Il convient de rappeler que depuis les premières heures de l’indépendance de notre pays, le problème de la partie septentrionale a éclaté au grand jour. Ce rappel nous permet de noter qu’il n’y a pas d’effet sans cause, pas de fumée sans feu. Le colonisateur avait envisagé la formation d’un protectorat français en procédant à une mini-balkanisation de l’Algérie, du Soudan (actuel Mali), du Niger et de la Haute- Volta (actuel Burkina Faso), Cette portion de terre dont les 2/3 se trouvent en territoire soudanais (Gao, Tombouctou, Kidal) a été appelé la zone de l’Azawad. Ce protectorat était prévu pour servir de terrain stratégique pouvant permettre à la France de visualiser toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest.
Au regard de la place occupée par les Africains lors de la bataille contre l’armée allemande pour la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, la puissance coloniale avait fait une lecture intelligente des mouvements de libération qui avaient éclaté un peu partout sur le continent africain. C’est cette lecture du tournant des évènements que le Général De Gaulle a mise à profit pour devancer les guerres de libération qui devaient bientôt débuter contre l’occupation coloniale de l’Afrique.
Sachant donc que les Africains avaient compris que le Blanc était un être humain comme eux, il fallait leur proposer des voies de sortie du joug colonial afin d’amoindrir les conséquences fâcheuses des guerres d’indépendance, tout au moins pour le pouvoir colonial. C’est ainsi que De Gaulle avait entrepris en Afrique sous occupation française une tournée qualifiée à Paris d’historique. Le Général avait deux propositions poche :
- Rester membre de la Communauté française avec la possibilité pour les pays africains d’accéder progressivement à leur indépendance.
- Obtenir l’indépendance immédiatement et dans ce cas la France se retirera de tout et les pays qui opteront pour ce 2ème scenario doivent assumer les conséquences de leur choix.
Le Soudan (actuel Mali) a accédé à l’indépendance un jeudi 22 septembre 1960, brisant ainsi le rêve sécuritaire de la France de faire du Nord de notre pays une base française pouvant lui permettre la construction de son protectorat. Dès lors, elle a décidé de soutenir la rébellion chez nous, le président Modibo Kéita ayant décidé de se tourner vers l’URSS, la Chine, le Cuba, la RDPC.
La première rébellion touarègue contre le Mali a été sérieusement mâtée. Avec Moussa Traoré, la même rébellion avait refait surface. Moussa, en sa qualité de chef d’Etat, a décidé lui aussi de mâter la récidive. Les réactions de Modibo et de Moussa furent possibles parce que ceux-ci n’avaient jamais blagué avec la défense de l’intégrité du territoire national. C’est le lieu de reconnaître à Moussa Traoré qu’il a respecté en ce cas son serment de soldat.
Alpha Oumar Konaré a mis toute cette œuvre de Modibo et de Moussa à l’eau en décidant, hélas, de démilitariser le septentrion de notre pays. En accord avec l’ex-puissance coloniale, le président Konaré a fait en sorte que le Nord du Mali soit la zone privilégiée pour les trafics en tous genres. La Flamme de la paix et le recrutement massif des «anciens» rebelles dans les rangs de notre armée ont préparé le terrain pour que les tristes évènements de 2012 aient lieu au Nord.
La France a été appelée par Dioncounda Traoré pour engager la guerre contre les djihadistes. La suite n’a échappé à personne. Des accords préliminaires ont été signés à Ouagadougou entre le représentant de Doindounda en la personne de Tiébilé Dramé et les groupes armés.
Après l’élection présidentielle et législatives, voilà que les négociations entre les deux parties pour une sortie «définitive» de la crise endémique qui frappe notre pays depuis les premières heures de l’accession de notre pays à la souveraineté, ont débuté à Alger. L’on rappellera ici qu’Amadou Toumani Touré (ATT) avait signé en 2006 à Alger les accords dits «Accords d’Alger».
Depuis maintenant un mois, des pourparlers ont lieu pour la énième fois à Alger entre Maliens pour une résolution définitive de la délicate question de la paix dans le nord du Mali. Ici, deux positions semblent s’affronter dans la capitale algérienne :
– D’un côté, le gouvernement décide de parler de tout sauf de questions d’indépendance et d’autonomie.
– De l’autre côté, les groupes armés rebelles entendent obtenir l’indépendance ou à défaut, une large autonomie des régions du Nord ou le fédéralisme. Mais, l’allure à laquelle ces pourparlers évoluent, il ne sera pas exagéré de dire qu’Alger 2014 risque fort de na pas mieux faire que par le passé. Les pourparlers en question qui se tiennent à Alger brillent par des interruptions tous azimuts comme en témoigne la fin précoce du 2ème tour de ses pourparlers, le 25 septembre 2014. Le rendez-vous est pris dans deux semaines, toujours à Alger.
A moins d’être dans le secret des dieux, sinon, pour l’instant, le peuple malien ne voit rien de lisible dans ces rencontres d’Alger. Tout se passe comme si les pourparlers «avancent» pour ne pas avancer. L’on pourrait se demander de savoir quel diable tire les mauvaises ficelles de ces rencontres pour la «paix définitive» au septentrion malien ?
Comme le philosophe allemand Friedrich Nietzsche le disait : «le temps est galant».
En attendant, nos autorités doivent faire sienne cette célèbre phrase d’un homme d’Etat soviétique : «Celui qui veut la paix, doit préparer la guerre».
Fodé KEITA