Lorsqu’un homme et une femme décident d’officialiser leur union dans notre pays, ils sont tenus, selon la loi, d’en référer à un officier d’État civil qui scellera cette relation devant témoins. Avant de déclarer ce couple uni par les liens du mariage, d’après la formule consacrée, l’officier public aura pris le soin de s’enquérir auprès des protagonistes de leur choix quant à la nature de l’engagement qu’ils s’apprêtent à conclure. La liberté est ainsi donnée aux futurs conjoints d’opter pour un mariage mono ou polygamique.
En introduisant cette notion dans le code du mariage et de la tutelle, le législateur marquait ainsi l’influence du concept islamique dans le domaine du mariage dans notre pays. Sans en faire une obligation, la possibilité est donnée au fidèle musulman de fonder un foyer polygamique : « … Il vous est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors que ce soit une seule épouse, ou des esclaves que vous possédez. Cela afin de ne pas faire d’injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille» est-il annoncé dans le Saint Coran (4:3)
Cette disposition, loin d’être une incitation à la polygamie, restreignait en fait sa pratique largement répandue dans diverses communautés durant la période préislamique. Le fait de disposer d’un nombre important d’épouses était considéré dans certains milieux comme signe de distinction et de noblesse. C’est à ces excès que mettra fin la religion musulmane.
Malgré les critiques de certains milieux, c’est sous cet angle que l’auront perçu nombre de penseurs et philosophes en occident. Voltaire écrivait ainsi en son temps : « La religion de Mahomet (PSL) est une doctrine raisonnable, sérieuse, pure et humanitaire. Pure car elle a limité le nombre des multiples femmes qui partageaient la couche des souverains asiatiques à quatre ». Cependant le fait d’épouser une seule femme n’a été nulle part interprété comme un péché, même si l’on a les moyens d’en entretenir plusieurs.
L’islam accordant une attention particulière à la notion de justice autorise la pratique de la polygamie à la condition du respect de cette notion. L’attention du croyant est par ailleurs attirée sur cette difficulté : «Tu ne parviendras jamais à assurer une parfaite équité entre vos femmes, devriez-vous en avoir le vif désir. Ne vous laissez pas cependant entraîner par votre partialité au point de délaisser complètement l’une d’elles la laissant comme en suspens. Veillez plutôt à établir la bonne entente et à fuir toute iniquité. Dieu usera de sa clémence envers vous et vous fera miséricorde». (4:129).
La nature humaine étant caractérisée par la faiblesse, cette polygamie contrôlée apparaît préférable à une vie faite de transgressions dont les exemples ont constitué la matière d’œuvres célèbres dans la littérature et le cinéma en Occident.
Le Dr Gustave Lebon, auteur de nombreux ouvrages traitant de domaines variés dont le désordre comportemental et la psychologie des foules, a écrit à ce sujet dans « Civilisation islamique et arabe » : « Aucune coutume orientale n’a été aussi mal présentée en Europe que la polygamie et les opinions n’y ont jamais été aussi erronées. Je suis étonné et je ne vois pas en quoi la polygamie légitime orientale est-elle inférieure à la polygamie hypocrite à l’occidentale. Je pense même que la polygamie légitime est plus convenable et meilleure ».
A. K. Cissé
Source: Essor