Des dizaines de milliers de manifestants se sont retrouvés, ce vendredi 19 juin à la place de l’Indépendance pour exiger la destitution d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
La sortie de crise passe nécessairement par la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta et de son gouvernement. Aucun artifice juridique ne pourra ajourner cette revendication populaire légitime. IBK doit être destitué. Dix (10) raisons justifient cette destitution.
- La pratique de la mascarade électorale a atteint son seuil critique en donnant au vote du citoyen un caractère absurde et totalement inutile. En effet, lors des élections législatives de cette année 2020 (6ème législature), en plus de l’achat du vote, du bourrage des urnes, des actes administratifs illégaux visant à favoriser les candidats du pouvoir et leurs alliés, la Cour constitutionnelle, juge suprême des élections, sur instructions du président de la République a invalidé les résultats de nombreux députés élus sur le terrain mais opposants au profit de candidats de la mouvance présidentielle nettement battus dans les urnes afin d’assurer une majorité confortable au chef de l’État à l’Assemblée nationale. Les opérations électorales sont ainsi devenues purement et simplement des procédures de nominations !
- La mise en place par le président de la République d’une stratégique de transmission du pouvoir à son fils en 2023. C’est ainsi que, lors de l’élection du candidat du parti présidentiel pour la Présidence de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boubacar Keïta a annulé le vote majoritaire et a imposé le copain de son fils, battu sur le terrain puis repêché (en clair, nommé) par la Cour constitutionnelle dans la perspective que cet obligé, conformément à la Constitution pourra offrir son trône à son rejeton en organisant une élection présidentielle anticipée suite à sa démission avant la fin de son mandat.
- En somme, c’est un processus de transformation de l’État républicain et démocratique, déjà corrompu et incapable d’accomplir ses tâches régaliennes en un État clanique qui viole constamment la Constitution du Mali, un pouvoir patrimonial de la famille du chef de l’État, devenant de ce fait un véritable monarque absolu. D’où une prise de conscience générale à tous les niveaux du péril qui menace le système démocratique issu de la révolution populaire du 26 mars 1991 et une dynamique de sursaut national et patriotique se traduisant par la constitution de coalitions dont le couronnement est le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Ce front national et patriotique traduit authentiquement la volonté du Peuple Malien d’user de sa souveraineté, source de tout pouvoir politique et de la Constitution du pays, pour démettre le Président IBK afin de sauvegarder la forme républicaine de l’État et mettre en place une quatrième République plus démocratique. La mobilisation fulgurante des citoyens de toutes catégories qu’il a réussie en l’espace d’un mois a totalement isolé le pouvoir d’IBK et ses alliés.
- L’accélération par Ibrahim Boubacar Keïta du programme de partition et de démantèlement du Mali, de son État unitaire, républicain, démocratique et laïc. Ce programme de partition est exécuté selon un timing et des modalités de mise en œuvre clairement fixés au pouvoir d’IBK par la «Communauté internationale», soutien des rebelles indépendantistes Touaregs (regroupés au sein de l’organisation politico-militaire illégale de la CMA).
- Après avoir réussi, avec le concours de la Cour constitutionnelle à obtenir une majorité artificielle, Ibrahim Boubacar Keïta et son gouvernement veulent à présent exécuter les clauses secrètes de la version de l’Accord d’Alger signé, le 20 juin 2015, à Bamako, exigées par les rebelles séparatistes et leurs alliés représentant la soi-disant Communauté internationale qui multiplie les pressions et les menaces de sanctions contre le Mali.
- L’étape immédiate de ces clauses secrètes soigneusement cachées au Peuple pour tromper sa vigilance, consistera en l’organisation, en violation de la Constitution et de la Loi électorale, d’élections législatives partielles dans les régions du nord de notre pays sous l’égide des groupes armés sur la base d’un découpage injustifié, inapproprié, illégal et volontairement très confus en circonscriptions administratives et circonscriptions électorales dans le but de faire élire par les mêmes électeurs (qui voteront une seconde fois dans certains Cercles après avoir déjà exprimé leurs suffrages, lors du scrutin législatif du 19 avril 2020) des députés supplémentaires qui vont siéger dans la même Assemblée nationale et y augmenter la représentation des mouvements rebelles séparatistes dont beaucoup de dirigeants sont accusés par les Nations unies de narcotrafic, de terrorisme et d’armer des milices !
