Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices. Des plus beaux de nos jours. Le poète a lancé cette injonction en 1820 et deux cent ans, exactement après, notre monde vit une suspension de son rythme infernal. Les rues désertes des capitales qui ont, pendant longtemps, niées le jour et la nuit, est un spectacle à la fois de désolation (au regard de la cause de ce coup à la frénésie du travail et de l’hyperactivité) mais aussi un spectacle de questionnement.
Pour le cas du Mali, cette suspension ne se lit pas dans les rues. Elle se lit dans le schéma politique qui guidait et rythmait nos journées. La mise en œuvre de l’Accord d’Alger, qui tardait à imposer le silence des armes, se voit remplacer par ce virus venu d’ailleurs. En touchant du bois, il est fait le constat heureux que les attaques (naguère récurrentes) sont moins présentes dans notre actualité. Certes, le centre du Mali a connu, encore quelques incursions des terroristes, mais elles infimes par rapport à ce que nous avons connu en 2019.
La crise de l’école, aussi, s’est trouvée un répit en ce qui concerne le climat social délétère entre enseignants et gouvernement. C’est un sursis, peut-être, salutaire pour l’Etat du Mali mais c’est un épisode qui n’effacera pas par enchantement. Au contraire, le COVID 19 ne fait repousser l’échéance de la résolution de la grande crise de l’école malienne. Cette fermeture des classes en rajoute car prolongeant, pour les écoles publiques, le spectre d’une seconde année à moitié blanche. Pourtant, nous faisons le constat que cette question est renvoyée aux calendes grecques en raison de la pandémie. Une question spécifique mérite d’être posée. Les volontaires recrutés, qui n’ont à ce jour pas exercé un seul mois, sont-ils encore aujourd’hui rémunérés ? A-t-il été mis fin à leur contrat en raison du COVID 19 ? N’est pas là, une nouvelle crise dans la crise quand ces jeunes voudront leurs dus ?
Bien que difficile économiquement et du point de vue sanitaire, il est impératif pour les responsables politiques de mettre à contribution cette suspension du temps pour travailler à perfectionner la montée en puissance de l’armée malienne. Ceci passe plus par une réflexion stratégique sur notre façon de faire la guerre, plutôt que par la rengaine des armes et des équipements.
Deux siècles plutôt Alphonse de Lamartine décrivait, dans un poème aujourd’hui célèbre, l’inquiétude de l’humain devant le destin. Cette pandémie du COVID 19, nous renvoie à l’évidence de la fragilité de la destinée humaine face à l’immensité de l’univers. En prenant conscience de cet état de fait, durant cette pause sanitaire et salutaire, il nous revient d’engager un lendemain rendu meilleur par les stratégies que nous posons aujourd’hui.
Y.KEBE