Alors qu’une partie croissante de la population doute de l’utilité de la démocratie, il devient essentiel de rappeler ses principes fondamentaux et les bénéfices qu’elle peut offrir, en particulier dans un pays où l’injustice sociale et la pauvreté restent des réalités majeures. La démocratie n’est pas un luxe, mais un espoir rationnel pour bâtir un État plus juste, plus équitable et plus efficace.
Ce qui est préoccupant aujourd’hui au Mali, c’est l’émergence d’un sentiment, de plus en plus répandu, selon lequel la démocratie serait inutile, voire néfaste. Cette perception traduit une méconnaissance profonde de ce qu’est réellement la démocratie, de ses objectifs fondamentaux et des avantages concrets qu’elle peut apporter à une société comme la nôtre.
Il est donc plus que jamais nécessaire de lancer un vaste chantier de formation et de sensibilisation des citoyens maliens à la démocratie et à la bonne gouvernance. Non pas pour imposer un modèle extérieur, mais pour construire un système adapté à nos réalités historiques, culturelles et sociales. C’est à ce niveau que le véritable débat doit s’installer. Aujourd’hui, trop de confusion entoure le concept de démocratie, et seuls l’éducation civique, le dialogue et une participation éclairée du peuple permettront de tracer un cap lucide et durable.
Beaucoup réduisent encore la démocratie à la seule organisation d’élections. Or, la démocratie est bien plus que cela. Elle vise avant tout à instaurer une gouvernance équitable, transparente et responsable. Elle garantit la gestion rigoureuse des ressources publiques, assure une justice indépendante, protège les libertés individuelles, et surtout, elle promeut l’égalité des chances. Dans une démocratie réelle, un enfant issu d’un milieu modeste peut aspirer légitimement à devenir ministre, entrepreneur ou même président de la République, sur la base de son mérite et de son comportement exemplaire.
Rejeter la démocratie sous prétexte qu’elle a été mal appliquée par certains dirigeants revient à confondre la boussole avec celui qui s’en est mal servi. Le problème ne réside pas dans le modèle démocratique lui-même, mais dans sa mise en œuvre dévoyée. Or, l’un des atouts majeurs de la démocratie, c’est justement sa capacité à être évaluée, critiquée, corrigée, car elle repose sur des règles connues, des institutions ouvertes, et des mécanismes de contrôle.
À l’inverse, les alternatives que certains proposent aujourd’hui en Afrique sont souvent vagues, sans fondement théorique solide, et surtout, fondées sur la confiance aveugle en un homme ou en un régime. Ce type de gouvernance comporte plus de risques car il efface ou affaiblit les contre-pouvoirs indispensables à toute gestion équilibrée : le Parlement, la justice, la société civile, la presse. Lorsque ces garde-fous disparaissent, les équilibres de forces sont rompus, les dérives autoritaires, les abus de pouvoir et l’impunité deviennent difficiles à contrôler.
Tout cela semble être reconnu par la nouvelle constitution de 2023.
Par ailleurs, il faut souligner que dans le monde contemporain, les pays qui valorisent la démocratie et la bonne gouvernance adaptent à leurs réalités bénéficient d’un respect accru sur la scène internationale. Ce n’est pas un hasard si la grande majorité des régimes politiques dans le monde sont issus d’élections y compris en Russie, en Chine . Ces gouvernements tirent leur légitimité non seulement du vote populaire, mais aussi de leur capacité à respecter les règles du jeu démocratique qu’ils ont préalablement défini et à rendre des comptes régulièrement au peuple. Cette légitimité renforce la stabilité interne et inspire la confiance à l’extérieur, notamment auprès des partenaires potentiels, des investisseurs et des autres États.
Il est vrai que des situations exceptionnelles de crise ( lutte contre le terrorisme par exemple) peuvent justifier de retarder l’organisation des élections. Mais cela ne doit jamais remettre en cause la nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel dans des délais clairs, connus et négociés avec toutes les parties prenantes. Tout doit être fait pour réduire les incertitudes, qui sont parmi les plus grands freins à l’investissement et à l’activité économique. L’absence de calendrier électoral précis, la méfiance entre acteurs et le flou institutionnel nuisent gravement à la confiance, à la croissance et à l’emploi.
Il est donc de notre responsabilité collective, en tant que citoyens, de ne pas confondre les pratiques passées de certains politiciens avec les valeurs fondatrices de la démocratie et de la bonne gouvernance. Cette dernière bien adaptée à nos réalités culturelles et sociales reste l’une des meilleures garanties contre l’arbitraire, l’exclusion et l’injustice. Elle demeure, pour un pays comme le nôtre, un idéal à atteindre, un cadre dans lequel chaque Malien – riche ou pauvre, urbain ou rural – peut espérer vivre dignement et participer activement à la construction de la nation.
Vive le Mali unis,indivisible , en paix et souverain !!!
Harouna Niang