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Péril sur la démocratie malienne / La marche populaire réprimée à sang à Bamako / L’opposition exige la démission du PM, Soumeylou B Maïga

La marche organisée par l’opposition républicaine et démocratique et la Société civile pour exiger la transparence et la crédibilité de l’élection présidentielle du 29 juillet, a été réprimée dans le sang à Bamako. L’opposition déplore une trentaine de manifestants blessés et admis au CHU Gabriel Touré. Elle exige la démission du Premier Ministre, Soumeylou Boubèye Maïga et projette une nouvelle marche populaire le vendredi 8 juin 2018.

Les forces de l’ordre ont empêché tout attroupement dans la capitale malienne, et ont utilisé du gaz lacrymogène et la matraque contre les manifestants. A la fin de la journée, l’opposition a produit un communiqué de presse, dans lequel, elle déplore une trentaine de manifestants blessés et admis au CHU Gabriel Touré. Trois responsables de l’opposition ont été violemment frappés sur la tête avec des gourdins et des matraques, à la Bourse du travail dès les premières heures de la matinée.

Furieuse de cet état de fait, l’opposition exige la démission du Premier Ministre, Soumeylou Boubèye Maïga et projette une grande marche populaire le vendredi 8 juin 2018, ajoute le communiqué. « La manif aujourd’hui est une mise en garde pour que le président ne soit pas tenté de proclamer au soir du 29 juillet qu’il a gagné avec un score de 51,01%, ça serait faux et ça serait inacceptable, donc, aujourd’hui, le peuple sort massivement pour dire attention, il faut des élections régulières et transparentes », a déclaré l’ancien ministre, Tiébilé Dramé, tout juste après la répression.

La marche de l’Opposition et de la société civile avait été programmée pour protester contre la censure et la mainmise du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta sur la radio et la télévision publiques; pour exiger l’organisation d’une élection présidentielle transparente et crédible; pour dénoncer la guerre civile au centre du Mali et l’instrumentalisation des difficultés de cohabitation intercommunautaire; et enfin, pour exiger la fin des coupures d’eau et d’électricité. Cette marche pacifique a fait l’objet d’interdiction par le gouverneur du district de Bamako. Mais pour les organisateurs, qui invoquent le droit et la liberté de manifester en démocratie, il était important de maintenir cette manifestation. L’itinéraire de la marche partait de la place de la liberté à la bourse du Travail.

C’est ainsi que dès 8 heures, les manifestants avaient commencé de converger au lieu du rassemblement. Mais c’était sans compter sur la détermination des forces de l’ordre à réprimer et à empêcher coûte que coûte la marche pacifique de protestation. Un impressionnant dispositif des forces de sécurité avait été déployé à toutes les issues : de la place la liberté à la bourse du travail en passant par le monument de l’indépendance, la devanture du siège de l’Adp-Maliba et du domicile du premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga au quartier du fleuve, les forces de l’ordre étaient au aguets prêt à gazer voir même à tabasser les manifestants.

C’est au niveau de la bourse du travail et surtout le siège de l’Adp-Maliba derrière l’ancienne primature au quartier du fleuve de Bamako que la manifestation fut violente car réprimée à sang par les forces de l’ordre. A la bourse du travail, l’ex conseiller à la présidence, Etienne Fakaba Sissoko a été violemment tabassé ; il perd connaissance et a été transporté et admis aux urgences de l’hôpital Gabriel Touré. Tandis qu’au siège de l’Adp-Maliba, des leaders de l’opposition ont été pris à partie par les forces de l’ordre et violentés ; une femme enceinte a perdu connaissance, des journalistes n’ont pas été épargnés par la répression des forces de l’ordre.

Déjà à 11h30, un des organisateurs de la marche, Djimé Kanté, faisait état de 16 personnes admises aux urgences du CHU Gabriel Touré. Il s’agit de : Dr Seydou Oumar Cissé (Koulouba), Marcel Diarra (Policier) (Sokorodji), Bintou Diancoumba (Sokorodji), Moussa Coulibaly (Djicoroni), Moussa BOUARÉ (journaliste), Mariam Traoré (Sogoniko) Modibo K Cissé (Badialan), Fadi Maiga (Niamakoro), Almamy Sidibé (Badalabougou), Bamakan Sissoko (Sogoniko), Assetou Traoré (Sogoniko), Rokia Konaté (Point G); Maman Doumbia (Sogoniko), Sigali Traoré (Daoudabougou).

« On dirait le retour au régime dictatorial de Moussa Traoré. Ce n’est pas la solution, d’ailleurs ils vont précipiter la chute du régime. Il fallait laisser les manifestants marcher, dans deux heures de temps, c’était fini mais avec cette répression, beaucoup de gens ne vont pas voter pour IBK », indiquent des réparateurs de moto au quartier du fleuve, qui ont également reçu leur dose de gaz lacrymogène aux environs de 11 heures. Après la répression des forces de l’ordre, les leaders de l’opposition et de la société civile qui étaient tous au siège de l’Adp-Maliba se sont rendus à l’hôpital Gabriel Touré pour souhaiter prompt rétablissement aux blessés.

Ils ont exprimé leur ras-le-bol face à l’attitude du gouvernement. «Notre démocratie ne peut pas être hypothéquée par certains. Il y a eu des tirs à balles réelles et ça c’est inacceptable. Nous allons nous battre jusqu’au bout », a déclaré le chef de file de l’opposition malienne, l’honorable Soumaïla Cissé. Il a remercié tous ceux qui ont fait le déplacement pour leur engagement pour le Mali. « Le combat que nous menons n’est pas fait pour quelqu’un mais pour le Mali. Nous allons mener la lutte jusqu’au bout. Nous n’allons pas accepter cette dictature », a-t-il conclu.

