“Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut subsister” nous dit l’Évangile en Mathieu12:25. Un dicton tiré de la sagesse Africaine, nous le dit autrement “Toute, famille, entité où couve la contestation et la vive opposition, finira tristement en ruine”. Le Mali de la Démocratie tangue, les acteurs porteurs de cet ambitieux projet, s’accusent et s’entredéchirent. Dans la maison couve la suspicion et la contestation. Le mur des sauveurs du Mali de la dictature et du népotisme, s’est fissuré. La toiture est en feu, le peuple souverain crie sa déception et réclame des comptes. Le mouvement démocratique, à la débandade, dès les premières années de son accession au pouvoir, va certainement vers sa décadence. Résistera-t-il à cette crise sociale majeure qu’il a lui-même générée par ses propres contradictions ?
Le culte de l’individu
Dans le concert des nations l’Afrique, particulièrement notre pays le Mali, se caractérise par le culte de l’individu et de l’individualisme. En faisant mémoire, nous constatons que tous les problèmes, maux et difficultés de notre nation durant les soixante dernières années ont été attribués à des individus, à qui on a conféré des pouvoirs et capacités surhumains, transcendants toute l’organisation sociétale ou institutionnelle de la nation, qui au préalable avait octroyé à cet individu pouvoir et autorité. Quant aux collaborateurs et partisans vaillants et intrépides de cet individu, ils se métamorphosent progressivement, du sommet à la base, en promoteurs et pionniers du nouveau régime. Un seul coupable pour tous, un seul condamné par tous, le capitaine du bateau échoué, le puissant, le bon, l’ingénieux et le généreux héros d’hier, dont les éloges ont débordé les fleuves, les océans et les continents.
Ainsi : le président Modibo Keita, père de la nation pour avoir conduit notre pays à la souveraineté nationales et internationale, a porté la croix du régime socialiste à tendance communiste ; le général président Moussa Traoré celle de régime instauré par l’Union Démocratique du Peuple Malien ; le président démocratiquement élu Amadou Toumani Touré, une des multiples croix de la démocratie et ; aujourd’hui, la tête d’un président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Keita est mise à prix.
L’histoire précoloniale de notre continent que nous évoquons, à tous vents avec fierté, ces peuples et ces héros dont nous nous référons dignement, nous interpellent avec tant d’exemples de bravoures, d’unités, de cohésions et, de dignités. Entre autres nous rappelons le suicide collectif de : roi Babemba et de sa Cour à Sikasso ; la Cour de Diokoloni, de Dotiguila dans le royaume bambara de Ségou et celui de la Cour de Koumi Diocé dans le Bélédougou.
Quels contrastes avec la réalité de nos gouvernants d’aujourd’hui?
Sommes-nous vraiment des dignes descendants de ces peuples de l’Afrique précoloniale ? Ne devons-nous pas avoir honte de nous approprier leurs héroïsmes et leurs bravoures ?
Les fruits de la démocratie :
“Rien ne marche au Mali” entendons dire fréquemment dans toutes les conversations. En réponse à cette question, un sage d’une soixante dizaine de pluies me répondit un jour ; “Rien n’a jamais marché au Mali pour plus de 98 % de la population. Le climat social de notre pays dit il, se résume à l’humeur des 2 % à peine de sa population, qui ont accès à tous les biens et commodités du pays. Aujourd’hui ces 98 % vivent dans la terreur et ne souhaitent qu’une seule chose ; la paix, la quiétude et la sécurité”.
L’histoire de notre mouvement démocratique de 1991 à nos jours est marquée par certaines incohérences qui, à notre avis, montrent que cette :
- idéologie n’émane pas de l’évolution sociopolitique, culturelle et économique de notre nation,
- démocratie a été orchestrée et imposée par une frange très minoritaire de la population, pour un but tout autre que libérer la nation malienne de la dictature et du népotisme etc.
- Que les hommes et les femmes qui ont porté ce projet, en ne passant d’abord qu’a leurs propres avantages et intérêts égoïstes, ont manqué de sincérité envers la nation, leurs frères et sœurs.
Nous constatons, que dans ces trente dernières années toutes les perversions, maux et vices dont souffrent le service public et, la société en grande partie, ont été conçus planifiés et, mis en œuvre par nos politiciens afin d’accéder au pouvoir ou de s’y maintenir. De nos jours, il n’y a rien d’obscène pour nos politiciens pour accéder ou se maintenir au pouvoir.
