Des médiations se font, des traités de paix se signent, des commissions de tout genre sillonnent la zone, l’Etat profère des menaces et ouvre quelques écoles, mais il n’y a rien à faire car le décompte macabre continue. Après des années blanches pour les écoliers, c’est le tour des saisons blanches des agriculteurs et des bourgoutières interdites aux pasteurs. A l’inquiétude s’ajoute le marasme économique pour cause d’absence de foire, d’échanges de tout genre. Telle est l’argumentaire d’un cadre avisé du centre du pays qui nous a accordé un entretien tout en restant dans l’anonymat.
Selon B T, si c’est pour comprendre réellement ce qui se déroule dans le landerneau tragi-comique du ventre mou de notre Maliba, il est encore possible. En tant qu’un ressortissant avisé de la zone, BT nous a tout d’abord brossé l’historique, les faits, les pensées, les us et coutumes des hommes de cette zone où la tradition a encore la vie dure.
Selon lui, tous ceux qui ont connu l’époque où des pêcheurs de Macina et Diafarabé allaient rejoindre la campagne de pêche à Dioro et Markala puis continuer en fonction du mouvement des poissons jusqu’au lac Débo ont observé des marabouts accompagnés de leurs talibés quitter leurs villages respectifs pour venir au moment des récoltes du riz dans le delta intérieur ou dans la zone du Sénoo Mango, du Kounary, du Pondory et autre Fakala pour le mil.
Il nous a fait savoir que ces mêmes observateurs avisés, ont assisté au retour des troupeaux dans le delta et ont aussi observé la garde des pâturages et surtout des bourgoutières avec ses innombrables conflits entre éleveurs.
Pour lui, tous ceux qui ont sillonné cette région, ont compris qu’à côté de chaque hameau ou village de pêcheurs ou de riziculteurs, se tient le gîte d’un éleveur.
Des messages véhiculés çà et là divisent
Notre interlocuteur nous a fait comprendre que ces gens ont grandi avec l’idée que les retenues d’eau des barrages ont causé d’énormes préjudices aux populations riveraines situées en aval et que ces derniers envoient beaucoup d’eau dans le Sahel qui ne connaissait pas l’eau, au grand détriment des populations du delta qui ne juraient que par le nom du fleuve, leur raison d’être.
Il affirme avec regret que le monde a changé et les hommes, pour s’adapter, ont dû changer avec lui. Mais là, il lui semble que les eaux du fleuve Niger, ses nombreux affluents, ses effluents, ses canaux et chenaux ne charrient plus que l’obscurantisme et la haine de l’autre.
Pour notre interlocuteur, cet aveuglement des hommes et des femmes face aux réalités nouvelles est à présent exploité par une horde de hors la loi qui font croire que seule leur race ou ethnie est détentrice de la foi. Selon lui, les irrédentistes Touaregs et arabes du Nord ont fait des émules.
Et, la négation de toute l’histoire de la zone a pris ainsi corps sous nos yeux. La mobilité, moteur de l’activité humaine en ces lieux a été entravée ; les voies traditionnelles de règlements des conflits sont devenues par là même inopérantes. Il nous a indiqué que ceux qui s’agitent à Bamako et dans d’autres grandes villes sont en fait incapables de mener un vrai dialogue avec les nouveaux acteurs.
Ensuite, il nous dira (résigné) que des accords qui ont été signés entre représentants d’un état absent du terrain depuis belle lurette, des pseudos intellectuels incapables de se rendre dans le village d’origine de leurs parents et des chefs de bande armées sans relais sur le champ de bataille.
Pour finir, notre interlocuteur émettra des doutes sur l’applicabilité des recettes traditionnelles des zones de conflits à savoir les fameux DDR. Toutefois, il admettra que le temps joue à la faveur des partisans d’un pays unifié mais pluriel car le comportement extrémiste de ces énergumènes finira par retourner la population contre eux.
Sa préconisation serait de préparer une offre globale et cohérente qui soit à la fois sécuritaire, inclusive d’un point de vue participatif et surtout équitable pour les différentes communautés résidentes. Parmi les prix à payer il y aura en bonne place l’invention d’une école d’un genre nouveau nous va-t-il fait savoir.
Fakara Fainké
Source: Le Républicain