Pour toute «justification», le président de la République avance comme prétexte une résolution du Dialogue national inclusif (DNI) manipulé, largement boycotté par les forces politiques et sociales significatives de notre pays. Mais, en revanche, il ignore purement et simplement son autre résolution demandant la révision de l’Accord d’Alger du 20 juin 2015 pour le mettre en conformité avec toutes les dispositions de la Constitution du 25 février 1992 ! Ce scrutin électoral supplémentaire illégal est destiné à servir dans le processus de création de l’État indépendant de l’Azawad avec base territoriale, population, administration et institution de «gouvernance».
- Avec la complicité de la Communauté internationale, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) est déjà solidement installée à Kidal avec une armée, une administration territoriale, la gestion des ressources et des institutions avec ses symboles étatiques propres. Elle est protégée et confortée par la France et ses alliés de terrain que sont la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) et la Mauritanie. Des médias nationaux ont révélé avec preuves à l’appui, que la France et la Mauritanie équipent et entraînent plus de 1.500 combattants de la CMA en dehors de l’armée nationale et de tout programme de formation des soldats maliens qu’il soit mené par l’Europe (EUTM) ou les Nations unies.
- Cette même communauté internationale avec la complicité du régime, embarque les Forces armées maliennes (FAMa) dans un processus de démantèlement, de blocage et de désarmement dans le cadre de leur «reconstruction» en Forces armées reconstituées (FAR), qui n’est en réalité qu’une armée constituée sur des critères régionalistes, ethniques et antirépublicains.
Il s’agit donc d’aider les rebelles séparatistes et les impérialistes envahisseurs à liquider l’État unitaire et souverain du Mali. Ces rebelles séparatistes se sont arrogés tous les pouvoirs régaliens de l’État et agissent en toute impunité (mesures de grâce aux prisonniers, imposition de taxes aux opérateurs économiques de la région) sans que cela provoque les condamnations fermes de la Communauté internationale.
- Les étapes suivantes programmées par le pouvoir seront la révision/changement de la Constitution pour constitutionnaliser l’Accord d’Alger du 20 juin 2015 en l’État, faire des réformes institutionnelles pour instituer le Sénat, renouveler l’accord de défense France-Mali concocté par la France, enfin, acter la partition de l’État unitaire du Mali.
- Le projet d’inclusion de la Région de Tombouctou dans l’État historiquement imaginaire et qui est virtuellement créé ex-nihilo au profit d’un groupe d’hommes armés qui n’est nullement représentatif des populations Touarègue, du reste très minoritaire dans les régions Nord du Mali, sera sans aucun doute rejeté par les autres composantes des communautés locales et déclenchera une guerre civile.
Par ailleurs, les injustices exigées par l’Accord d’Alger (affectation de 40% du budget national pendant vingt ans en plus de programmes spéciaux de développement pour l’«Azawad», ethnicisation de l’Armée nationale républicaine dans cette partie du Mali en effectifs et chaîne de commandement, etc.) pousseront inévitablement les autres régions, à commencer par celle de Gao, à revendiquer, elles aussi, leur indépendance.
La perspective est donc l’atomisation du vaste État unitaire du Mali en plusieurs micro-États taillés dans des espaces cohérents sur le plan géographique et socioculturels, dans la chair des communautés multiethniques et vivant jusqu’ici en harmonie avec les autres composantes de la société globale nationale.
Une transition politique doit être mise en place avec comme taches essentielles d’engager des reformes au plan politique et institutionnelle qui préservent notre souveraineté, bloque le projet funeste de partition programmée de notre pays à travers la révision constitutionnelle et l’application intégrale de l’Accord d’Alger.
Mais la transition doit, avant tout répondre à la demande sociale urgente (satisfaction des revendications des syndicats des travailleurs, fourniture aux populations des services de base en eau, électricité, santé, denrées alimentaires de première nécessité).
Cela sera possible et facile en menant une lutte énergique parallèle contre la corruption et la délinquance financière qui permettra de récupérer des sommes d’argent colossales dues à l’État.
Nouhoum KEITA, Journaliste
L’Inter De Bamako