Qu’avons nous obtenu de cette démocratie? De cette démocratisation de la gestion et de la gouvernance de notre nation?
D’un pays avec un Peuple uni, pour un seul But, avec une seule Foi au Mali, terre de culture, de rencontre, de brassage, de savoir, de savoir-faire et, de prospérité. La démocratie, “des démocrates du mouvement démocratique de 1991”, nous a ôté le soleil de l’espérance des indépendances, pour nous plonger dans les ténèbres de l’individualisme, l’égoïsme, la division, l’injustice, la violence et de l’insécurité. Faisant ainsi de notre pays ; un pays balkanisé, une terre de désolation, d’ingratitude, de vengeance, un désert hostile à tous développement social, culturel, intellectuel, et à la prospérité humaine.
Est il exagéré de dire aujourd’hui, eu égard à l’état de notre nation que “les démocrates du mouvement démocratique de 1991” ont détruit notre nation, en conduisant le pays au chaos?
De la victoire à la décadence.
L’élection du président Alpha Oumar Konaré en 1992 ouvrit pour notre pays une nouvelle ère. Une ère pleine d’espoir pour la nation et ses différentes composantes. Le procès des acteurs du régime déchu et les verdicts prononcés ont conquis le peuple et le désarma de ses doutes et de sa vigilance. Ainsi cœur conquis et garde baissée, le peuple somnolent fut bercé, par les nouveaux héros, de promesses et de belles intentions durant dix ans. Les dix années accordées à l’élu de 1992 pour amorcer et ancrer la démocratie dans notre culture politique.
Comme fait politique marquant de cette première décennie, nous retenons la scission des grandes formations politiques ayant menées le combat de l’avènement de la démocratie. Il faut noter que ce fait de scission deviendra par la suite endémique et touchera systématiquement toutes les formations de l’arène politique.
En 2002, à l’heure de l’alternance, la démocratie “des démocrates du mouvement démocratique de 1991”, après un premier virage réussit en 1997, avec la réélection l’élu de 1992, aborda son second virage électoral. Contrairement à toutes attentes, logiques et dispositions politiciennes, un candidat indépendant, Amadou Toumani Touré, est élu à la suite du président sortant, membre fondateur du parti majoritaire l’Adéma.
Un fait banal par la forme, mais dans le fond un fait évocateur, à notre avis, d’une majeure crise politico-sociale et d’un malaise profond au sein “des acteurs du mouvement démocratique de 1991”. En rappel, cette élection a bien failli emporter notre juvénile démocratie. Elle ne doit d’ailleurs son salut qu’aux médiations discrètes de diverses personnalités à travers le monde.
La démocratie “des démocrates du mouvement démocratique de 1991” a raté son virage, pire est sorti de sa trajectoire, comme une voiture lancée en pleine allure. L’alliance politique “Espoir 2002” constituée aussitôt pour prendre d’assaut le parlement et colmater si possible la brèche n’a pas pu tenir une législature. En 2007 à l’heure de l’alternance, aux dires de certains ténors des premières heures du mouvement démocratique de 1991, l’élu de 2002, candidat à sa succession, fut plébiscité par le peuple malien. Ironie du sort, cinq années à peine, à quarante cinq jours de la fin de son mandat officiel, le héros de 2007 fut victime d’une déstabilisation politique, entrainant ainsi le pays dans une crise politico-sociale, institutionnelle et territoriale, sans précédent dans son histoire des 60 dernières années.
L’élection et réélection d’un candidat indépendant à la suite d’un des membres fondateur du parti majoritaire pose, à notre avis, deux problématiques fondamentales et voire existentielles du devenir du mouvement démocratique de 1991, à savoir :
- La conviction et l’intention des différents acteurs du mouvement démocratique par rapport à la nouvelle doctrine “la démocratie”. Voulaient-ils servir l’idéal démocratique ou voulaient-ils se servir de la démocratie pour atteindre leurs objectifs macabres?
- La considération et le respect de ces “démocrates de 1991” à l’égard du peuple. Se sont ils préoccupés du peuple ? Ont-ils été convaincants devant le peuple à travers leurs manières d’être? Leurs faits et gestes étaient-ils cohérents avec l’idéologie démocratique qu’ils prônaient à tous vents ? Ces leaders ont-ils recherché, obtenu et conservé le respect et la confiance de la nation ?
