Un chirurgien, qui a exercé à Vannes, Lorient et Quimperlé, dans les années 1990 et 2000, est renvoyé devant les assises de Saintes pour actes pédophiles. À l’intérieur de carnets terrifiants, les enquêteurs auraient retrouvé près de 200 noms d’enfants.
Un chirurgien de Jonzac (Charente-Maritime) est accusé de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs. Il pourrait être impliqué dans le plus grand scandale pédophile de France.
Tenus depuis les années 1990, ses journaux intimes contiendraient plus de 200 noms, selonLa Charente Libre . Autant de victimes potentielles. Il y racontait dans le détail et dessinait des abus sexuels, commis sur des enfants, mais aussi ses fantasmes.
250 victimes ?
Grâce à ces écrits, les enquêteurs remontent jusqu’à ces patients. Certains ont vécu des années sans savoir qu’ils avaient été abusés. C’est le cas de ce trentenaire morbihannais, contacté par la gendarmerie fin juin 2019. « On m’a dit que quand j’avais 11 ans, un médecin chirurgien avait abusé de moi, écrit-il sur un groupe qu’il a créé sur Facebook. Je me suis senti sali, très mal, et je pose des tas de questions sur mes blocages, mon caractère… Il a pris des notes personnelles sur des carnets sur chacune de ses victimes. » Son frère aurait lui aussi été contacté par la gendarmerie, victime du même chirurgien. Ensemble, ils ont créé un groupe pour tenter de rechercher et de rassembler les autres victimes. Actuellement, le groupe compte 39 membres. « On serait 250 personnes à avoir été victimes selon la gendarmerie. »
« Il écrivait beaucoup »
Incarcéré depuis mai 2017 à la maison d’arrêt de Saintes, à la suite d’une plainte pour viol sur une petite fille de 6 ans (sa voisine), le sexagénaire était spécialisé en chirurgie viscérale à l’hôpital de Jonzac de 2008 à 2017. Auparavant, il a officié en Touraine, mais aussi dans des hôpitaux bretons, notamment à Vannes, Lorient et Quimperlé. Il aurait exercé à Vannes de 1990 à 2004, à Quimperlé et Lorient de 2004 à 2008.
Il aurait agressé sexuellement des mineurs, parfois « en phase de réveil », lors de séjour à l’hôpital.
Si toutes ces pages noircies sont le récit de trente ans de pédophilies et non de fantasmes, ce serait l’un des plus gros scandales pédophiles en France.
Dans La Charente Libre, l’avocat saintais du docteur confirme l’existence de ces carnets et de noms inscrits. « Il écrivait beaucoup », avance à nos confrères Thibault Kurzawa, qui rappelle la présomption d’innocence de son client. Selon lui, il ne s’agit pas forcément d’aveux circonstanciés.
Y a-t-il autant de victimes que de noms ? C’est ce à quoi s’attellent les enquêteurs, notamment en Bretagne.
Déjà condamné à Vannes en 2005
Des poupées en nombre, des perruques, des objets sexuels, des photos du mis en cause nu auraient été retrouvées chez lui lors de perquisitions.
En 2005, le chirurgien a déjà été condamné par le tribunal de Vannes pour détention d’images à caractère pédopornographique, mettant en scène des mineurs sur des sites internet illicites, entre 2002 et 2004. Il avait écopé de 4 mois de prison avec sursis.
Le 25 mars dernier, une ordonnance de mise en accusation d’un juge d’instruction rochelais l’a renvoyé devant la cour d’assises de Saintes, pour deux faits de viols commis sur des petites filles (sa voisine et une enfant de sa famille) ainsi que pour trois atteintes sexuelles, notamment sur une jeune patiente. Le procès pourrait se tenir l’an prochain. Selon son avocat, toujours cité dans la Charente-Libre, il « reconnaît des comportements déplacés. C’est presqu’un soulagement pour lui d’avoir été interpellé car il était dans un engrenage. »
« Mon nom figurait dans ces cahiers »
Ouest-France a pu s’entretenir avec deux victimes potentielles mardi 20 août. La première, qui a près de trente ans aujourd’hui, réside près de Lorient. Elle a été contactée et auditionnée par les gendarmes fin juin. « Ils m’ont parlé de mon opération d’une péritonite en 2002 par ce chirurgien. » C’était à la polyclinique du Sacré cœur à Vannes. Elle avait alors 11 ans. « Mon nom figurait dans ces cahiers. Le passage me concernant raconte très en détails de quelle façon il m’a violée et sa déception de ne pouvoir recommencer car je ne suis pas seule. Je n’ai pas de souvenir de ces actes. Il y a beaucoup de questions auxquelles j’attend aussi des réponses. » Cette audition a été un « vrai choc » pour elle. « De voir l’ampleur que ça commence à prendre est un nouveau choc, ça rend l’horreur de ce qui s’est passé vraiment réelle. »
Une deuxième victime potentielle a été auditionnée en novembre 2018 par les gendarmes de Lorient. « Depuis, je n’avais pas de nouvelles. » La Lorientaise, qui a aujourd’hui 25 ans, a été opérée pour une « suspicion d’appendicite, que je n’avais pas » à l’hôpital Bodélio en 2004, à l’âge de 11 ans. « On m’a lu le passage me concernant. Dégueulasse. » Elle en a ensuite parlé avec sa mère. « Il lui a demandé de sortir de la pièce. Elle attendait dans la salle d’attente. Elle n’a rien vu. Il indique dans ses écrits que j’ai remonté ma culotte. C’est qu’il a dû se passer quelque chose. Je ne me souviens pas. Peut-être ai-je enfoui ça en moi?» Depuis l’audition, elle essayait de ne plus y penser. Aujourd’hui, elle cherche à entrer en contact avec d’autres éventuelles victimes. Elle s’interroge. « Comment a-t-il pu continuer d’exercer alors qu’il a été condamné en 2005 pour détention d’images à caractère pédopornographique? »