Pour sa part, l’honorable Amadou Thiam, président de l’Adp-Maliba s’est dit surpris par l’attitude du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qui a décidé de tirer à balles réelles, qui a décidé de gazer les citoyens paisibles dont le seul crime est de vouloir marcher pour réclamer des élections transparentes et crédibles. Cette répression, dit-il, en dit long sur l’intention de ce régime.

‘’Je pense que le régime a franchi le Rubicon’’

« La marche était faite pour demander la libération de l’Office des radiotélévisions diffusion du Mali (Ortm) qui a été pris en otage depuis quelques mois.  Il y a à peu près 12 à 15 blessés dont l’état de certains est assez critique. Je pense que le président, le régime a franchi le Rubicon. Ils ont décidé de remettre en cause la démocratie qui a été chèrement acquise depuis. Les dégâts matériels sont importants, nous avons été agressés à notre siège. Nous allons nous réunir pour parler des prochaines étapes, ce qui est sur, on ne s’arrêtera pas. Nous n’allons pas admettre à ce que cette démocratie soit remise en cause », a-t-il dit.

Pour sa part l’ancien ministre, Tiébilé Dramé, président du Parena, directeur de campagne de Soumaïla Cissé de l’URD a fait savoir que la mesure d’interdiction est un abus de pouvoir, c’est une provocation et c’est un trouble à l’ordre public.

« Nous sommes une opposition responsable, nous avons rassemblé des centaines de milliers de personnes qui sont sorties sans aucun incident, sans une ampoule cassée parce que nous avons conscience de l’état de notre pays, nous sommes sérieux et nous sommes responsables. Nous sommes face à un gouvernement irresponsable qui crée des troubles, Dieu seul sait pourquoi. La mesure d’interdiction de la manifestation procède d’arrière pensée électorale. Ils veulent créer des troubles pour qu’on n’aille pas aux élections. Le droit de manifestation est un droit constitutionnel au Mali qui n’est pas soumis à autorisation, c’est une conquête démocratique depuis 1991. Nous avons un gouvernement qui porte atteinte aux acquis de la démocratie, aux acquis de la révolution de 1991 », a précisé Tiébilé Dramé.

Pour lui, les objectifs de cette manifestations sont les suivants : que la présidentielle à venir ne soit pas bâclée, deuxièmement, c’est pour libérer la radio et la télévision publique.  A ses dires, la façon dont ce pouvoir procède vis-à-vis de la radio et de la télévision publique est une façon honteuse.

« Il y a un traitement inéquitable, injuste, inacceptable que l’Ortm fait. Il est important de libérer l’Ortm, de la colonisation dont cet office fait l’objet aujourd’hui. Bien entendu, nous faisons tout cela parce que nous voulons l’alternance, nous voulons envoyer un message très fort à ce pays pour dire que le président sortant ne peut pas gagner au premier tour comme il prétend, c’est impossible qu’il gagne au premier tour. En 2013, il avait le soutien de la junte de Kati, il avait le soutien des milieux religieux, il n’a pas pu gagner au premier tour, il avait un ami à l’Elysée, il n’a pas pu gagner au premier tour, il a eu 39%. Et 5 ans après, il a un bilan catastrophique. Ça été un immense gâchis », a déploré l’opposant Tiebilé Dramé.

Il a fait savoir que la situation malienne est pire qu’en 2013 de tous les points de vue, aussi bien que sur le plan de la corruption que sur le plan de la sécurité. « Le président a été lâché par presque tout le monde. Ses principaux soutiens politiques lui ont lâché. Vous avez une dizaine de ministres, de premier ministre, de directeur généraux qui se présentent contre lui, qui se sont rendus comptent qu’il n’a pas été à la hauteur, qu’il a déçu le peuple malien. Je ne vois pas comment un candidat avec un bilan catastrophique, avec le feu au centre, avec le nord non stabilisé, qu’il peut gagner au premier tour », selon Tiébilé (voir interview en page 5).

Après les échauffourées entre policiers et manifestants, une réunion d’urgence s’est tenue au cabinet de l’opposition avec la participation de Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé, Alou Boubacar Diallo, Tiébilé Dramé, le représentant de Chérif de Nioro, Ras Bath, Iba N’Diaye, Djibril Tangara etc. Cette réunion a été sanctionnée par un communiqué signé par le conseiller à la communication au cabinet du chef de file de l’opposition, Nouhoum Togo.

« Samedi, 2 Juin 2018, une manifestation pacifique de l’opposition et des organisations de la société civile a été violemment réprimée par les forces de l’ordre. Sur une douzaine de sites les manifestants, aux mains nues, ont été attaqués à coups de grenades lacrymogènes, et de gourdins. Le siège de l’ADP-MALIBA a été violé par les forces spéciales de la police qui y ont jeté des grenades. Les services de sécurité du Premier ministre ont tiré à balles réelles sur des manifestants regroupés devant le siège de l’ADP-MALIBA. Une trentaine de manifestants blessés ont été admis au CHU Gabriel Touré », selon le communiqué.

L’opposition a condamné avec la dernière énergie la répression violente de la manifestation pacifique du 2 juin et exige la démission du Premier ministre. L’opposition appelle toutes les forces démocratiques à une nouvelle marche pour l’égal accès à l’ORTM, pour des élections transparentes et contre les violences policières le Vendredi 8 juin 2018, indique le communiqué de presse.

Selon un communiqué du Ministère de la Sécurité et de la Protection civile, rendu public peu après la répression, les manifestants ont blessé un policier à la tête qui a été évacué au Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré pour des soins. Dans la soirée, le Directeur régional de la police, au cours d’un point de presse a fait état de trois policiers blessés. Il a appelé les parties au calme et au dialogue.

Aguibou Sogodogo

Source: Le Républicain

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