L’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme interdit l’esclavage, la servitude et la traite des esclaves sous toutes leurs formes. C’est pourquoi, le président de l’association Temed, Ibrahim Ag Idbaltanat, s’investit depuis plusieurs années dans la lutte contre l’esclavage. Son combat vient d’être récompensé par l’Unesco à travers son Prix Madanjeet Singh 2014 pour la promotion de la tolérance et de la non-violence.
Bien qu’au Mali l’esclavage soit illégal, les pratiques de servitude et d’esclavage par ascendance persistent encore dans plusieurs localités au pays. Ce système social, même s’il ne comprend plus la capture et la vente d’êtres humains par d’autres, impose une perte des droits fondamentaux (à l’héritage, à la propriété, à la rémunération contre le travail accompli, parfois à disposer de la garde de ses enfants) et en plus, il est à la base d’une discrimination sociale.
À en croire le président de l’association de lutte contre l’esclavage Temed, la continuité de ces pratiques met en évidence le fait qu’un système social traditionnel encore prime dans certains endroits sur le système républicain moderne, et que dans ce contexte un véritable progrès social et l’épanouissement de chaque personne ne peuvent être atteints. Le problème de la pratique de l’esclavage, fera-t-il remarquer, est difficile à résoudre pour des raisons liées aux modes de vie communautaires hérités des traditions séculaires, perpétrés parfois par des élites locales.
Ainsi explique le lauréat du Prix Unesco 2014, l’esclavage par ascendance peut se présenter sous des aspects différents. On peut encore trouver des cas d’esclavage de condition extrême tel qu’il a été pratiqué au 12e siècle (l’esclave est un bien de son maître, il est hérité, espère entrer au paradis par la bénédiction de son maître, n’a pas la responsabilité de ses enfants). De façon plus modérée, précise-t-il, l’esclave est séparé du maître, dispose d’une certaine autonomie ; ses enfants sont au service du maître au besoin ; un échange de biens est fréquent généralement au bénéfice du maître.
Par ailleurs, souligne Ag Idbaltanat, ce système permet au maître de marchander des voix pour les leaders politiques (bourrage des urnes avec détention illégale des cartes d’électeurs par les chefs de fraction ou de village). Le pouvoir public au Mali, qui dénonce ces pratiques, a encore beaucoup à faire pour mettre en place des moyens efficaces et légaux permettant l’émancipation des victimes qui continuent à subir une telle situation pour des raisons souvent de subsistance.
Cela est vital pour la survie de l’Etat qui doit faire face aux tares et faiblesses de nos sociétés. Il a été question de sauvegarder une certaine belle image du pays vis-à-vis de l’extérieur ; ou d’éviter de déranger les ordres déjà établis pour préserver la stabilité à peu de frais. Nous disons que ceci n’est pas une solution durable ; il faut plutôt faire face à la réalité, car tout problème non réglé deviendra un jour une tragédie.
Renverser la tendance
Pour améliorer la situation, la stratégie doit se baser sur la formation, l’information et la sensibilisation des populations sur les droits humains, c’est le préalable à l’approfondissement de la démocratie. Nous devons renforcer les certitudes en mettant en confiance les personnes en situation d’esclavage et de servitude afin qu’elles comprennent que des recours existent pour les sortir de cette situation et que des ressorts existent pour les soutenir dans leur nouvelle vie. L’entreprise de campagne de plaidoyer doit être mise en œuvre de façon permanente auprès des décideurs nationaux et internationaux (exécutif, judiciaire, législatif, Chefferies traditionnelles, Collectivités) pour l’adoption d’une loi qui criminalise la pratique de l’esclavage.
Au regard de l’ancrage de la pratique, les politiques de développement doivent tenir compte de l’existence de la pratique, ce qui permettra de redonner confiance à un groupe marginalisé durant des siècles. Aussi, une assistance socio-économique aux victimes qui se libèrent et judiciaire pour ceux qui décident de poursuivre leurs maîtres est cruciale pour les mettre en sécurité et en confiance, afin qu’elles deviennent autonomes et qu’il soit ainsi mis fin au gaspillage des ressources humaines.
En 2014, selon le classement du Programme des Nations Unies pour le développement, le Mali occupe la 176e place par son indice de développement humain avec une espérance de vie à la naissance de 55 ans. Selon l’Unesco, moins de la moitié de la population adulte au Mali sait lire ou écrire, et moins d’une femme sur trois est alphabétisée. C’est pour vous dire que l’éducation des enfants, des jeunes, des femmes et des hommes, en particulier d’origine sociale le plus modeste, est essentielle pour le changement des mentalités et la modernisation du pays.
P.M
Source: Le Reporter