Au-lieu d’apporter une réponse cohérente et convaincante à ces différents problématiques, “les acteurs du mouvement démocratique de 1991”, se sont occupés à la conquête du pouvoir pour le pouvoir et à s’y maintenir par toutes sortes de pratiques et de subterfuges. Le pouvoir à tous prix et quels qu’en soient les moyens tel a semblé être leur crédo.
A défaut de réponse et, à force de contradiction et de trahison, ce qui était considéré en 2002 comme une problématique, devint en 2012 dix ans après, une crise dans l’arène “des acteurs du mouvement démocratique de 1991”.
A la dérive depuis 2002, puis à la débandade à partir de 2007, les élections générales de 2012 étaient d’un enjeu majeur pour toutes les écuries politiques, particulièrement pour les acteurs du mouvement démocratique de 1991. Le scénario de 2002, vivace encore dans les esprits, se profilait avec une forte probabilité de réalisation. Une fin certaine et imminente pesait sur les “démocrates de 1991”. Dans un tel contexte tendu, de vie ou de mort, si l’on peut s’exprimer ainsi, on a compris plus tard, que la déstabilisation politique du président sortant, au delà de la question sécuritaire qui a servit d’alibis, visait à remettre la gouvernance entre les mains de ces mêmes acteurs.
En 2013, la balle fut relancée dans l’arène politique. Les acteurs du mouvement démocratique de 1991, comme un seul homme, portèrent leurs confiances au malheureux candidat de 2002.
Le peuple dans l’euphorie valida ce choix. Justice semble avoir été rendue et, la “démocratie des démocrates de 1991” remise sur sa trajectoire.
Il faut juste s’empresser de noter que l’union sacrée autour de l’élu de 2013 ne dura pas plus de deux ans. Dans cette débandade, sauvez qui peut, une crise existentielle s’installait progressivement dans l’arène “des démocrates de 1991”.
Connu, comme un temple d’idéologie dont les adeptes sont supposés intègres convaincus et engagés, l’arène politique, suite aux mauvais exemples et comportements prônés durant ces 20 dernières années par les acteurs de la démocratie de 1991, s’est métamorphosée en une institution économique, lucrative et très rentable pour ses adhérents. Ainsi, de part, leurs ambitions, objectifs, méthodes et modes opératoires, les nouveaux adeptes de l’arène, contrairement à ceux de 1991, se présentent comme de nouveau type d’opérateur économique que nous désignons ici par “opérateurs politiques”. Leurs business se fondent sur le clientélisme, le trafic d’influence, l’achat des consciences, la manipulation des valeurs et des mœurs, le détournement officialisé du dénier public à travers l’auto octroi de traitements, de primes ou autres privilèges fantaisistes. L’État, voire la nation est prise en otage par ces “opérateurs politiques” sous le prétexte qu’ils sont l’étendard de la souveraineté nationale et, à cet effet ils doivent bien paraître. Aussi constatons nous, d’année en année, au détriment et à la barbe de fin stratèges politiques que sont les acteurs du mouvement démocratique de 1991, le renouvellement des membres de l’arène politique par des “opérateurs politiques” pragmatiques et réalistes.
D’un temple d’idéologie la décadence du mouvement démocratique de 1991, a transformé l’arène politique en une bourse lucrative de trafic d’influence, de manipulation et, de transaction de pouvoir. En un mot, en un temple de spéculation, de pouvoir de tous types et de toutes natures.
Les manifestations de la décadence :
Le foisonnement de partis politiques et d’associations à caractère politique dans notre pays, de l’avènement de la démocratie à nos jours est une des manifestations précoces de cette décadence de la démocratie des acteurs du mouvement démocratique de 1991. Certaines statistiques donnent aujourd’hui, plus de 200 partis politique légalement constitués contre cinq partis au plus actifs et opérationnels sur le plan public en terme d’élus.
Vous comprendrez que cette pléthore de partis politiques constitue de nos jours, le fonds spéculatif nécessaire au fonctionnement de cette bourse politique.
