique depuis son indépendance en 1960, la majeure partie du pays étant en proie depuis des années à des bandes armées. Ce pays couvert de forêt aurait pu être la Suisse de l’Afrique. Entre or, uranium, pétroles et autres ressources, la Centrafrique est un pays potentiellement très riche et dont les gisements représentent un enjeu dans le conflit en cours, surtout les diamants. Dès la colonisation, les autorités locales françaises ont exploité ce territoire comme une entreprise commerciale. « Elles l’ont divisé et ont octroyé des concessions exclusives à des compagnies françaises avec lesquelles elles travaillaient main dans la main pour faire du profit, explique l’International Crisis Group dans un rapport intitulé De dangereuses petites pierres : les diamants en République centrafricaine, publié en 2010. Cette confusion entre autorité étatique et intérêts privés a ancré l’idée que détenir le pouvoir donnait le droit de profiter des ressources naturelles et du labeur de la population. »

La menace des milices

Créée en décembre au nord du pays, la Séléka («alliance», en sango, la principale langue locale), est un groupe armé rebelle qui a conquis la moitié de la Centrafrique en quelques semaines, en pillant et en semant la terreur. En mars,  elle a renversé le président François Bozizé. Les ex-rebelles se sont partagé les zones minières. Plus de 400 000 personnes ont déjà fui leur village, soit un dixième de la population du pays. Le schéma n’est pas nouveau : des groupes armés appliquent cette « méthode » depuis des années au Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). La Centrafrique abrite également d’autres groupes, comme la LRA (Lord’s Resistance Army ou Armée de résistance du Seigneur) de Joseph Kony, qui est arrivée d’Ouganda en 2008 : la position centrale du pays et l’impunité qui y règne en font une sorte de refuge pour tous les groupes armés de la région.

Exacerbation du sentiment religieux

Les Centrafricains sont à 80 % chrétiens. A l’arrivée de la Séléka, les communautés religieuses ne s’affrontaient pas. Lors de leur redéploiement dans le pays, les membres de la Séléka ont attaqué les églises et les intérêts religieux. Mais il ne s’agit pas de djihadistes. La connotation religieuse de leurs exactions s’explique davantage par leurs origines. Les rebelles centrafricains qui ont créé la Séléka sont peu nombreux. Ils ont donc noué des alliances avec des hommes issus des rébellions du Darfour (ouest du Soudan) et du Tchad, deux pays où la population est en majorité musulmane. « Ces gens ont vécu dans des pays de charia. Ils véhiculent cette mentalité », témoigne Béatrice Epaye membre du Conseil national de transition, ancienne ministre et figure de la société civile centrafricaine

Dans les villages centrafricains, une résistance s’est formée. Des jeunes ont commencé à prendre les armes pour se défendre, formant ce que l’on nomme les Anti-Balakas. Ces milices d’autodéfense, à dominante chrétienne, ont commencé à s’attaquer à des musulmans civils en représailles des exactions commises par la Séléka. Mardi 3 décembre, au moins douze éleveurs musulmans ont été tués à la machette près de Bangui par des milices formées essentiellement de chrétiens. Les Anti-Balakas s’attaquent à tous les musulmans, et visent par exemple les Peuls bororos, qui parlent la même langue que les membres de la Séléka, ont le même type sahélien, mais n’ont rien à voir avec eux…

Dans son message de Noël, l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, a exhorté les Centrafricains au calme : « Beaucoup de personnes de mauvaise foi et volonté voudraient voir éclater un conflit intercommunautaire et interreligieux en Centrafrique. Ne laissons pas ces personnes transposer sur le terrain du religieux ce conflit. » Les conséquences seraient dramatiques.

Un objectif humanitaire et sécuritaire

Plus d’1,5 million de Centrafricains, soit un tiers de la population, ont besoin d’aide de toute urgence. Des dizaines de milliers de personnes fuient et se cachent dans la campagne pour échapper aux bandes armées qui sèment la terreur dans le pays. Ainsi l’intervention de Paris est avant tout humanitaire et sécuritaire, mais aussi stratégique. La France veut éviter que la région entière se retrouve dans le chaos. Si le pays n’est pas repris en main rapidement, l’instabilité de la Centrafrique risque de déstabiliser toute la région étant donné sa position enclavée entre Cameroun, Tchad, Soudan et République démocratique du Congo.

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