Une autre manifestation de cette décadence est l’instabilité au sein des formations politiques, des regroupements ou associations. Cette instabilité exprime à notre avis, d’une part, le manque de conviction et d’engagement des adhérents par rapport à l’idéologie de leurs partis et, d’autre part elle confirme l’objectif mercantile des acteurs politiques. Ce fait a atteint son paroxysme avec l’implication directe d’acteurs religieux, d’obédience monothéiste et traditionnelle dans l’arène politique.
En presque 30 années de mer, “la démocratie” des démocrates de 1991 avance bon an mal an, les acteurs en débandades s’accusant mutuellement de toutes sortes de mauvaises intentions, délits ou de crimes. Manquant de courtoisie les uns envers les autres et, de cohérence dans leurs actions, ils se traitent avec la dernière rigueur pour se déstabiliser et, se réunissent avec ferveur pour conquérir ou se maintenir au pouvoir et cela contrairement à toutes opinions populaires.
En cette année 2020 se manifesta un autre signe, particulier et inquiétant de cette décadence du mouvement démocratique de 1991. Ce fait, d’ailleurs plongea l’arène politique dans une crise fatale. La dernière consultation législative d’avril 2020, convoquée à la suite du Dialogue National de décembre 2019, servit de cadre à cette dernière manifestation.
On a constaté, au cours de cette élection, à la grande surprise générale du peuple, que sur plusieurs listes de candidature figuraient des regroupements de formations politiques opposées en tout. Ce fait insolite fut qualifié par l’opinion publique sous le vocable “Alliances contre nature”. Ainsi l’arène politique assez fragilisée par son passé ou peut être rattrapée par sa vraie nature, se divisa en deux camps, de part et d’autre des deux rives de la capitale Bamako ; Sur la rive gauche, les alliés du locataire de Koulouba avec les locataires de l’hémicycle Modibo Keita et, sur la rive droite leurs contestataires. Ces deux camps ainsi dressés l’un contre l’autre sont constitués malheureusement sur le même principe de “l’alliance contre nature” et utilisent la même tactique s’unir avec ferveur, quel qu’en soit notre nature, pour déstabiliser avec la dernière rigueur et, enfin finir en débandade, comme se fut le cas en 2002 avec l’alliance espoir 2002, en 2007 avec les alliés du mouvement citoyen, ou tout près en 2013 au tour du candidat du RPM.
Rappelons que de nos jours, les différentes formations de l’arène, faute de crédibilité et de représentativité devant le peuple sont toutes menacées d’une disparition certaine. Dans ce contexte les “Alliances contre nature” sont à comprendre comme une stratégie de survie, la dernière peut être. Par contre, l’arène, au lieu de poursuivre dans l’unité cette stratégie de survie a opté pour la division en s’entredéchirant dans la violence. Ce combat qui se mène en terme de vie ou de mort n’annonce t-il pas la fin certaine de ce mouvement démocratique de 1991?
Peu importe qui remportera ce bras de fer, rive gauche droite, la nation quant à elle en sortira fragilisée, humiliée et meurtrie par ce combat de misère, d’égoïsme, de jalousie et, d’orgueil entre les fils et filles d’un même pays. Ainsi sera confirmé le vieux dicton de la sagesse Africaine ; “Toute, famille, entité ou couve la contestation et la vive opposition, finira tristement en ruine”.
Le peuple, fatigué, déçu, et médusé du comportement de ses dirigeants particulièrement de ceux-là qui ont porté le projet démocratique de 1991, va t’il les accorder encore une seconde chance?
Ne sommes nous pas en train d’assister à la triste fin de ce mouvement qui n’a pas pu honorer ses promesses, engagements et, qui a conduit notre Mali, terre de rencontre, de brassage, de paix et de culture dans la triste réalité que nous vivons en ces jours.
La rédaction des dernières lignes de cet article coïncide avec un fait inédit, la chute, en ce jour 18 août 2020, de l’élu de 2013, entrainant avec lui l’effondrement du temple de la démocratie des acteurs démocratiques de 1991. La contestation et l’opposition au cœur de l’arène politique ont fini par l’emporter. Ainsi s’accomplit la parole de Jésus-Christ en Mathieu12:25 “Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut subsister”.
Que l’Eternel, le Tout Puissant, le Tout Clément, le Tout Miséricordieux sauve notre chère Mali de ses fils et filles !
Diallo Sébastien
Source: Mali Tribune